Archives - Pas-de-Calais le Département
Les informations contenues dans cette page ne sont valables avec certitude que jusqu'à cette date et heure.

Doléances du maire d'Arques sur le prix du charbon

L’approvisionnement de la France en combustible se trouve dans une situation difficile dès la fin de 1914, à la suite à  l’invasion d’une partie des mines du Pas-de-Calais, principal bassin houiller français.
L’importation allemande et belge étant désormais impossible, il faut se tourner vers le Royaume-Uni. Pour faire face à ses besoins, la France doit importer deux fois plus de charbon britannique qu’avant la guerre ; mais, pour augmenter les capacités de réception et d’évacuation vers l’intérieur du territoire, des travaux s’avèrent nécessaires dans les ports français, ainsi qu’un apport supplémentaire en hommes et en matériel au profit des compagnies de transport ferroviaire et de navigation.

Houilles françaises et anglaises vont constituer dès lors par moitié les sources du ravitaillement en combustibles.

Le 29 juillet 1915, le comité central des Houillères de France s’engage, au nom des exploitants, à ce qu’aucune augmentation nouvelle ne soit décidée sans l’assentiment du ministère. En revanche, le prix du charbon anglais continue de monter, dopé par les cours du fret maritime, qui s’élèvent de façon importante à cause du manque de navires et de la spéculation.

Dans une lettre destinée au ministre du Commerce et au président de la Commission des mines à la Chambre des députés, le docteur Léon Alexandre, maire d’Arques, alerte sur la situation désastreuse et les obstacles rencontrés par les habitants du Pas-de-Calais, par suite des abus tarifaires et du non respect des circulaires.

Marcel Sembat ne reste pas sourd à ce mécontentement général. Le 21 octobre 1915, le gouvernement dépose un projet de loi ayant pour but l’égalisation des prix anglais et français. Cette proposition est accompagnée de la création d’un Office national centralisant toutes les demandes d’approvisionnement.

ARQUES - Charbons

Voici le texte de la lettre adressée à M. le Ministre des Travaux Publics par M. le Maire d’Arques.

Monsieur le Ministre,

Comme suite à ma lettre du 10 septembre, je vous confirme qu’il est de notoriété publique que les charbons du P[as]-de-C[alais] ne sont nullement vendus au cours arrêté d’accord avec le comité des houillères, et porté dans votre note-circulaire.

On dit publiquement que :

  1. le charbon flénu T. V. 30/35, tarifié 30 francs dans votre circulaire, s’est vendu et se vend 37,40 et même 42 francs la tonne ;
  2. les fines non lavées sont livrées à 28 francs la tonne au lieu de 25 francs prix de la circulaire ;
  3. le charbon T. V. 50 % dit charbon de ménage est vendu 48 francs aux marchands en gros au lieu de 34 francs prix indiqué dans votre circulaire.

On dit également que, aussitôt les cours faits et arrêtés, la composition 20/25 a disparu dans certains charbonnages pour être remplacée par une composition 30 p. 0/0 qui ne figure pas au tarif ministériel et que cette composition est vendue 37 francs, quand la composition flénu 20/25 se vendait antérieurement 30 francs.

On dit encore que pour tourner la circulaire ministérielle, certaine mine vend aujourd’hui une nouvelle composition 40 p. 0/0.

On prétend que la différence de prix entre les charbons français et anglais est la cause de la spéculation.

Il est également de notoriété publique que certaines commandes en 20/25 ou 30/35 faites aux mines sont rejetées par celles-ci, sous prétexte que les réquisitions faites ne leur laissent aucun disponible.

Or, des enfants du pays travaillant aux mines ne se font pas faute de répéter que certains charbonnages, loin d’avoir diminué leur production l’ont considérablement augmentée et que ces mines font de grosses et continuelles expéditions aux particuliers, tout en refusant certaines commandes sous prétexte de réquisition.

Le public, dont je ne puis me refuser d’être l’interprète, juge ces dires sévèrement et fait entendre des plaintes continuelles, surtout dans notre région de zone des armées anglaises où tout devient d’un prix inabordable aux petites bourses.

Il se demande si les pouvoirs publics ne vont pas s’émouvoir et le protéger en portant, par exemple, à la connaissance des consommateurs le cours des charbons arrêté d’accord avec le comité des houillères et, dans le cas présent, comme on l’a du reste pour les blés et farines, en rendant la réquisition des charbons effective et intégrale et en déléguant aux autorités civiles le droit de réquisition sur tous les charbons français laissés libres par l’État, de façon à ce que ces autorités puissent faire exécuter le ravitaillement de la population et des industries, au mieux des intérêts de tous, en faisant au besoin une cote mal taillée entre les charbons français et anglais, nécessaires à la consommation ?

Personnellement, pour les distributions de charbon à faire cet hiver aux indigents d’Arques, j’ai commandé, le 10 du courant, 200 tonnes T. V. composition 20/25 ou 30/35 aux prix fixés par votre circulaire, et ce à deux charbonnages du P[as]-de-C[alais]. Comme je m’y attendais, d’après ce que je viens de dire, il m’a été répondu : d’un côté, qu’on n’avait aucun disponible, de l’autre que leur représentant pourrait peut être disposer d’un petit tonnage en faveur de la commune. Ce tonnage vient de m’être refusé.

Je livre ce qui se dit à votre haute compétence et à votre esprit de justice, en vous priant de vouloir bien communiquer ma lettre à Monsieur le Ministre du Commerce, et à M. le Président de la Commission des Mines à la Chambre des Députés.

Veuillez…,

Le Maire d’Arques,
Docteur ALEXANDRE

MINISTÈRE DES TRAVAUX PUBLICS

Tarif des charbons au 1er juillet 1915

  • Grains lavés 10/30 m/m : 32 francs ;
  • Fines 10 m/m non lavées : 25 francs ;
  • Fines 10 m/m lavées : 28 francs ;
  • Fines à coke grenues dépoussiérées : 32 francs ;
  • Tout-Venant 20 25 0/0 : 28 francs ;
  • Tout-Venant 30-35 0/0 : 30 francs ;
  • Tout-Venant 50 0/0 : 34 francs ;
  • Gros criblé 10 m/m : 40 francs ;
  • Criblé 50 m/m : 43 francs ;
  • Gros à la main : 45 francs ;
  • Boulets : 40 francs ;
  • Majoration de 1 fr. 50 pour les flénus.

Pour copie conforme,
Le Maire, Dr A.

L’Indépendant du Pas-de-Calais, mercredi 22 septembre 1915. Archives départementales du Pas-de-Calais, PG 229/31.