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Attribution du Prix national au peintre audomarois Jules Joëts

Portrait noir et blanc d'un jeune homme vêtu d'un smoking et d'un noeud papillon blanc.

Jules Joëts, artiste peintre. Photographie de presse sur gallica.bnf.fr.

Le Prix national a été créé en 1874 sous le nom de Prix du Salon, avant d’adopter ce nom en 1897 ; il est décerné à un jeune peintre, ayant déjà exposé au Salon des artistes français ou à celui de la Société nationale des beaux-arts, et lui permet de bénéficier d’un séjour à Rome.

Né le 1er septembre 1884 à Saint-Omer et décédé le 19 janvier 1959 à Viry-Châtillon, Jules Joëts a étudié à l’école des beaux-arts de sa ville, puis aux arts décoratifs de Paris, et a exposé au Salon à partir de 1908. En parallèle à sa carrière artistique, il est nommé conservateur du musée de Saint-Omer en 1929.

Refusé par le musée des beaux-arts de Lyon, faute de place, L’Enterrement de sept heures, qui a valu à Jules Joëts le Prix national de 1914, est finalement confié au musée de Saint-Omer.

Au salon des artistes français

La distribution des récompenses

La distribution des récompenses décernées aux exposants du Salon des artistes français a eu lieu mardi après-midi, au Grand Palais, sous la présidence de M. Dalimier. […]

M. Thouny, commissaire général de la Société des artistes français, lit ensuite le palmarès, dans lequel figure notre sympathique et talentueux concitoyen, le grand artiste Jules Joëts qui, de plus, comme le savent nos lecteurs, a remporté le Prix national qui le met "hors concours", c’est-à-dire qu’il pourra désormais exposer aux salons de peinture sans subir l’examen du jury, et qui lui procure une allocation de 10 000 francs, ensemble d’honneurs qui sont pour un peintre la suprême consécration.

Éloge de Jules Joëts, prix national de 1914, dans "Excelsior"

À ce propos le grand journal artistique illustré de Paris "Excelsior" faisait en ces termes dans son numéro d’hier l’éloge de Jules Joëts que nous sommes heureux de reproduire :

Le "Prix national"

M. Jules Joëts, à qui un succès spécial a été fait hier lors de la distribution des récompenses aux exposants du Salon des artistes français, est un de nos plus jeunes maîtres. Il n’a guère que vingt-neuf ans, et déjà il se trouve titulaire d’une première médaille et du Prix national. L’évènement est assez rare pour qu’on l’ait déjà signalé. Mais sait-on les difficultés que Jules Joëts a rencontrées pour mener à bien son œuvre, c’est-à-dire son grand tableau : "Un enterrement chez les petites sœurs des pauvres à Saint-Omer" ?
La toile était si vaste que la chapelle était trop petite pour la contenir. Jules Joëts dut la rouler à mesure que son sujet se développait. Il n’en eut véritablement une vue d’ensemble qu’au Salon.

Jules Joëts, peut-on dire, n’a jamais eu de professeur. Il peint d’instinct comme les grands maîtres de jadis. Comme eux aussi, d’ailleurs, il aime mettre dans ses tableaux les portraits de ceux qui lui sont chers, ceux dont il connaît par cœur les visages. Depuis l’âge de six ans, il peint ; mais longtemps, pour vivre, il dut se contenter de peindre des façades, à l’exemple de son père, qui est peintre en bâtiment. Sa première œuvre fut une enseigne représentant saint Pierre. Il la fit en trempant dans ses pots de couleur un pinceau grossier. Jules Joëts est un travailleur ; il a la foi et la persévérance, qui mènent à la gloire.

Jules Joëts dîne à l’Elysée

Le président de la République et Mme Poincaré ont offert hier mercredi soir à l’Élysée, un dîner en l’honneur des membres du comité de la Société nationale des beaux-arts, des membres du comité de la Société des artistes français et de son principal lauréat : M. Jules Joëts.
Parmi les invités on remarquait MM. Bonnat, A. Mercié, Roll, Cormon, Bartholomé, Cottet, A. Besnard, directeur de la villa Médicis, Tattegrain, Henri Martin, Messager, Carré, Charpentier, les frères Isola, etc.
Le dîner a été suivi d’une brillante réception.

Le Mémorial artésien, vendredi 3 juillet 1914.

Jules Joëts fêté au banquet de la Société des artistes français

Notre illustre concitoyen Jules Joëts aura connu toutes les joies et tous les triomphes, cette semaine : ce ne sont pour lui que réceptions, ovations et banquets. Dimanche c’était avec de fidèles amis, mardi c’était à l’Élysée, mercredi c’était au Palais d’Orsay, où cela fut-il hier ? où cela sera-t-il demain ?

Cesse de banqueter 
ou je cesse d’écrire !

Il n’y a qu’une chose à plaindre dans tout cela : c’est son estomac !

Nous félicitons cordialement une fois de plus notre cher et grand artiste pour une si belle série de fêtes et de succès qui le mettent de jour en jour plus en lumière et dont l’éclat rejaillit sur Saint-Omer, ce dont les Audomarois, nous le savons, se rendent très bien compte, ils le prouveront certainement d’ici peu en acclamant à leur tour Jules Joëts quand il reviendra chargé de lauriers, d’honneur… et d’argent dans sa ville natale qui saura alors lui témoigner, nous n’en doutons pas, sa reconnaissance et sa fierté et rendre hommage à son travail consciencieux, à son talent hors ligne reconnu par ses pairs et par ses aînés et à son mérite si brillamment récompensé par leurs suffrages.

La Société des artistes français a donné au Palais d’Orsay, sous la présidence de M. Augagneur, ministre de l’Instruction publique et des beaux-arts, le banquet qu’elle organise chaque année à l’issue du Salon.

Le président de la République était présent. À la table d’honneur avaient également pris place, aux côtés de M. Augagneur, et de M. Antonin Mercié, membre de l’Institut, président de la société, MM. Dalimier, sous-secrétaire d’État aux beaux-arts ; Georges Leygues, Léon Bérard, Maurice Faure, anciens ministres ; Bonnat, Nénot, Laloux, Pascal, Marqueste, Coutant, Flameng, de l’Institut ; les membres du jury et deux artistes peintres seulement : M. Jules Joëts, médaille d’or et Prix national du Salon et M. Maxence, médaille d’honneur. […]

Au moment où le champagne pétille dans les coupes, M. Antonin Mercié a remercié le président de la République et les personnalités présentes. M. Deville a pris la parole, au nom de la Ville de Paris, exposant la façon dont elle fait ses achats. M. Augagneur dans son discours a insisté sur le rôle de l’État en matière d’art, « rôle éminemment protecteur », « la direction du mouvement artistique devant être entièrement laissée aux compétences et aux sommités qui sont notre gloire nationale. Le ministre a ensuite reconnu l’absolue nécessité des Salons annuels, seul moyen qu’ont les jeunes peintres de se produire, et a promis de faire tous ses efforts pour que cette louable tradition soit maintenue.

Nous pouvons ajouter d’après le témoignage d’un de nos confrères, critique d’art parisien qui interviewa quelques-uns des invités à leur sortie du Palais d’Orsay qu’on a fait à Jules Joëts, au cours de ce banquet, un succès inouï.

M. Augagneur, ministre de l’Instruction publique, s’adressant à M. Poincaré, président de la République et à ses voisins de table MM. Bonnat et Mercié leur dit : Messieurs, je suis profondément heureux ainsi que mes collègues du Conseil supérieur des beaux-arts d’avoir décerné le Prix du Salon de cette année à M. Joëts. Son tableau est une œuvre remarquable, très belle, forte, puissante… Voilà une œuvre sentie, émue, voilà une œuvre d’artiste, pleine de vérité et de sincérité .

On devine les ovations enthousiastes et prolongées qui furent faîtes au peintre audomarois après ces paroles prononcées à très haute voix et distinctement entendues de tous les invités de marque qui assistaient à ce banquet. Il a fallu que Jules Joëts, faisant violence à sa modestie, se levât et saluât comme l’auteur acclamé d’une pièce à succès et encore la comparaison est-elle inexacte car la pièce passe et le tableau reste.
Quand on fut passé dans le salon contigu à la grande salle à manger pour prendre le café debout, autour des buffets bien garnis de tout ce qu’il faut pour fumer et déguster les liqueurs les plus fines et les plus variées, M. Augagneur vint encore féliciter Joëts, puis, en sa présence, M. Bérard, sous-secrétaire d’État aux beaux-arts est venu serrer les mains de son interlocuteur en lui disant : Monsieur le ministre, je suis heureux de voir que vous êtes en communion d’idées avec moi en félicitant ce garçon là. C’est très bien. Bravo Joëts ! .

Bravo Joëts ! voilà deux mots que notre concitoyen a déjà entendu et lu bien souvent depuis quelques semaines et cependant les bouffées de l’orgueil ne l’ont point grisé, nous nous plaisons à le constater.

Terminons par une indiscrétion, pendant que nous y sommes : hier matin M. Couyba, ministre du Travail, qui avait déjà témoigné à Jules Joëts le désir de faire sa connaissance, l’a fait appeler au ministère expressément pour le féliciter et l’a reçu, en artiste qu’il est lui-même, c’est-à-dire de la façon la plus charmante et qui sera sans doute ensuite très profitable à notre peintre audomarois.
Saint-Omer doit savoir ce qu’il lui reste à faire à présent : c’est d’ouvrir tout grands ses bras pour y accueillir son célèbre enfant à cœur ouvert ! – C. CL.

Le Mémorial artésien, samedi 4 juillet 1914.

Le tableau de Jules Joëts acheté par l'État

Nous apprenons avec plaisir que M. le sous-secrétaire d’État aux beaux-arts vient d’informer notre sympathique concitoyen Jules Joëts que son célèbre tableau "L’Enterrement de sept heures" qui lui valut cette année, outre une médaille d’or, le prix du Salon, vient d’être acheté par l’État.

Nous croyons savoir en outre que l’œuvre impressionnante et traitée avec un art si consciencieux du peintre audomarois est destinée à la ville de Lyon qui possède comme on le sait l’un de nos plus beaux musées.

Le Mémorial artésien, samedi 4 juillet 1914.