Archives - Pas-de-Calais le Département
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Album photo d'un poilu

À quelques jours de leur participation à la  Grande Collecte et alors même que débutent les premières commémorations de la Grande Guerre, les archives départementales mettent à l’honneur une toute récente acquisition : un album photo "souvenir" d’un poilu, annoté de sa main, illustrant les diverses campagnes auxquelles il a participé de 1914 à 1918.

Portrait sepia de Francis Bar.

"Portrait de Francis Bar". Album de photographies de Francis Bar. Archives départementales du Pas-de-Calais, Fi non coté.

Si, par nature, les services d’archives publics abondent en documents produits pour les besoins des administrations et n’offrant que leur angle de vue, il est moins fréquent de conserver des témoignages intimes d’origine privée. Et pourtant, il est particulièrement précieux de pouvoir compulser ces pages d’histoire familiale et individuelle, a fortiori (mais pas seulement) lorsqu’elles concernent ou croisent des personnages connus, comme ici Georges Guynemer.

Des légendes de cet album, il ressort une certaine insouciance et un vrai sens de l’humour de la part de l’auteur, marques d’autant plus émouvantes que l’on connaît l’enfer et le chaos que vécurent ces millions de soldats. Revivons donc quelques moments de notre passé commun, grâce aux souvenirs d’un photographe amateur. Il s’appelle Francis Bar. Et voici son histoire.

Des mines au tarmac

Francis-Auguste-Martial-Joseph Bar naît le 24 octobre 1881 à Fouquières-lès-Lens, benjamin d’une fratrie de quatre enfants. Son père, Auguste-Charles-Martial, est diplômé de l’école des mines de Saint-Étienne et occupe depuis 1894 le poste d’ingénieur en chef des mines de la compagnie de Courrières : un an avant la tristement célèbre catastrophe de 1906 à laquelle il va devoir faire face, il a même reçu un diplôme d’honneur couronnant l’ensemble de son travail, lors de l’exposition universelle de Liège. Ses oncles, Eugène et Fernand, tous deux tanneurs, sont aussi respectivement maire de Lens (1880-1884) pour le premier, conseiller général (1898) et député de la circonscription de Béthune (1906-1914) pour le second.

Photographie noir et blanc montrant des soldats regroupés autour d'une table sur laquelle sont disposées des bouteilles et des verres.

"14 Juillet 1917. Fête nationale !" Album de photographies de Francis Bar. Archives départementales du Pas-de-Calais, Fi non coté.

Encore étudiant, le jeune Francis décide de s’engager pour trois ans le 9 novembre 1901. Enregistré au bureau de Béthune sous le matricule 2931, il intègre le 73e régiment d’infanterie. Caporal en septembre 1902 (27e compagnie du régiment d’infanterie de Béthune), il est nommé sergent le 25 mars 1903, et passe dans la réserve en novembre 1904 (8e RI). Négociant en bois, fondateur d’une scierie à Saint-Omer (boulevard de Strasbourg/quai du Haut-Pont), il épouse Jeanne-Henriette-Marthe-Marie Watrigant le 22 mai 1912 à Lille.

Le 4 août 1914, Francis Bar est mobilisé au 208e régiment d’infanterie, basé à Saint-Omer. Appartenant successivement à la 28e compagnie (août 1914), à la 24e (5 octobre 1914-mars/avril 1915), puis à la 22e (jusqu’au 2 juillet), il est affecté sur les fronts de Champagne et de Picardie : secteurs de Reims (La Pompelle, Prunay, octobre 1914-janvier 1915), de Pontavert et Berry-au-Bac (Aisne, février-26 mars), de Reims-Sillery (après le 13 avril) et de la Somme (Mailly-Maillet et Hébuterne, à partir du 28 mai).

Les as du ciel

En juillet 1915, il quitte l’infanterie pour le dépôt du premier groupe d’aviation à Dijon-Longvic. Les dépôts servent à l’instruction des mécaniciens-moteur et des monteurs d'avions. Après, semble-t-il, un bref passage à celui du 2e groupe d'aviation à Lyon-Bron, il intègre le camp retranché de Paris (C.R.P.), bastion défensif de la capitale ; il y reste du 10 septembre 1915 au 21 novembre 1916.

Deux photographies sepia montrant des voitures du début du vingtième siècle devant lesquelles posent des hommes en tenue de soldats.

"Les conducteurs des "légères" au Bourget" et "Le pilote de la 40 Renault". Album de photographies de Francis Bar. Archives départementales du Pas-de-Calais, Fi non coté.

En décembre 1916, il est affecté à l’escadrille nouvellement formée SPA 78, dont l’emblème est un léopard de Bornéo. Il est alors "2e classe conducteur tracteur". Le 1er octobre 1917, il est nommé caporal, avant de devenir sergent le 3 décembre 1918. Son unité combat en Champagne (terrain de La Noblette), dans la Meuse (second semestre 1917), dans les Vosges (en janvier 1918), en Picardie (juillet) et à nouveau en Champagne.

Six photographies sepia montrant des avions accidentés.

"La péniche mourante", "18 Août 1917, chute mortelle au décollage", "Demi capotage d'arrière", "Demi capotage (d'avant)", "14 Août, capotage à l'arrivée (sans bobo)" et "La mort de la péniche (avion Nieuport biplace)". Album de photographies de Francis Bar. Archives départementales du Pas-de-Calais, Fi non coté.

C’est à cette époque qu’il côtoie les "as" de l’aviation française, statut qui s’obtient généralement au bout de cinq victoires aériennes ; c’est le cas du capitaine Guynemer (mort au combat le 11 septembre 1917 à l’âge de 22 ans, 54 victoires homologuées) ou naturellement du lieutenant Armand Pinsard (27 victoires à son actif) qui appartient à la même unité que le conducteur Bar. Dans son album, on trouve notamment un morceau de la toile de son avion (accidenté le 12 juin 1917), et légendé "authentique 406", un poème qui lui est consacré, daté d’avril 1917 et une photo dédicacée par le colonel Pinsard en 1938.

Treize ans après le premier vol des frères Wright, les avions sont encore construits en bois et leurs ailes sont en toile, ce qui les rend très fragiles. L’album de Francis Bar est d’ailleurs ponctué de clichés montrant des appareils fracassés. Cependant, l’aviation va rapidement évoluer durant le conflit.

À la fin de la guerre, Francis Bar rentre à Saint-Omer et reprend ses activités dans l’entreprise de bois qu’il a créée, mais il demeure réserviste jusqu’en 1929 dans le 38e régiment d’aviation. Déjà père de quatre enfants, il en aura encore quatre autres. Il décède le 8 novembre 1960 à l’âge de 79 ans.

Deux photographies sepia montrant deux hommes posant devant unn avion.

"(L'habit ne fait pas le moine). Badouille, le roi des Ivrognes, affublé en "as" et "Brouillard, pilote [du] SPA 78".

À Pinsard

Photographie sepia montrant des hommes rassemblés autour de la carcasse d'un avion crashé.

"12 Juin 1917. La bûche fantastique. L'avion 406 de Pinsard projeté à 30 mètres (8 jours dans le coma)". Album de photographies de Francis Bar. Archives départementales du Pas-de-Calais, Fi non coté.

La Panthère est là-haut. La Panthère célèbre
Par sa forte souplesse et ses bonds surprenants,
Ne percevez-vous pas ses ronflements funèbres,
Chantant l’effondrement d’avions allemands ?

La Panthère en le ciel, c’est le [requin] dans l’onde
C’est la mort assurée à plus d’un roi de l’air,
C’est la chute finale en moins d’une seconde,
La chute des Titans foudroyés par l’éclair.

L’Évadé glorieux, le grand-maître des ailes,
Qui compte à son tableau ses seize as en 5 mois,
Emporte par les airs, sur des surfaces frêles,
La bête dessinée à sa coque je crois.

Photographie couleur montrant un morceau de toile peinte en bleu et comportant l'inscription "406" en noir.

Morceau de la toile d'avion d'Armand Pinsard. Album de photographies de Francis Bar. Archives départementales du Pas-de-Calais, Fi non coté.

C’est Pinsard, le héros qui mène ses panthères
Plus haut, toujours plus haut, allongeant son circuit
Montant vers l’Empyrée où volent les chimères
Entraînant avec lui la soixante-dix-huit.

[...]

La Noblette, avril 1917
Marne

"À Sacy-le-Grand (Oise), 21 mai 1916. De Sevin, Guynemer, Bar, Danton, Lasalle, Raty. L'inventaire du portefeuille d'un aviateur boche qui vient d'être descendu par le sous-lieutenant Guynemer". Album de photographies de Francis Bar. Archives départementales du Pas-de-Calais, Fi non coté.

Pour aller plus loin

  • Généalogie de la famille Bar, par Michel Vanoye
  • Bernard CARON, "Fernand Bar (Béthune, 28 avril 1853-Béthune, 4 avril 1926). Quelques éléments de biographie"
  • 1906. Courrières, aux risques de l’histoire, sous la direction de Denis Varaschin et Ludovic Laloux, Vincennes, 2006, 591 p.

Commentaires (1)

FOURNIER MARIE ASTRIDE

Je vous remercie pour toute la patience de vous déployez pour que tout cela ne soit pas oublié.
Cela permet à tous ces morts de vivre encore.

Le 18 novembre 2015 à 16h07