Le 8 juillet 1846, un train de la compagnie du chemin de fer du Nord déraille près de Fampoux. Le bilan est lourd et cet accident est resté tristement célèbre, comme l’un des premiers survenus depuis la création du chemin de fer en France, quelques jours seulement après l’inauguration et l’ouverture de la ligne.
Rappel des faits
Le 8 juillet 1846, un convoi composé de deux locomotives tractant vingt-huit voitures part de Paris. À son bord se trouvent 220 passagers, à destination de Lille. Vers 15h, près de Fampoux, il franchit un viaduc construit sur la Scarpe. Soudain, les voyageurs ressentent une forte secousse qui provoque un déraillement. Treize wagons sont précipités hors de la voie. Certains se trouvent propulsés contre un talus bordant le marais, tandis que d’autres tombent dans l’étang situé en contrebas.
De ce tragique accident, on dénombre quatorze victimes ainsi que de nombreux blessés, dont cinq grièvement.
Rapidement, les secours arrivent de toutes parts : des témoins de l’accident alertent les autorités, qui envoient deux détachements des garnisons de Lille et Douai ainsi que des médecins. Les civils contribuent aussi au sauvetage : les ouvriers des ateliers d’ Alexis Hallette viennent prêter main-forte et les habitants de Fampoux recueillent chez eux les blessés.
À qui la faute ?
Le ministre des Travaux publics délègue sur place Pierre-François Frissard, inspecteur des ponts-et-chaussées, afin qu’il établisse les causes de l’accident. Dans son rapport du 13 juillet, celui-ci exclut toute défaillance technique, sans définir clairement les raisons de la catastrophe. La vitesse du convoi à cet endroit est toutefois mise en cause.
Il faut attendre novembre de la même année pour que l’affaire soit portée au tribunal de police correctionnelle de Lille. Quatre prévenus sont incriminés : deux ingénieurs et deux mécaniciens de la compagnie du chemin de fer du Nord. Du 11 au 15 novembre, les témoins et les experts se succèdent à la barre. En l’absence de preuves formelles, les prévenus sont tous les quatre relaxés.
Pourtant, il semblerait bien qu’à cet endroit (terrain accidenté), la vitesse du convoi était excessive (50 km /heure, au lieu des 20 préconisés dans pareil cas). De plus, un obstacle se serait trouvé sur la voie, car la roue avant de la première locomotive portait les traces d’une collision. Ces deux facteurs auraient provoqué le déraillement, mais les causes ne seront jamais clairement identifiées.
Le ministère public fait appel et un nouveau procès s’ouvre le 21 décembre devant la cour royale de Douai, qui se montre moins clémente. MM. Hovell et Bolu (inspecteur et mécanicien) sont acquittés, mais MM. Petiet (ingénieur de l’exploitation) et Duthoit (mécanicien) sont reconnus coupables d’homicide par imprudence, avec néanmoins des circonstances atténuantes. Ils sont tous deux condamnés à quinze jours d’emprisonnement et à participation aux frais, et M. Pethiet à une amende complémentaire de 3 000 francs.
En mai 1847, ce jugement est confirmé par la Cour de cassation qui rejette l’appel.
"L'effroyable catastrophe de Fampoux" dans Le Réveil du Nord
Ce que fut le premier et terrible déraillement qui ensan-glanta le réseau du chemin de fer du Nord le 8 juillet 1846
Quatre années s'étaient écoulées depuis le vote de la loi du 14 juin 1842 qui donnait une vigoureuse impulsion aux chemins de fer. Le jeudi 19 février 1846 pour la première fois une machine locomotive du chemin de fer du Nord, montée par l'ingénieur-directeur Onfroy de Bréville et par les ingénieurs Conche et Bazaine, roulait jusqu'à Amiens.
L'inauguration ou tout au moins une espèce d'inauguration avait eu lieu le dimanche 29 mars sur le railway de Lille à Arras et de Douai à Valenciennes dont l'exploitation devait commencer le 1er avril suivant. Les fêtes grandioses de l'inauguration officielle de la grande ligne Paris-la frontière en juin retentissaient encore qu'une catastrophe tragique comme on n'en avait jamais connue venait glacer d'effroi tout un peuple qui avait, depuis des mois, les yeux tournés vers cette formidable entreprise qu'étaient les chemins de fer.
Les "premiers pas" du chemin de fer
Cette immense entreprise qui semblait surhumaine fut menée rapidement d'après les dates que nous avons ci-dessus énoncées, avec les moyens matériels dont on disposait en ce moment. La nouvelle de l'événement qu'une locomotive venue de Paris allait se mouvoir sur des rails était d'un si grand intérêt que partout, dans toutes les villes traversées la population s'était rendue au devant du convoi qui, par exemple, à Amiens, a fait son entrée accompagné par une foule immense.
Voici ce que l'on pensait de cette épreuve : "la marche de la locomotive a pu être aussi sûre que rapide, malgré les grandes difficultés qu'il a fallu vaincre entre Clermont et Amiens, le chemin offre une voie parfaite, 150 kilomètres en moins de quatre heures ! Venir de Paris à la moyenne de 10 lieues à l'heure" c'était là une chose à émerveiller tout le monde.
En mars suivant, les convois succédaient aux convois et dans la région qui nous intéresse faisaient plusieurs fois par jour le trajet de Lille à Arras et de Douai à Valenciennes : ces convois étaient plutôt confectionnés pour s'assurer du bon état de la voie et pour permettre de régulariser le service. En effet, les essais ayant été jugés satisfaisants, l'exploitation pour les voyageurs commença le 1er avril de l'année 1846. L'inauguration officielle eut lieu en grande pompe : "Bruxelles est aux portes de Paris, disait-on dans les discours, la Capitale de ce jeune royaume n'est plus qu'à quelques heures de marche, nous touchons à Ostende, à Liège, à Gand, à Anvers, la Prusse et l'Allemagne sont plus près de nous que ne le sont encore Marseille et Strasbourg".
Fampoux ouvre l'ère des catastrophes
L'engouement pour le voyage en chemin de fer se faisait de plus en plus vif, la foule se pressait dans les stations et l'on s'entassait dans les compartiments, dans les voitures.
Le 8 juillet 1846, à 7 heures du matin, partait de Paris un convoi composé de 28 voitures portant 220 voyageurs. Ce train était remorqué par deux locomotives.
Ce convoi venait de franchir à 2 heures 30 de l'après-midi le viaduc construit sur la Scarpe, près du village de Fampoux ; il quittait une pente de 0,004 et commençait à franchir une rampe de 5 millimètres 4 précédée d'un palier de 27 mètres de longueur lorsqu'un déraillement eut lieu, et tout le convoi se divisa en cinq groupes.
Le deuxième wagon en quittant la voie alla se précipiter dans une ancienne tourbière, remplie d'eau sur trois à quatre mètres de hauteur.
D'autres wagons suivirent celui-là et s'enfoncèrent dans le marais tandis que ceux de la queue du train restaient sur la voie et se couchaient le talus, faisant de nombreuses victimes. Cette affreuse nouvelle se répandit à travers les villes, à travers la campagne et cet événement transmis de bouche en bouche fut diversement commenté et son importance, comme souvent en de telles circonstances, grossi.Encore sous l'impression de son épouvante le public quelques jours après la catastrophe, continua à exagérer l'importance des pertes de cet épouvantable accident et alla jusqu'à accuser d'être vendus, à la Compagnie Rothschild, ceux qui voulaient réduire ce cruel événement à ses vraies proportions.
Au loin, comme sur les lieux du sinistre, on entendait élever à 40, à 50, à 100 même, le nombre des morts de la fatale journée du 8 Juillet, et l'on persista à soutenir qu'un wagon, contenant vingt-deux personnes, séjournait au fond de l'eau, que durant les premières nuits qui suivirent l'effroyable noyade, trente à quarante cadavres furent enterrés clandestinement afin de soustraire au peuple la connaissance d'une partie de l'horrible vérité, et de ne point, dans l'intérêt de la compagnie, le détourner de se servir de la nouvelle voie de circulation.
Archives départementales du Pas-de-Calais, BHB 883/9.