Archives - Pas-de-Calais le Département
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La question du charbon

Le bassin houiller du Pas-de-Calais, exploité à partir de 1851, est devenu en 1878 le premier producteur français de charbon, devant celui du Nord où domine la compagnie d’Anzin.

En 1912, en France, les principaux bassins houillers sont par ordre d’importance : le Nord et le Pas-de-Calais, le Gard, Blanzy-le-Creusot, le Tarn et l’Aveyron, le Bourbonnais. La production houillère a plus que doublé en trente ans et cet accroissement est principalement dû au développement du bassin du Nord et du Pas-de-Calais – ceux du Centre et du Midi étant loin de présenter des richesses suffisantes pour se prêter à une extension rapide.

De fait, en 1913, les charbonnages du Pas-de-Calais représentent les trois-quarts de la production du Nord et du Pas-de-Calais, et la moitié de la production française, notamment grâce aux mines de Lens, premier charbonnage de France devant Anzin.

Le département du Pas-de-Calais ne renferme que des mines de houille. Au 31 décembre 1911, on y compte vingt-sept concessions ; vingt-quatre d’une superficie totale de 70 155 hectares, groupées de Douai à Fléchinelle et constituant le bassin du Pas-de-Calais proprement dit, trois d’une superficie globale de 3 916 hectares, formant le bassin du Bas-Boulonnais. Les vingt-quatre concessions sont presque entièrement comprises dans l’arrondissement de Béthune.

En 1913, le Nord et le Pas-de-Calais assurent 67 % de la production nationale de charbon ; 28 millions de tonnes, dont 20,6 dans le Pas-de-Calais. Le charbon est la base énergétique essentielle pour la construction d’une industrie forte et diversifiée.

Le déclenchement de la Première Guerre mondiale va provoquer une grave pénurie de charbon : les bassins houillers du Nord et du Pas-de-Calais se retrouvent sous la mainmise de l’ennemi, ce qui entraîne de gros problèmes de ravitaillement. Les importations allemandes et belges étant dorénavant impossibles, c’est vers le Royaume-Uni que la France va se tourner. Elle doit importer deux fois plus de charbon britannique qu’avant guerre. Pour ce faire, elle réalise des travaux dans ses ports et emploie plus d’hommes pour pouvoir réceptionner et évacuer vers l’intérieur du territoire ce précieux combustible.

La crise du charbon

Au début de l’hiver, chacun songe au charbon. Le Temps annonce que l’extraction, dans le Pas-de-Calais, ne laisse rien à désirer et que les moyens de transport font seuls défaut.

"Autour des fosses, écrit notre confrère, la houille s’entasse et s’accumule dans des conditions pires que dans la plupart de nos ports. Les moyens de transport manquent. Nul ne l’enlève et ne la distribue… Où est le charbon ? Pourquoi est-il là où il ne devrait pas être ?"

Les mines de Bruay ont en ce moment 150 000 tonnes en stock et, pour peu que l’on continue à ne pas assurer l’enlèvement du charbon, il faudra envisager la nécessité d’arrêter l’extraction.

La crise des transports, disent les journaux du Pas-de-Calais, provient de ce que nos chemins de fer ne sont plus dirigés, administrés par des professionnels de l’exploitation et de la traction, que l’autorité militaire a la haute main sur eux et qu’en dépit de sa bonne volonté, elle ne tire pas tout le parti possible des moyens dont elle dispose.

En évitant de critiquer qui que ce soit, il me sera permis de rappeler l’embarras dans lequel se trouvait l’inspecteur des chemins de fer du Nord à qui je demandais, il y a quelques jours, son avis sur les remèdes à employer pour conjurer la crise des transports qui cause de vives inquiétudes dans les départements du Nord et du Pas-de-Calais.

"La question est délicate, me répondait-il, tous les ingénieurs de la Compagnie sont maintenant militarisés, il leur est impossible  ̶  et il ne leur serait pas permis  ̶  de rejeter la responsabilité d’une situation défectueuse sur l’autorité militaire." 

Cette réflexion est assez juste et il ne nous appartient pas davantage de juger une administration qui doit faire face, en ce moment, à toutes les exigences de la défense du pays.

Le Télégramme, jeudi 9 novembre 1916. Archives départementales du Pas-de-Calais, PG 9/26.

Pour pallier l’occupation de la région de Lens, le bassin boulonnais est fortement sollicité et de nouvelles veines y sont recherchées. Les autorités réfléchissent en outre à la réouverture d’anciennes mines de charbon pour faire face à la montée croissante du prix du charbon. Le gouvernement incite les exploitations minières à produire toujours plus. Fin 1914, l’extraction reprend dans les fosses de la compagnie de Béthune et l’activité y est intense, malgré les fréquents bombardements.

Mais les moyens de transport manquent. Les voies ferrées sont exploitées pour le transport intensif des militaires et du matériel de guerre, entraînant l’usure du matériel ferroviaire.

La question du charbon

Intervention efficace de M. de Lhomel

En réponse à la lettre de M. Georges de Lhomel, président du Comité des Intérêts généraux, le Secrétaire de la commission des Mines au Ministère des travaux publics, a répondu la lettre suivante :

Monsieur le Président,

Vous m’avez signalé les difficultés que la Compagnie du Gaz de Montreuil-sur-Mer éprouve à s’approvisionner par suite de l’insuffisance du matériel roulant mis à la disposition des mines de Bruay, et vous priez la commission de répartition des combustibles d’accorder une priorité de transport pour 15 wagons de charbon de Bruay destinés à l’alimentation de cette usine à gaz.

J’ai l’honneur de vous informer que j’ai transmis la demande de l’usine à gaz précitée à l’Ingénieur en chef de l’arrondissement minéralogique de Boulogne en le priant d’examiner la possibilité de donner satisfaction à l’usine à gaz précitée, sur les quelques wagons qui peuvent être disponibles après prélèvement de ceux qui sont nécessaires aux livraisons par priorité absolue pour les usines travaillant pour la défense nationale et pour les services publics. 

Malheureusement, le manque de matériel roulant ne permet pas de répondre à tous les besoins ; cependant, le 4ième Bureau a pris toutes dispositions pour améliorer cette situation et j’ai lieu d’espérer que les résultats s’en feront bientôt sentir.

Recevez, Monsieur le Président, l’assurance de ma considération distinguée.

Le Capitaine, secrétaire de la Commission militaire des mines : Illisible.

Nous savons d’autre part que M. de Lhomel fait les démarches les plus pressantes auprès de la direction des mines pour faire livrer du charbon à Montreuil.

Le Télégramme, samedi 18 novembre 1916. Archives départementales du Pas-de-Calais, PG 9/26.

La question du charbon

Nous recevons la lettre suivante :

Boulogne-sur-Mer, 23 novembre 1916

M. le Gérant de la France du Nord, 

Nous venons de lire votre article du 20-21 courant intitulé "La Question charbon".

Il est certain que, depuis quinze jours, il n’y a plus de charbon à Boulogne et il est inadmissible que nous en soyons tous privés sous prétexte de maladresse ou d’irrégularités commises par un intermédiaire.

Nous sommes persuadés que les administrations compétentes ne tarderont pas à intervenir et nous ne resterons, sans doute, pas longtemps dans cette situation pénible.

Mais, ne pensez-vous pas que les marchands de charbon de la ville seraient plutôt qualifiés que la municipalité pour servir d’intermédiaire entre la production et les consommateurs ?

Nous sommes une quinzaine à Boulogne qui avons un personnel habitué au travail du charbon et à la livraison chez les particuliers, qui avons des chevaux et un matériel inutilisés depuis près d’un an. Nous pourrions facilement faire le ravitaillement en charbon de la ville, tout comme nous le faisions autrefois, si on ne nous privait pas systématiquement de marchandise.

Si les mines refusent de traiter directement avec nous, la Chambre de Commerce pourrait nous servir d’intermédiaire et faire une répartition équitable entre les marchands. En ce qui concerne les affaires, il nous semble que la Chambre de Commerce doit avoir plus d’autorité et de compétence que la Municipalité de Boulogne.

Veuillez croire, Monsieur le Gérant, à nos sentiments distingués.

Un Groupe de Marchands de Charbon.

Nous sommes heureux d’avoir reçu cette lettre et de nous trouver ainsi à même de revenir sur l’article auquel font allusion nos correspondants, article dont ils ne semblent pas avoir bien compris le sens. Notre intention n’avait jamais été de prétendre que les négociants en charbon n’eussent pas été les seuls agents de fourniture à la clientèle privée en notre ville. Nous avions seulement pensé que, puisqu’ils se déclaraient et se déclarent encore dans l’impossibilité de se procurer le combustible nécessaire à leur commerce, ils auraient pu recourir à l’intermédiaire de la Municipalité près des extracteurs de h ouille. Cette dernière déclarant elle-même avoir quelques peines à s’en procurer, l’intervention proposée par nos correspondants est toute logique et nous ne saurions trop les appuyer en ce sens.

La Chambre de commerce, dont l’obligeance et le dévouement aux intérêts économiques de notre ville nous sont depuis longtemps connus, ne pourra manquer de leur être, cette fois encore d’un précieux concours. Ses membres feront, en effet, tout ce qui dépendra d’eux pour venir en aide aux négociants en charbon comme ils l’ont fait pour d’autres commerçants. 

La France du Nord, samedi 25 novembre 1916. Archives départementales du Pas-de-Calais, PG 16/95.

Lors du retour des sinistrés, le charbon fait défaut comme combustible de chauffage. Les Alliés, occupés à résoudre le problème du charbon pour leur propre compte, se déclarent incapables de venir à leur aide. La circulaire du 29 avril 1917 confie en conséquence aux maires le contrôle des prix de vente du charbon, sa distribution et sa répartition ; pour Boulogne-sur-Mer, le prix du charbon pour foyer domestique restera ainsi invariable jusqu’au 30 juin 1919.

Approvisionnement de la ville 

En présence de la difficulté croissante, depuis le début de la guerre, de se procurer certaines marchandises et denrées de première nécessité, l’Administration Municipale a pris l’initiative d’en faire venir à Boulogne et de les débiter au public au prix de revient augmenté seulement des frais de transport et de manutention.

C’est ainsi que, depuis près de deux ans, il a été distribué en notre ville environ 10.500 tonnes de charbon de Bruay, vendu à raison de 56 francs la tonne, alors que, couramment, l’on paie le charbon français 80 francs et le charbon anglais 110 francs la tonne.

Actuellement l’arrivée du charbon par chemin de fer devient extrêmement difficile ; mais l’Administration Municipale fait de très instantes démarches en vue d’obtenir les envois indispensables pour la saison d’hiver.

L’initiative de la Municipalité n’a pas eu pour but d’élever une concurrence contre le commerce local. Son intention a été de permettre aux habitants de se procurer, sans des frais excessifs, les denrées qui forment le fond de l’alimentation des ménages.

Elle cède aux prix le plus réduit, le beurre, les œufs, les pommes de terre, le riz, le sucre etc. Mercredi dernier le beurre a été vendu 4.80 le kilo, le riz 0.90 le kilo, les pommes de terre 0.20 le kilo, les œufs à 0.25 la pièce, le sucre blanc à 1.30 le kilo.

L’on peut faire une petite provision de pommes de terre en la prenant par 100 kilos à raison de 19 francs ou 500 kilos pour 90 francs. La qualité vendue par la Ville est la Strazeele ronde à chair jaune.

Les denrées alimentaires sont livrées à tous. Quant au charbon, il est rappelé que sa distribution est limitée aux familles des mobilisés, aux familles nombreuses, aux indigents inscrits, vieillards, infirmes, etc.

La présente note a pour objet de renseigner le public sur les dispositions prises en vue de faciliter l’approvisionnement de notre population.

Le Télégramme, vendredi 10 novembre 1916. Archives départementales du Pas-de-Calais, PG 9/26.

Le ravitaillement en charbon 

La question du ravitaillement national en charbons est l’une de celles qui, à bon droit, sont mises par l’opinion publique au tout premier plan. Diverses interpellations, parmi lesquelles nous avons signalé celle de M. Engerand, vont porter le débat à la tribune de la Chambre. Enfin, les propositions de lois présentées par M. Bouveri, tendant à la déchéance contre les exploitants des mines, et par M. Théo Bretin, concluant l’interdiction des nouvelles concessions minières, ainsi qu’à la nationalisation des mines concédées, renouvellent des manifestations connues, mais qui prennent, cette fois, une importance particulière, à cause des circonstances que nous traversons. 

Nous avons tenu à demander leur avis à diverses personnalités des plus autorisées sur ce "problème du charbon", dont la solution va exercer tant d’influence sur le destin même du pays. L’une de ces personnalités, particulièrement qualifiée en raison des hautes fonctions qu’elle a occupées, nous a fait d’abord les déclarations suivantes :

"Avant de porter un jugement sur la situation et de chercher le remède aux difficultés qui se présentent, il est nécessaire de savoir exactement où nous en sommes. Or, je pense que la réglementation du bureau des charbons, survenue au cours de l’été dernier, c’est-à-dire au moment où se constituaient les stocks d’hiver, a eu pour effet de limiter les quantités théoriques à importer au-dessous des quantités nécessaires à la reconstitution des stocks. Des exemples sur lesquels il est inutile d’insister actuellement peuvent être fournis, à l’appui de cette affirmation. De plus, les sociétés se sont vu[es] enlever toute action sur les fournisseurs nouveaux  ̶  et nombreux  ̶  substitués à leurs fournisseurs anciens : une foule de retards sont imputables à ce fait. Les sociétés françaises n’ont pu, d’autre part, exercer aucune action sur les tours de charge et les affrètements ; l’autorité française est demeurée impuissante de son côté à agir favorablement en ce sens, sa flotte de secours étant trop peu nombreuse ou affectée à des usages spéciaux. Il est résulté de cet état de choses un déficit grandissant des importations effectives sur les quantités attribuées. On ne s’est pas aperçu, tout d’abord, de ces déficits, masqués par des livraisons finales des marchés antérieurs non réglementés. Mais aujourd’hui, ils ne peuvent échapper à l’attention de personne.

D’ailleurs l’insuffisance des affrètements va croissant : l’interdiction de louer des bateaux en "time-charter" au-dessus d’un certain prix, alors que l’État paye davantage ; les refus de licences, les réquisitions, constituent autant de causes d’aggravation, sans parler de l’évasion du fret, maintenant taxé, vers des emplois plus rémunérateurs.

La réduction excessive des stocks, la lenteur ou l’arrêt des transports par voie ferrée ou voie fluviale, la multiplication des à-coups, les surestaries consécutives annulant les baisses de prix illusoires qui ont pu tromper un moment le public, les secours donnés aux usines en déficit par des réquisitions dont l’effet était de découvrir l’une pour aider l’autre, le refus systématique du concours des mines françaises qui eût permis la constitution initiale de stocks de sécurité et de régularisation des cours : voilà les principales causes de la crise actuelle.

Que devons-nous faire ? Nous devons, me semble-t-il, songer tout d’abord aux ressources nationales. Nous devons, par tous les moyens, développer l’extraction du charbon dans les mines françaises. Les mines de la Loire et les autres exploitations de l’intérieur sont loin de produire le maximum. Donc, après avoir réglé la question du fret avec le gouvernement anglais et obtenu de sa part l’effort nécessaire pendant deux ou trois mois, il faut organiser notre production. On n’y parviendra point en tentant l’exploitation de mines nouvelles : le matériel manquerait pour cela autant que la main-d’œuvre. Mais 15,000 ouvriers répartis dans les charbonnages en pleine activité, peuvent fournir 375,000 tonnes par mois, soit 4 millions 500,000 tonnes par an. Est-il difficile de trouver cette main-d’œuvre supplémentaire ? Je ne le pense pas. A l’heure actuelle, 4.500 prisonniers de guerre, à peine, travaillent dans les mines françaises. Leur nombre peut être sensiblement augmenté et donner lieu à un rendement satisfaisant. Le complément de main-d’œuvre serait assuré, ensuite, par des professionnels choisis parmi les mobilisés d’un certain âge. Cela représenterait une économie de plus de 50 millions. Les frais de transport et de payement des salaires ne feraient par sortir de France un centime. Enfin, de graves difficultés, jusqu’à ce jour grandissantes, seraient aplanies, et le simple effort d’organisation de nos ressources hâterait, sans doute possible, l’heure de la victoire finale." 

La France du Nord, mercredi 6 décembre 1916. Archives départementales du Pas-de-Calais, PG 16/95.