Il y a cent ans, en raison de la guerre, la catastrophe minière du 16 avril 1917 à la fosse n° 9 de Barlin n’a pas eu un retentissement national aussi important que celles de Courrières en 1906 ou de La Clarence en 1912, bien qu’elle ait entraîné la mort de 42 personnes et ait dévasté tout un pan de l’exploitation.
Appartenant à la compagnie des mines de Nœux-les-Mines, la fosse n° 9, dite de Waringhien, se situe à Hersin-Coupigny, en limite de la commune de Barlin (la cité minière, construite de 1908 à 1910, est presque entièrement sur le territoire de cette dernière, d’où le nom usuel de "fosse n° 9 de Barlin"). Elle est la troisième creusée à Hersin-Coupigny, au sud-ouest de la concession de Nœux-les-Mines, le puits n° 9 à partir du 9 septembre 1905, et le puits n° 9 bis (pour le retour d’air) dès le 29 juillet 1907.
L’exploitation débute en 1909 mais est arrêtée dès l’année suivante en raison de la faiblesse des résultats, à l’exception de deux veines, Élisabeth et Berthe.
Suspendue au 31 août 1914, l’activité y reprend le 1er décembre 1915. L’extraction s’arrêtera définitivement le 12 janvier 1932 ; les puits serviront ensuite de retour d’air aux fosses n° 5 (située au nord, jusqu’en 1951) et n° 7 (à l’ouest, jusqu’en 1957), avant d’être remblayés en 1958.
Le lundi 16 avril 1917, 256 mineurs travaillent à la fosse :
- 11 au raval du puits (partie en cours d’approfondissement) ;
- 132 dans l’exploitation de la veine Élisabeth, de 521 à 390 mètres de profondeur ;
- 4 dans le traçage (galerie) en ferme de la deuxième veine, à 314 mètres de profondeur ;
- 19 dans les travaux de la deuxième veine entre 460 et 390 mètres de profondeur ;
- 90 dans l’exploitation de la veine Berthe, entre 460 et 390 mètres de profondeur, dont 83 dans les travaux en plateure (avec une pente de moins de 45°) et 7 dans les montages conjugués du dressant (avec une pente au moins égale à 45°).
À 6 h 40, une explosion se produit dans le deuxième montage de Berthe dressant : le rallumage d’une lampe enflamme le grisou et l’explosion se propage par les poussières. Elle parcourt au total 110 mètres de galeries, provoquant un éboulement de 80 mètres dans la voie de fond (galerie horizontale) de Berthe dressant. La plupart des victimes meurent asphyxiées et brûlées.
Les arrêts-barrages (devant déverser une poussière inerte pour neutraliser la propagation de la flamme) n’ont en général pas fonctionné.
Avertis par le porion Delcourt, les secours s’organisent, en coordination avec le directeur de la compagnie de Nœux-les-Mines, Barthélemy, l’ingénieur de la fosse Ruby, puis l’ingénieur en chef des mines Leprince-Ringuet (arrivé dans la matinée du 17). Les troupes britanniques et canadiennes (qui occupent une partie des installations de la fosse, notamment les douches) mettent à disposition du personnel et du matériel sanitaire.
Pour rendre l’air respirable, on installe une conduite à air comprimé. Les sauveteurs avancent difficilement, en raison des éboulements ; le soir du premier jour, le bilan s’élève à 30 tués, 5 blessés et 7 disparus. Une grande salle est transformée en chapelle ardente pour que les familles puissent procéder aux identifications. Grâce au renfort des sauveteurs de Bruay, les corps des sept disparus sont retrouvés entre le 18 et le 30 avril.
Au total, la catastrophe a fait 42 tués et 8 blessés. 31 victimes sont inhumées à Barlin, huit à Hersin-Coupigny, deux à Fresnicourt-le-Dolmen et une à Caucourt-Héripré (hameau de Gauchin-Légal).
Le 19 avril, des obsèques ont été célébrées pour trente d’entre elles dans l’église de Barlin, avec transfert à Hersin-Coupigny des huit hersinoises pour une nouvelle cérémonie.
L’accident de la fosse n° 9 des mines de Nœux
Voici de nouveaux détails sur l’accident qui s’est produit le lundi 16 avril à la fosse n° 9 de la compagnie des mines de Nœux.
Il s’agit d’un coup de grisou, qui a déterminé une violente explosion vers 7 heures du matin. Au premier moment, il a été impossible de déterminer le nombre des victimes, c’est pourquoi des bruits exagérés ont immédiatement couru et se sont propagés dans toute la région. On parlait d’un millier de morts.
Les premiers renseignements qui nous sont parvenus et que nous avons transmis à nos lecteurs montraient déjà que le sinistre n’avait pas une si grande importance. Le chiffre d’une centaine de victimes paraissait devoir être un maximum. Aujourd’hui qu’il a été possible de se rendre compte de la portée exacte de l’accident, on peut donner des indications exactes. Il y a 38 morts et une quinzaine de blessés.
À la première nouvelle du sinistre, le haut personnel de la Compagnie et les autorités se rendirent sur les lieux pour organiser les secours. Une aide efficace fut fournie par les troupes britanniques, qui spontanément vinrent offrir aux sauveteurs le personnel et le matériel de leurs formations sanitaires. Ce concours dévoué fut très opportun et très apprécié.
Nous avons remarqué, sur le carreau de la fosse, MM. Bonnefoy-Sibour, sous-préfet de Béthune, Cadot, député, Hermary, maire de Barlin. M. Le capitaine de gendarmerie Gest organisa le service d’ordre. Le calme le plus complet ne cessa d’ailleurs pas de régner et la foule accourue ne perdit pas une seule minute son sang froid.
M. Barthélemy, directeur de la compagnie des Mines du Nœux, s’intéressa immédiatement au sort des familles éprouvées par la perte de l’un des leurs et procéda le 17 avril à une première distribution de secours.
Les obsèques solennelles des victimes ont eu lieu le jeudi 19 avril à 11 heures du matin en l’église de Barlin. Nous en rendrons compte dans notre prochain numéro.
Le Télégramme, dimanche 22 avril 1917. Archives départementales du Pas-de-Calais, PG 9/27.
Si l’explosion a fait grand bruit dans la région, la presse, faute de correspondants, ne donne qu’un compte-rendu succinct de cette tragédie, comme le montre l’article précédent.
Les funérailles solennelles des trente premières victimes, célébrées à Barlin le 19 avril par l’abbé Delohen et le vicaire capitulaire Guillemant font l’objet de nouveaux articles (La Croix du 22 avril ou encore Le Télégramme du 26 avril).
L’enquête a démontré qu’il y avait eu une accumulation importante de grisou, en raison d’une insuffisance générale d’aérage (par suite de fuites d’air dans les remblais et de l’absence d’un système mécanique auxiliaire), renforcée par l’arrêt du soufflard à air comprimé chaque dimanche de 6 heures à minuit, le mauvais fonctionnement de son robinet, l’insuffisance du dépoussiérage comme du contrôle du chantier par les "gaziers", faute de temps (malgré la règle qui l’exige au lendemain des jours de chômage avant la reprise du travail), enfin par la mauvaise qualité des arrêts-barrages. L’ouverture possible d’une lampe par un ouvrier en forçant les cliquets de sécurité, pratique prohibée mais encore en usage, a sans doute entraîné la catastrophe.
Les 15 et 16 avril 2007, deux stèles ont été inaugurées : rue Lamendin à Hersin-Coupigny, dédiée à la corporation minière et aux 42 victimes du 16 avril 1917 ; et à Barlin en Hommage aux victimes du 16 avril 1917. Catastrophe minière fosse 9
. Une plaque gravée des 42 noms est apposée au calvaire du cimetière de Barlin.
Funérailles de 30 victimes de l’accident des mines de Nœux
Le jeudi 19 avril, à 11 h du matin, a été célébré dans l’église de Barlin un service solennel pour les victimes de l’accident des mines de Nœux.
C’était un spectacle impressionnant que celui de ces trente cercueils (sept ouvriers n’ont pas encore été retrouvés) alignés dans la nef.
M. Guillemant, vicaire capitulaire, présidait la cérémonie. M. le préfet, M. le gouverneur de Béthune, M. le sous-préfet de Béthune, M. Leprince-Ringuet, ingénieur des mines, le conseil municipal de Barlin, les délégués des municipalités voisines, beaucoup d’officiers anglais étaient présents. La foule, très considérable, fut remarquable par son recueillement et sa tenue : aucun cri, aucune manifestation ; une douleur contenue et maîtresse d’elle-même, comme il convient aux âmes fortes.
Après l’Évangile, M. Guillemant, après avoir exprimé aux familles l’universelle sympathie qu’excite une pareille épreuve, les invita à chercher la consolation dans leur foi chrétienne et montra que la peine de la mort est, pour les croyants, apaisante, lumineuse, réconfortante.
Au cimetière, M. le préfet, dans un discours élevé et patriotique, rendit un hommage ému aux victimes, à la population, à M. le directeur des mines de Nœux.
M. Cadot, député, et un délégué mineur, crurent devoir profiter de l’occasion pour faire entendre, devant ces cadavres, une conférence socialiste.
M. Hermary, maire de Barlin, M. de Beauchamp, administrateur de la Compagnie, M. Barthélémy, directeur des mines de Nœux, rendirent un suprême hommage à ces soldats du travail, tombés, eux aussi, au champ d’honneur, et dont plusieurs avaient, deux ans durant, affronté la mort dans les tranchées.
Le Gouvernement et la compagnie ont pris l’engagement de ne pas laisser dans la détresse les veuves et les orphelins, victimes, eux aussi, de la catastrophe.
La Croix, dimanche 22 avril 1917. Archives départementales du Pas-de-Calais, PE 135/18.
Discours de M. Decrombecque, maire d’Hersin-Coupigny, lors des funérailles de victimes
Mesdames, Messieurs,
Ce n’est pas sans une profonde douleur que nous avons appris le malheureux événement qui a été cause du trépas de ces vaillants auxquels nous venons de rendre aujourd’hui les derniers devoirs.
On ne peut croire comment ces courageux citoyens, hier encore pleins de santé, d’énergie et d’ardeur, peuvent être maintenant inertes, inanimés, étendus dans ces cercueils, et par quelle horrible destinée ils ont été si vite arrachés à l’affection de leurs familles.La funèbre série de nos épreuves n’était donc pas encore close !
Après une longue accalmie qui a suivi nos deuils de 1915 à 1916, nous avions espéré que, dans notre commune, des jours meilleurs allaient enfin luire. Des ouvriers dévoués, des enfants même avaient été frappés par les projectiles ennemis : ils étaient vraiment morts au champ d’honneur, mais nous ne pensions pas que d’autres encore tomberaient victimes du devoir et pour la cause sainte de la Patrie.La plupart d’entre eux avaient quitté les champs de bataille où ils avaient risqué cent fois leur vie ; ils étaient heureux d’avoir rapproché leur famille tout en continuant de travailler pour la Défense nationale. La catastrophe de lundi dernier nous a montré que la mine est aussi un champ de bataille où l’on travaille pour la France et où l’on donne sa vie pour le salut de son pays.
De tout jeunes gens, des enfants presque ont, par avance, payé leur dette à la Patrie, dans ce service militaire d’un nouveau genre.
Salut donc aux glorieux soldats de France, dans les mines comme dans les tranchées !Je viens rendre ici, à ces nobles victimes, un solennel et public hommage de note reconnaissance. Vraiment notre petite patrie d’Hersin a bien mérité de la grande Patrie. Combien de ses enfants ont travaillé et sont déjà morts pour elle ! Qu’une rapide et décisive victoire soit la récompense de tant de sacrifice et d’héroïsme !
Permettez-moi de remercier toutes ces familles pour le courage et l’abnégation qu’elles ont montrés sur les lieux du sinistre et la confiance qu’elles m’ont témoignée.
Je ne les oublierai pas et je ferai tout ce que je pourrai pour adoucir leur peine, s’il est possible.Au nom de la municipalité et au mien, mes chers administrés, adieu !
Le Petit Béthunois, jeudi 26 avril 1917. Archives départementales du Pas-de-Calais, PG 60/16.