Archives - Pas-de-Calais le Département
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Fermeture du centre Georges-Besnier jusqu'à nouvel ordre

En raison d’une panne du chauffage du Centre Georges-Besnier, sa salle de lecture (Arras) ferme jusqu’à nouvel ordre. Pour toute recherche administrative urgente sur les fonds conservés sur le site concerné (archives contemporaines), nous vous invitons à nous contacter pour une communication par correspondance ou, en cas de nécessité pratique, pour organiser une session de consultation en salle de lecture du Centre Mahaut-d’Artois des documents nécessaires à votre recherche.

Nous vous prions de nous excuser pour la gêne occasionnée et vous remercions par avance de votre compréhension.

Le relèvement d’Arras doit être notre œuvre

Depuis le 6 octobre 1914, Arras a subi de multiples bombardements, provoquant la destruction de nombreuses habitations et des principaux monuments de la ville. Dès le mercredi 7, "l’hôtel de ville flambe […]. Le centre d’Arras est un brasier" et le 17 octobre, le journaliste Albert Londres clame la phrase restée fameuse : "Reims ! Tu n’es plus seule : Arras est un décombre…".

Devant l’ampleur des dommages, se pose la question de la reconstruction d’une part et de la préservation mémorielle des ruines d’autre part. Pour les partisans de la préservation en l’état des édifices détruits par faits de guerre, il s’agit d’en faire les témoins de la violence et de la barbarie pour les générations futures, d’y établir des espaces mémoriels, voire touristiques. Pour les partisans de la reconstruction, les décombres doivent laisser la place, pour les uns à la reconstitution à l’identique des édifices disparus, pour les autres à l’édification de nouveaux bâtiments modernes, illustrant la renaissance du pays et favorisant la reprise de la vie locale. Dès 1915, les modalités de reconstruction ou de conservation des ruines animent des débats dont la presse se fait le relais.

Cet article du 10 février 1917 fait état de ces débats nationaux sur le relèvement ou la conservation des ruines à l’échelle d’Arras. Sous le pseudonyme de Robert d’Artois, le typographe et publiciste arrageois Rudolphe Pruvost défend une reconstruction à l’identique, par et pour les Arrageois. Tout en s’opposant à la préservation de ruines, il propose des alternatives pour conserver la mémoire des dommages subis par la ville à destination des générations futures. Reconstruire pour les vivants n’est pas oublier.

Pour Arras – Son relèvement doit être notre oeuvre

On a déjà discuté cette question : "Conserverons-nous nos ruines ?" Je ne pense pas que l’on s’arrête à cette résolution. Rien que pour Arras, si cette méthode eut été mise en honneur par nos ancêtres, nous aurions déjà une belle collection de débris… Car notre malheureuse cité, au cours des siècles, fut saccagée nombre de fois. Son nom n’est-il pas intimement lié à l’histoire de France ?  ̶  D’autre part, je ne pense pas que l’on puisse battre monnaie avec ces dévastations qui font saigner nos cœurs et jaillir nos larmes…

Soyons fiers dans notre détresse : nous avons droit aux réparations ; nous refusons l’aumône. Ce serait la solliciter que de placer un tourniquet devant les débris et les poussières de nos glorieux monuments ; ce serait dire aux curieux : "Donnez-nous cent sous et vous verrez les ruines de notre beffroi !"

Non, alors ! Pas cela, surtout. Jamais !

Place à la vie avant la reconstruction que des photographies soient prises de toutes nos ruines.  Plus tard, dans un nouveau musée, une salle d’honneur sera consacrée à l’Arras d’avant la guerre. Dans cette salle du souvenir, nos enfants viendront s’instruire ; et nous  ̶  les poilus en retraite !  ̶  irons évoquer les impressions de nos printemps lointains… O mélancolie !

D’ailleurs le problème du relèvement sera facile à solutionner, si toutefois on le veut bien.  ̶   Deux et deux font quatre. C’est vrai, direz-vous.  ̶  Si l’on veut prouver que deux et deux peuvent faire cinq, on n’arrivera jamais à rien… sauf à la sottise.

Voici donc : Arras souffre et meurt pour la France  ̶  au compte du pays ; c’est pour l’Artois non envahi que nous sommes persécutés ; mais c’est aussi pour la Provence, la Savoie, la Gascogne, l’Anjou, la Bretagne, la Normandie, etc…, que sont tombés notre beffroi, nos églises, notre palais Saint-Vaast et que sont dévastés nos foyers.

Telle est la vérité ! Telle est la réalité !

La France réparera ces désastres accomplis en haine de son nom ? C’est son devoir, elle n’y faillira pas. Seulement, qu’elle laisse aux Arrageois le soin de rebâtir leur cité.  ̶  Inutile de nous envoyer les « cubistes » officiels. On fait son lit comme on veut se « plumer ». Les architectes de chez nous sont là ; à eux l’honneur ! Si cette idée  ̶  que le pays tout entier est solidaire d’Arras  ̶  entre bien dans les cerveaux, les discussions seront inutiles ; nous aurons l’argent et la juste liberté de rendre à Arras son aspect d’autrefois.

C’est notre affaire à nous… et pas à d’autres.

Y songe-t-on ? Prépare-t-on le retour ? Souhaitons-le  ̶  Surtout qu’il soit bien entendu que la cité d’Arras sera « réparée » par les Arrageois. « Charbonnier est maître chez soi ! »

Nous voulons Arras comme nous l’avons quittée : avec ses places, ses églises et son fier beffroi !

C’est notre droit, sachons-le bien !

                                                                                                                     

R. d’Artois.

Le Télégramme, samedi 10 février 1917. Archives départementales du Pas-de-Calais, PG 9/27.