Archives - Pas-de-Calais le Département
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Des avions comme armes de destruction

Photographie noir et blanc montrant un aviateur allemand ternant une mitrailleuse à bord d'un avion.

Mitrailleur allemand en position de tir, à bord d'un avion au sol [1914-1918]. Archives départementales du Pas-de-Calais, 4 Fi 3109.

Dans son article du 1er octobre 1917, Le Télégramme rappelle l’exploit réalisé par Louis Blériot au petit matin du 25 juillet 1909. À bord du "Blériot XI", celui-ci s’est envolé de Calais pour atterrir une demi-heure plus tard à Douvres, effectuant ainsi la première traversée de la Manche en avion.

En plus de réaliser une prouesse qui lui apporte une notoriété internationale, il remporte aussi le concours organisé par le journal britannique The Daily Mail et une récompense de 1 000 livres sterling. Sa renommée le propulse en quelques années au premier rang des constructeurs d’avions nationaux. En 1914, il rachète la firme Deperdussin et crée la SPAD-Blériot. Pendant la guerre 1914-1918, les carnets de commande de ses usines de Levallois et de Suresnes ne désemplissent pas. C’est de là que sortent les fameux "Spad VII" et "Spad XIII", les avions des as Guynemer et Fonck.

Depuis le premier vol des frères Wright en 1903, l’aviation a connu d’énormes progrès, et cette tendance s’accentue particulièrement durant le conflit. Les états-majors comprennent vite les avantages tactiques qu’ils peuvent tirer de cette nouvelle technologie, très prometteuse, mais encore sous-exploitée, notamment par l’armée.

Pendant les premiers mois de la guerre de mouvement, les avions servent essentiellement aux missions de reconnaissance : photographier les tranchées ennemies, aider l’artillerie à mieux ajuster ses tirs de longue portée ou encore communiquer avec l’infanterie en survolant les champs de bataille.
Mais au fur et à mesure que se développent les combats aériens, des mitrailleuses sont installées et chaque camp n’aura de cesse de développer de nouveaux modèles, toujours plus perfectionnés.

Dans la nuit du 19 au 20 janvier 1915, un nouveau pas est franchi. Les côtes anglaises sont la cible du premier bombardement aérien visant les civils, ce qui provoque la colère de l’opinion publique. Quarante-huit heures après, Dunkerque et son port sont à leur tour touchés. Le 22 février 1915, Calais devient la première ville française à être bombardée par un zeppelin.
Les villes portuaires sont en effet des cibles privilégiées, car stratégiques. La multiplication de ces raids meurtriers contraint les administrations municipales à améliorer leur défense anti-aérienne, quasi inexistante au début de la guerre.

Début octobre 1917, les bombardements reprennent sur Boulogne-Mer. La population réclame une meilleure protection. Le 5 octobre, on affiche et on distribue des listes recensant les caves pouvant servir d’abris en cas d‘alerte. Le 9, le conseil municipal crée une commission chargée d’examiner les questions relatives aux raids aériens, notamment en ce qui concerne les secours et les moyens d’abriter les civils. Il devient en effet impératif de mieux préparer les habitants en cas de déclenchement de l’alerte.
En France, on recense 3 357 civils décédés à la suite d’attaques aériennes ou de bombardements d’artillerie.

Calais. Devant une stèle

À l’occasion de la neuvaine annuelle de pèlerinages qui vient de se clore en l’église des Baraques, une multitude de visiteurs, de promeneurs et de pèlerins se sont rendus, ces jours derniers, dans ce coquet endroit de la banlieue calaisienne devenu, depuis la mise à la mode des "petits trous pas chers", une petite station balnéaire essentiellement familiale et intime, où le luxe est inconnu en même temps que la gêne.

Et dans ce hameau des Baraques s’évoquent des souvenirs étroitement associés à l’histoire de l’aviation.
C’est de là que Blériot s’élança, à l’aube du 25 juillet 1909, pour accomplir la première traversée du détroit en aéroplane, exploit considéré à cette époque comme un fait sans précédent dans l’histoire de l’humanité.
Plus heureux que le mythologique Icare, l’homme oiseau des temps fabuleux, l’aviateur français avait mené à bien son audacieux projet.
Sur le bord de la route, un monument, une stèle, portant une inscription rappelant les faits, commémore cet exploit.           

Mais de quel immense discrédit la Kultur boche vient d’entourer cette prodigieuse invention dans l’âme populaire.
Combien on se prend à maudire maintenant cette aviation uniquement parce qu’elle est devenue un instrument diabolique au service de la barbarie teutonne.
Combien en particulier nos voisins du comté de Kent doivent regretter cette invention à laquelle Blériot donna la première consécration.
Combien de fois les forbans de l’air ont renouvelé l’exploit si pacifique de Blériot en lui donnant un but déshonorant : assassiner des femmes, des vieillards, des enfants, surpris en plein sommeil dans des stations balnéaires n’ayant aucun caractère stratégique et militaire.           

Voilà comment la Kultur boche souille les choses les plus belles, les inventions les plus géniales, issues du cerveau d’hommes qui en les créant n’avaient jamais pu prévoir qu’un jour serait venu où ces inventions mises au service du Génie du Mal, personnifié par la Kultur boche, aurait causé tant de deuils, de souffrances et de larmes.
N’ont-ils pas saboté aussi les belles nuits printanières ou automnales, nuits de mai et nuits d’octobre, chantées par le poète, en laissant les ciels étoilés et les splendides clairs de lune, complices des pirates boches. 

Avec un adversaire qui n’éprouve aucun scrupule à commettre de pareilles profanations, à se servir pour le mal d’instruments de civilisation, d’inventions faites uniquement pour les progrès de la science et le bien-être de l’humanité, il est impossible de traiter et de transiger. Il faut abattre le génie malfaisant, l’adversaire impitoyable de l’humanité et de la civilisation, qu’est cet abject militarisme teuton.
Plus ils feront de mal, plus grande sera la haine qui s’éternisera contre la race abhorrée.

Le Télégramme, lundi 1er octobre 1917. Archives départementales du Pas-de-Calais, PG 9/28.