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La première bataille d’Artois

(17 – 19 décembre 1914)

En ce premier hiver de guerre, les soldats s'enlisent dans les tranchées fraîchement creusées. Les généraux Joffre et Foch décident alors de tenter une offensive pour s'emparer de Lorette et Vimy et si possible, de repousser l'ennemi au-delà de la frontière.
Leur plan ne va pas se dérouler comme prévu...

Volonté de faire évoluer le front

Carte imprimée montrant le front d'Artois fin décembre.

"Le front de combat de La Bassée à Arras à fin décembre". Carte éditée dans le Bulletin des armées. Archives départementales du Pas-de-Calais, BHC 236/1.

Après une guerre de mouvement marquée par de grands carnages, s’installe une guerre de position et d’usure. Épuisés par trois mois de combats, ayant subi de lourdes pertes et manquant d’armements lourds comme de munitions, les belligérants se font face sur une ligne à présent stabilisée, de Nieuport (Belgique) à la frontière suisse.

La fin de 1914 voit la consolidation du front, au travers d’actions localisées, notamment des attaques au début de décembre sur les communes de Vermelles, de Saint-Laurent-Blangy, d’Aix-Noulette ou de Carency, ainsi que sur la colline de Notre-Dame-de-Lorette.

À la fin de novembre, les généraux Joffre et Foch ont décidé de reprendre l’initiative sur le front ouest (Artois et Champagne), en s’appuyant sur la reconstitution des unités et des approvisionnements en munitions, en voie d’achèvement. Ils veulent s’emparer de Lorette et de Vimy puis, si cela possible, repousser l’ennemi au-delà de la frontière, et souhaitent débuter l’opération dès le 15 décembre. Le plan prévoit deux offensives principales et quatre secondaires. L’une d’elles, du 17 décembre 1914 au 17 janvier 1915, s’appuie sur le rôle de la Xe armée en Artois.

Un plan bien défini

Par ses instructions des 12 et 13 décembre, le général Maud’huy, qui la commande, a fixé un objectif précis : la rupture du front ennemi au point 140, au lieu-dit "La Folie".
Les attaques doivent être menées en direction du bois de Berthonval par le 33e corps d’armée renforcé de la 45e division, par le 21e corps d’armée sur l’axe Aix-Noulette – Souchez, enfin par le 10e corps d’armée au nord-est d’Arras. Le 1er corps de cavalerie se tient prêt à exploiter le succès et l’armée britannique doit coopérer à l’action, tout au moins par le biais du corps indien qui forme son aile droite.

L’attaque proprement dite doit être lancée le 17 décembre et comporter trois phases successives :

  • le premier jour, on s’emparera de la crête de Carency-La Targette,
  • le deuxième de la route Souchez-Arras,
  • le troisième, enfin, des hauteurs 140 ; ces indications n’ayant rien de restrictif, au cas où l’avance serait plus rapide.

Le 16 décembre, la 58e division de réserve, rattachée au 21e corps d’armée, attaque sur la voie ferrée Vermelles – La Bassée, au nord de l’embranchement d’Annequin : l’objectif a en fait pour but de détourner l’attention de l’ennemi et de l’obliger à déplacer ses réserves.

Photographie noir et blanc montrant un homme tourné de trois-quart, vêtu d'un costume militaire décoré de nombreuses insignes et médailles.

Le général Maud'huy en 1916.

À la tête du groupe provisoire du Nord, le général Foch arrive à Cambligneul le 17, à 8 h 30, et prend en main la conduite des opérations. Craignant que la préparation d’artillerie ne soit insuffisante, il ordonne de n’entreprendre l’attaque du 33e corps sur Carency que lorsque celle du 21e sur Notre-Dame-de-Lorette sera terminée, et reporte l’opération sur La Targette confiée au 10e corps.

Début des hostilités

Le 21e corps se lance à 13 h 10, après une violente préparation d’artillerie.

Dans le secteur de Noulette, le 21e bataillon de chasseurs s’empare à 16 heures des tranchées ennemies de première ligne sur presque tout son front. À sa droite, le 20e bataillon parvient à prendre pied dans quelques éléments de tranchées ; le 17e, quant à lui, ne peut progresser sur la crête même de Notre-Dame-de-Lorette.

La 92e division territoriale n’avance que de quelques postes vers la fosse Calonne ; et, si la gauche de la 58e division ne gagne guère qu’une centaine de mètres, son centre progresse d’environ cinq cents mètres vers la fosse n° 8.

Le 10e corps d’armée parvient à contrôler la mairie et l’école de Saint-Laurent, mais n’obtient aucun résultat sur Blangy.

La nuit interrompt l’offensive, mais l’ennemi réagit fortement et essaie de reprendre le terrain conquis par de furieuses contre-attaques. Prises sous les feux d’infanterie et d’artillerie, celles-ci échouent.

Recul et stagnation

Le 18, un tir trop court de l’artillerie lourde et des batteries de 75, coïncidant avec une réaction allemande, amène l’abandon d’une partie des tranchées péniblement conquises, la veille, par les 17e et 21e bataillons de chasseurs ; c’est seulement dans la soirée qu’elles peuvent être reprises par le 109e régiment d’infanterie.

Le 33e corps, qui a lancé la 70e division sur Carency, progresse d’abord assez rapidement, mais est bientôt arrêté par un feu violent. Le général de Maud’huy fait toutefois reprendre l’attaque, après préparation d’artillerie, grâce à l’appui des 23e et 27e bataillons de chasseurs alpins.

Aquarelle couleur montrant un combat devant un château.

Le panorama de la guerre. Prise du château de Vermelles par les Français. - Aquarelle de Galien Laloue. Archives départementales du Pas-de-Calais, 3 Fi 682.

Le 10e corps, quant à lui, a organisé le terrain conquis à Saint-Laurent et résisté à toutes les contre-attaques ennemies.

Report de l'attaque

L’attaque devait se poursuivre le 19 en direction de Carency ; mais, à la suite d’une entrevue entre les généraux Foch et Pétain (commandant du 33e corps), il est décidé d’attendre une préparation plus complète. L’attaque est ainsi reportée au 21 décembre.

En trois jours, la Xe armée a perdu 103 officiers et 1 836 soldats tués, ainsi que 749 disparus, et dans aucun secteur la deuxième ligne allemande n’a pu être atteinte.

L’état du terrain a empêché toute progression : les tranchées sont à peu près constamment inondées et il est presque impossible aux fantassins d’en sortir, malgré les gradins de franchissement.

Au-delà du parapet, les hommes s’enfoncent jusqu’aux genoux dans un vrai bourbier, les canons de 37 s’enlisent, les culasses des fusils, envahies par la boue, ne fonctionnent plus. Les pertes ont été rapidement très lourdes, et il a fallu renoncer à continuer l’offensive. Les troupes, épuisées, ont été terriblement éprouvées par les rigueurs de l’hiver, les aléas du ravitaillement, l’absence d’abris contre la pluie et les bombardements.

Après d’âpres combats dans les tout derniers jours de décembre, et la météorologie étant toujours aussi défavorable en janvier 1915, le général Foch décide l’arrêt de l’offensive, faute de pouvoir accorder un corps d’armée supplémentaire à la Xe armée.

La boue, le brouillard, mais aussi la ténacité et la bravoure des défenseurs bavarois, ont eu raison de cette offensive d’hiver qui se solde par plus de 7 700 tués parmi les Alliés et un nombre équivalent chez les Allemands. Le bilan n’est pourtant pas totalement négatif pour les Français, car le château de Vermelles et quelques puits de mine ont pu être repris par la 58e division d’infanterie.

Pour aller plus loin

  • Histoire de la guerre par le Bulletin des armées de la République. I : août 1914 – janvier 1915, Paris, Hachette, s.d. Archives départementales du Pas-de-Calais, BHC 236/1.
  • Y. LE MANER, La Grande Guerre dans le Nord-Pas-de-Calais (1914-1918), Lille, éditions La Voix du Nord, 2014.