Archives - Pas-de-Calais le Département
Les informations contenues dans cette page ne sont valables avec certitude que jusqu'à cette date et heure.

Un aumônier dans la guerre : Camille Vitel

Jeunesse spirituelle

Fils d’un tisseur en soie, Camille-François-Marie Vitel naît le 15 février 1881 à Frémicourt, près de Bapaume, au sein d’une famille de sept enfants. Deux de ses frères vont prendre l’habit religieux assomptionniste :

  • Fénelon-Benoît-Joseph (1871-1952), sous le nom de frère Charles, rejoint en 1891 la Mission d’Orient en Turquie (enseignement à Bursa et Kumkapi, économat et vicariat de la paroisse de Kadiköy), puis exerce le ministère pastoral à San Remo (1909-1920), avant de devenir successivement secrétaire général de l'œuvre des pèlerinages de Notre-Dame de Salut, à Paris (chargé de l’organisation du pèlerinage national du 15 août à Lourdes) et aumônier à la maison-mère des Petites Sœurs de l'Assomption.
  • Ayant pris en 1906 l’habit religieux sous le nom de frère Dominique, Jules-Augustin-Joseph (1888-1971) enseigne en Espagne, près de Rome puis au scolasticat provisoire de Bourville (Seine-Maritime) de 1917 à 1919 ; socius (adjoint au maître des novices) et économe à Saint-Gérard (Belgique, 1919-1924), il est l’un des fondateurs de la communauté de la paroisse Saint-Christophe de Javel à Paris (1924) ; il y reste jusqu’à son rattachement à l’aumônerie des Petites Sœurs de l’Assomption, comme successeur de son frère (1952-1971).

Élève des petit et grand séminaire d’Arras, bachelier ès-lettres, Camille Vitel accomplit son service militaire au sein du 33e régiment d’infanterie (12 novembre 1901-30 septembre 1902), à la suite de son engagement volontaire et conformément aux dispenses accordées aux élèves ecclésiastiques. Ordonné prêtre par Mgr Williez le 9 juillet 1905, il enseigne deux ans à l’institution Saint-Bertulphe de Fruges à partir du 1er octobre 1905, puis est nommé aumônier du collège de garçons d’Arras le 17 octobre 1907, tout en étant vicaire à la cathédrale.

Sous les drapeaux

Matricule militaire.

Matricule militaire de Camille Vitel. Archives départementales du Pas-de-Calais, 1 R 7113.

Mobilisé le 3 août 1914, il rejoint le 33e RI. Il va partager la vie des troupes pendant toute la durée du conflit, bientôt accrédité comme aumônier militaire. Le 30 août, au cours de la première bataille de Guise, le régiment, cantonné à Richaumont, est chargé d’attaquer en direction de Colonfay (Aisne) ; un feu très violent depuis les lisières du village l’empêche d’avancer, et il doit se replier par la station de Sains, malgré le pilonnage de l’artillerie lourde allemande. Les pertes sont très lourdes, 27 tués, 239 blessés et 532 disparus ; l’abbé Vitel est lui aussi blessé d’éclats d’obus aux deux jambes.

Maintenu dans le service auxiliaire par la commission de réforme du 11 décembre 1914, il retourne finalement au front le 11 janvier 1915. En Champagne, il obtient de faire construire une chapelle temporaire à proximité de la zone des combats et consacre son régiment au Sacré-Cœur. Dès 1915, il reçoit la croix de guerre, ainsi que le titre de chanoine honoraire, remis par Mgr Lobbedey, évêque d’Arras.

En 1916, au début de la bataille de Verdun, le 33e régiment d’infanterie doit faire face aux assauts allemands entre le village et le fort de Douaumont. La conduite du chanoine y est héroïque. Dans le Journal officiel du 13 avril, on trouve la citation suivante, qui accompagne l’inscription de son nom, à compter du 16 mars précédent, aux tableaux spéciaux de la médaille militaire et de la Légion d’honneur (comme chevalier) – décoration que lui remet le général Joffre lui-même :

Vitel (Camille), aumônier militaire au 33e régiment d’infanterie : pendant cinq jours et cinq nuits avec une activité inlassable, un dévouement incomparable, une bravoure merveilleuse, s’est prodigué pour secourir et réconforter les blessés de plusieurs régiments, se précipitant auprès de ceux qui tombaient malgré le plus intense bombardement, et risquant sa vie à tout instant.

Photographie noir et blanc montrant un soldat embrassant un moine dans une rangée de soldats. En-dessous la légende suivante : "Monsieur l'aumônier, vous êtes un brave ! Le maréchal Joffre remet la croix de la légion d'honneur à M. l'aumônier Vitel sur le front de Verdun, 1916".

Chanoine François Gaquère, "Une grande figure sacerdotale... Un soldat héroïque... Le chanoine Camille Vitel (1881-1967)", Arras, 1967, 28 p. Archives départementales du Pas-de-Calais, BHB 1423/3.

Le 30 juin 1916, il est affecté au groupe des brancardiers, comme aumônier volontaire. Il passe au 327e RI en novembre 1916, puis au 127e RI de mars 1918 à novembre 1919. Jusqu’à la fin de la guerre, il ne cesse de soutenir ses camarades et de veiller sur eux : il ne recueille pas moins de sept citations, telle celle à l’ordre de la division de septembre 1917 :

l’aumônier Vitel, toujours sur la brèche pour apporter aux uns les secours de son ministère, aux autres le réconfort ami qui soutient, à tous l’encouragement qui grandit et fortifie dans une action périlleuse : avec un complet mépris du danger, a assuré l’évacuation des blessés et l’ensevelissement des morts .

Reprise de l'activité pastorale

La guerre terminée, durant près d’un demi-siècle, il développe une intense activité pastorale, comme missionnaire diocésain (1920), puis comme sous-directeur des œuvres, chargé des œuvres auxiliaires de l’Action catholique (1er avril 1943).

Une d'un journal imprimé.

"En hommage à une grande figure sacerdotale de notre Artois ! Un prêtre, un soldat : M. le chanoine Camille Vitel", L’Avenir de l’Artois, samedi 23 septembre 1967. Archives départementales du Pas-de-Calais, PE 157/12.

Il organise les congrès eucharistiques et marials, en particulier le congrès national marial de Boulogne-sur-Mer des 20-24 juillet 1938, mais aussi le mouvement de croisade eucharistique et sacerdotale des enfants (cf. son Petit manuel de 1923), tout en restant fidèle aux cérémonies patriotiques et aux associations d’anciens combattants : membre du conseil d'administration de l'association de Notre-Dame de Lorette, il anime l'amicale des anciens du 33e RI. Il est aussi l’auteur d’un Manuel du soldat chrétien aux armées (imprimatur daté d’Arras, 22 septembre 1939), promouvant la consécration des soldats au Sacré-Cœur.

Le 9 février 1956, l’abbé Vitel est nommé, par Mgr Perrin, membre du chapitre cathédral et chanoine titulaire. Le 11 novembre, sur la place des Héros à Arras, il est en outre décoré de la rosette d’officier de la Légion d’honneur. En février 1958, il coordonne les manifestations diocésaines pour le centenaire des apparitions de Lourdes, et est pendant plusieurs années aumônier de la clinique du Bon Secours. Le 8 janvier 1964, toutefois, son état de santé le force à prendre sa retraite.

Le chanoine reste profondément attaché à son cher village de Frémicourt où il aime revenir : le 15 août 1965, il y célèbre son jubilé sacerdotal de diamant, assisté à l’autel par son frère, le Père Dominique Vitel. Il décède le jeudi 14 septembre 1967 à Arras, dans sa quatre-vingt-septième année, et la soixante-deuxième de son sacerdoce.

Une plaque en son souvenir a été apposée dans l’église Notre-Dame des Ardents d’Arras par l’association Ceux de Verdun (25 février 1968).

Pour aller plus loin

  • L’Écho de Notre-Dame de Lorette. Bulletin trimestriel de l’Association du monument de Notre-Dame de Lorette, 2e trimestre 1967. Archives départementales du Pas-de-Calais, PB 60/6.
  • "En hommage à une grande figure sacerdotale de notre Artois ! Un prêtre, un soldat : M. le chanoine Camille Vitel", L’Avenir de l’Artois, samedi 23 septembre 1967. Archives départementales du Pas-de-Calais, PE 157/12.
  • Chanoine François Gaquère, Une grande figure sacerdotale... Un soldat héroïque... Le chanoine Camille Vitel (1881-1967), Arras, 1967, 28 p. Archives départementales du Pas-de-Calais, BHB 1423/3.