Le document transcrit ci-dessous, daté du 31 mars 1739, a été trouvé dans le registre paroissial de Mory. Il s’agit de l’acte de sépulture d’une fille venu morte au monde
, donc privée de baptême. Ayant été portée au calvaire d’Arras
, où elle a donné plusieurs signes de vie
, cette enfant a pu néanmoins être baptisée (avant de mourir définitivement). Son corps pouvait donc être inhumé en terre sainte
et non dans un coin du cimetière, et son âme était désormais promise au paradis, au lieu d’errer dans les limbes.
Les miracles de ce genre (enfant mort-né qui ressuscite quelques instants pour recevoir le baptême) n’étaient pas tout à fait exceptionnels à cette époque. On connaissait déjà l’exemple de Febvin-Palfart (1683), présenté par Pierre Gombert dans Histoire et Mémoire (n° 56, décembre 2008).
Mais cette "résurrection" ne pouvait se produire que dans certains endroits bien particuliers, connus sous le nom de "sanctuaires à répit". Dans le cas présent, il s’agit du "calvaire d’Arras".
Ce monument, édifié en 1677 par la ville, se trouvait au sommet de la porte Notre-Dame, au Pont-de-Cité, à la limite entre la ville et la cité.
Le 19 mars 1738, une guérison miraculeuse avait eu lieu lors d’un pèlerinage au Christ de ce calvaire, exposé dans l’église des jésuites (Marie-Isabelle Legrand, paralysée à la suite d’une chute, avait soudainement retrouvé l’usage de ses membres).
Le bruit de cet événement s’était très vite répandu dans la région d’Arras et, dans les mois suivants, le calvaire était devenu le centre d’un pèlerinage très fréquenté.
Dans ces conditions, on comprend que des habitants de Mory aient eu l’idée d’y porter leur enfant mort-né dans l’espoir de lui donner le baptême. D’autres parents, dans les villages voisins, ont eu sans doute la même idée et il serait intéressant d’en rechercher la trace dans les registres paroissiaux de cette époque.
Transcription d'un acte de sépulture. Registres paroissiaux de Mory.
Le trent et un de mars mille sept cent trent neuf a été inhumée au cimetière de cette paroise la fille d’Antoine Dobeux et Marguerite Rimbaux, ses père et mère, laquelle est venu morte au monde, mais, aiant été portez au calvaire d’Arras, elle y a été baptisé par Denys Garain, suivant le certificat qui nous a été envoiez, où deux témoins, à sçavoir Charle-Alexandre Messiez et Pierre Paul, chanoine, ont signiez et ont atesté dans ledit certificat que l’enfant a donné plusieur signes de vie. Le tout aiant été exposé à Monsieur Brochart, curé de Grévilez et doien du district, il a jugé, après avoir vu le certificat de celui qui a baptisé et des deux témoin, que l’on pouvoit l’enterrer en la terre sainte, ce qui a été fait le trent et un de mars de l’année mille sept cent trent neuf, en présence du père et de Paque Delatre, qui a signiez, le père a fait sa marque. P. René Corbel, prestre.
Archives départementales du Pas-de-Calais, 3 E 594/1.