Coloriste amoureux du beau et du délicat, le peintre arrageois Jules Thépaut s’est brillamment illustré dans les natures mortes ou les paysages de nos contrées.
Une jeunesse militaire
Jules-François-Joseph Thépaut naît le 21 mai 1818 à la citadelle d'Arras, fils d’un capitaine au corps royal du génie, François-Marie Thépaut, et de Joséphine-Thérèse Wetzell.
Il abandonne rapidement le latin et le grec qu'il étudie au lycée de Douai pour s'engager dans l’armée à l’âge de 18 ans. Il passe douze ans sous les drapeaux, atteignant le grade de sergent-major, dont sept en Algérie, avant de regagner Arras. Le jeune sous-officier finit par être nommé capitaine adjudant-major dans la garde nationale le 22 juin 1848. L'armée citoyenne n’ayant pas survécu, il dépose les armes, épouse le 27 novembre 1849 Marie Usse, fille d’un constructeur mécanique arrageois, en présence de l’archiviste Alexandre Godin, et prend en charge la gestion du portefeuille d'une compagnie d'assurances.
Élève de Dutilleux
Fortuné et avide de loisirs, Jules Thépaut repense aux écoles académiques d'Arras qu’il a fréquentées enfant et décide de reprendre les crayons.
En 1850, il sollicite Constant Dutilleux pour des conseils et des leçons. Il passe d’abord par le petit atelier, avant de rejoindre le grand atelier, où il côtoie Charles Desavary, Xavier Dourlens et Gustave Colin dont il ne tarde pas à être l’émule.
Lorsque Constant Dutilleux visite la forêt de Fontainebleau avec une partie de ses élèves et de sa famille en 1855, Jules Thépaut est du voyage, aux côtés de Charles Desavary et de Désiré Dubois.
Les études qu’il réalise dans la forêt de Barbizon sont remarquées et admirées pour leur riche et franc coloris. Il cherche à rendre simplement ce qu'il voit, sans parti-pris, et réussit à satisfaire son maître et ses amis. Jules Thépaut fait ensuite plusieurs voyages d'étude en France et en Belgique, et travaille sur les bords de la Scarpe et de l'Ugy dans les environs d'Arras.
Reconnaissance dans les salons
À l'atelier, il donne libre cours à ses instincts de coloriste dans des natures mortes, où fleurs et fruits marient richesse et saveur de tons. Deux de ses natures mortes sont d’ailleurs honorées d'une médaille à Boulogne-sur-Mer en 1866 et 1868.
Encouragé par ces succès, il présente plusieurs tableaux au Salon, mais n’est pas sélectionné. En 1868, il envoie sur le conseil d'un ami La Mare à Pia, une de ses études de Fontainebleau, qui est finalement admise.
En 1869, y figurent La Roche aux vipères et Le Sentier conduisant aux gorges d'Apremont ; en 1870, Sur le plateau du Mont-Girard et Au carrefour de la reine Blanche sont de même présentés au Palais de l'Industrie.
Retour aux armes
Lors de l'organisation de la garde nationale mobile, Jules Thépaut est nommé capitaine dans l'artillerie. Le 13 août 1870, il prend le commandement de la première batterie mobile du Pas-de-Calais dans la citadelle où il est né.
Il organise, discipline et instruit sa troupe avec énergie pour en faire des soldats en peu de mois : le 17 décembre, sa batterie rejoint l'armée du Nord. Passée par Pont-Noyelles, Bapaume, Vermand et Saint-Quentin, elle combat avec héroïsme.
À Arras, où il séjourne avec le complément de sa batterie jusqu'à la fin des hostilités, Jules Thépaut prend part aux travaux de défense et est remarqué pour son zèle et son activité. Sa carrière militaire ne se termine pas avec la guerre, puisqu’il devient par la suite l’un des premiers officiers de l'armée territoriale.
Taquiner la muse jusqu’à sa mort
Néanmoins, au lendemain du conflit, il retrouve le chemin de l’atelier. Du tableau de fleurs et de fruits qu'il traite toujours en maître à l'étude libre et vivement enlevée, il revient au grand paysage et à la noble interprétation de la nature. La palette riche et variée devient plus juste, et ses traits plus fermes et plus sûrs.
En 1876, à Villiers-sur-Marne, il entame deux toiles, dont Moulin de Villiers. Très remarquée au Salon de 1877, celle-ci est acquise par la commission du musée d’Arras et prend place dans la grande galerie en 1879. L'académie d'Arras lui décerne le prix des Beaux-Arts en 1880.
Jules Thépaut ne reverra cependant ni le Salon, ni les bords de la Marne ou la forêt de Fontainebleau. Retenu à son domicile par une coupure au pied droit, cette blessure sans importance apparente l’empêche néanmoins d’accéder durant deux ans à son atelier, qui se trouve au second étage.
L’année 1883 lui accorde un peu de répit. Il assiste de nouveau aux cours des écoles académiques en qualité de délégué de la municipalité, et se rend à Berck-sur-Mer où il dessine deux dernières études.
En 1884, sa blessure au pied se transforme en gangrène. Il décède des suites de cette infection le 3 mars 1885 chez lui au 6 rue du Bloc à Arras. Quelques jours auparavant, la préfecture du Pas-de-Calais lui a fait parvenir sa nomination à l’emploi nouvellement créé de conservateur du musée d'Arras. Le peintre laisse une œuvre peu connue mais consciencieuse et respectable.