Par suite des ordres successifs de repli des troupes françaises sur la ligne Arras-Verdun puis sur la Somme, l'évacuation d’Arras est décidée le 27 août. Le préfet quitte la ville l'après-midi pour Boulogne-sur-Mer ; il maintient sur place le trésorier payeur général pour faciliter ses relations avec la Banque de France, mais rentre lui-même à Arras dès le 29.
Il en relate les circonstances dans ses rapports au ministre de l’Intérieur des 30 août et 21 septembre 1914 :
En ce qui me concerne personnellement, le 27 août dans l’après-midi, l’ennemi ayant envahi depuis la veille le territoire de l’arrondissement chef-lieu et livré bataille autour de Marquion – Croisilles – Bapaume, après la fermeture du bureau de poste, l’arrêt de toute communication télégraphique et téléphonique, après le repliement de l’état-major général d’armée, du colonel commandant de la subdivision et de tous les services militaires, après l’évacuation de la Banque de France, de la Trésorerie générale, la cessation des transports par voie ferrée, la destruction par le génie des appareils principaux de la gare, sur le conseil formel donné par le général d’Amade et le commandant du territoire au moment même de leur départ, je me suis retiré en automobile à Boulogne, emportant les documents secrets de la préfecture et emmenant avec moi le trésorier payeur général pour continuer de mon mieux l’administration du département, suivant en cela les instructions de M. le directeur du Personnel et sa recommandation expresse d’éviter de me laisser prendre comme otage.
Mais, après avoir assuré la continuation des services financiers du département, du ravitaillement du camp retranché de Paris, je suis rentré le 29 à Arras où m’ont été apportées, de Boulogne, par envoyé spécial, vos instructions du même jour. Je n’ai plus quitté mon poste une seconde, même durant l’occupation de la ville par l’ennemi dont j’étais d’ailleurs le prisonnier sur parole.
Rapport du préfet au ministre de l’Intérieur, 21 septembre 1914. Archives départementales du Pas-de-Calais, M 5569.
Le 1er détachement allemand entre dans Arras le 31 août ; les 6 et 7 septembre, la ville est occupée et pillée. Le 2 septembre, face à l'avancée ennemie, Boulogne a été déclarée ville ouverte ; la situation militaire s'améliorant, elle accueille toutefois quelques jours plus tard le centre de la Région militaire du Nord et celui de la 2e subdivision (9-13 septembre).
Le 28, à Arras, le conseil général se réunit, sous la présidence de Charles Jonnart, pour sa seconde session ordinaire annuelle. Mais face au bombardement de la ville, à partir du 6 octobre, le préfet doit donner ordre au secrétaire général de s'installer à Boulogne avec les services, dans les salons de l'hôtel de la sous-préfecture, tandis que lui-même reste au chef-lieu du département.
La situation des services préfectoraux, à Boulogne, reste particulièrement précaire, comme l'indique les remarques acerbes du vice-président du conseil général Charles Guyot : le campement actuel à Boulogne ne peut se prolonger ; on n’y peut travailler utilement
(lettre au préfet du 28 décembre). Le 11 janvier 1915, devant une instruction formelle du ministère, le préfet doit s'engager à venir fréquemment à Boulogne et à y rester autant que nécessaire. Il obtient tous pouvoirs de la commission départementale pour choisir un immeuble plus adapté et y faire les travaux nécessaires – y compris de s'entendre avec la Ville ou la chambre de commerce ; il rejette, en revanche, un projet de transfert à Montreuil.
L'architecte en chef du département entreprend dès lors des travaux d'appropriation des salons de la sous-préfecture, mais aussi du logement du concierge (où est installé le service des allocations militaires). Après accord du conseil de prud'hommes, la Ville met des locaux à disposition de la préfecture : en 1915-1916, le secrétariat général et les services se trouvent au 35 rue des Pipots, tandis que les appartements du préfet sont aménagés au sein de la sous-préfecture. Le conseil général tient quant à lui ses sessions dans l'un des salons de l'hôtel de ville, à partir du 12 avril 1915 :
La charmante ville de Boulogne, justement fière de sa puissante vitalité, nous accueille avec les sourires et les promesses du printemps. Qu’elle reçoive, pour sa gracieuse hospitalité, l’expression de notre sincère gratitude.
Discours de Charles Jonnart, président du conseil général, 13 avril 1915.
Les autres services de l'État se sont aussi réfugiés à Boulogne, ainsi les archives départementales dans les dépendances du musée, la trésorerie dans l'ancien couvent des Annonciades, l'inspection académique à l'école Eurvin et les contributions à la mairie.
Les locaux accueillant la préfecture sont toutefois bientôt insuffisants, en raison du développement des services. Au 1er mai 1917, un immeuble, au 25 rue de Tivoli, est loué pour y transférer une partie des bureaux, tels que celui des retraites ouvrières et paysannes. Le préfet, comme le conseil général, ne cessent de rappeler leur souhait de regagner Arras. Mais ce n'est qu'à partir du 16 octobre 1918 qu’ils pourront y retourner et s'installer dans les ruines.