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Prophylaxie des maladies vénériennes et répression de la prostitution

Au début de la guerre, la propagation des maladies vénériennes est fort éloignée des problématiques qui agitent le gouvernement et l’état-major. Il faut attendre que le front s’installe durablement et que l’on commence à comprendre que la guerre va se prolonger pour que les services de santé alertent les autorités sur les risques sanitaires engendrés par le développement de la prostitution clandestine.

Pour faire suite aux mesures préconisées par la commission permanente d’hygiène et de prophylaxie sanitaire du 28 décembre 1915, le préfet Léon Briens sensibilise les maires du Pas-de-Calais sur l’ampleur du phénomène et leur demande de prendre des arrêtés municipaux pour réglementer la prostitution dans leur commune afin de conjurer ce "véritable péril national".

Prophylaxie des maladies vénériennes. Répression de la prostitution

Boulogne, le 25 janvier 1916

À Messieurs les maires du département,

Les maladies vénériennes, la syphilis notamment, ont pris, depuis le début des hostilités, un développement inquiétant aussi bien parmi les troupes de tout âge et de toute situation que dans la population civile.

Non seulement les grands centres, mais aussi la plupart des villes secondaires ou de faible importance comportant des troupes, des dépôts ou centres d’instruction, sont devenus des foyers de contagion ; les parties rurales du pays sont également touchées du fait de permissionnaires venus de la zone des armées ou de l’intérieur. Aux armées, on observe les maladies vénériennes d’origine récente plus particulièrement sur les permissionnaires et les troupes de renfort des dépôts. Enfin, il a été constaté qu’un grand nombre de jeunes gens de 17 à 18 ans, engagés ou incorporés, sont atteints de syphilis.

Les proportions dans lesquelles sévissent ces sortes de maladies sont impressionnantes ; il s’agit d’un véritable péril national qu’il convient de conjurer d’urgence.

Pour atteindre le résultat désirable, il est absolument nécessaire qu’une entente appuyée par une collaboration effective entre les autorités civiles et militaires intervienne au sujet des mesures à prendre pour la répression de la prostitution clandestine sous toutes ses formes.

Vous ne devrez donc pas hésiter à prendre à l’égard de toute femme contaminée qui vous serait signalée par le service militaire de santé ou dont l’état spécial serait porté à votre connaissance, les mesures qui, en pareil cas, incombent à l’autorité civile (art. 97 de la loi du 5 avril 1884).

Mais les mesures prises contre les femmes atteintes seront, par suite des constatations médicales ou des dénonciations tardives, souvent ordonnées après que le foyer de contagion se sera développé. Pour conjurer le péril vénérien, il est indispensable d’intervenir préventivement et, pour cela, il est nécessaire que vous preniez sans tarder, et si le besoin s’en fait sentir dans votre commune, un arrêté réglementant la prostitution.

Ce règlement s’impose tout au moins dans les centres importants ou cantonnent des effectifs militaires élevés.

Toute femme ou fille se livrant notoirement et habituellement à la débauche, qu’elle soit en condition comme domestique, mariée ou mineure habitant chez ses parents, doit être réputée fille publique et soumise à un contrôle rigoureux et à des visites sanitaires périodiques.

Les médecins des bureaux de bienfaisance sont tout indiqués pour opérer les visites prescrites. À leur défaut, et en cas d’urgence, vous pourriez faire appel au concours des médecins militaires du cantonnement, qui ne vous refuseront certainement pas leur concours pour assurer la protection de la santé publique.

Mais ce qui importe surtout et dans toutes les communes, aussi bien dans les villages que dans les centres ouvriers, c’est de réprimer la prostitution clandestine et à cette fin de surveiller très rigoureusement les garnis, les auberges et les débits où séjournent et servent des femmes de mœurs légères et de les signaler à la gendarmerie. Il y a lieu également d’interdire d’une manière rigoureuse le racolage, particulièrement au voisinage des gares, des formations sanitaires et des cantonnements.

C’est par ce moyen que sera enrayée le plus efficacement la propagation des maladies vénériennes ; vous êtes en mesure à cet égard d’apporter le plus utile concours à cette œuvre de préservation.

Le préfet,
 L. Briens

Recueil des actes de la préfecture. Archives départementales du Pas-de-Calais, 3 K 70.