M. Paul Herrgott, sous-préfet délégué au contrôle des évacuations du Pas-de-Calais tué par un obus
Nous signalions, il y a quelques jours, la très belle conduite des autorités dans les villes du front de la région du Nord, or, voici que nous apprenons la pénible nouvelle de la mort de M. Paul Herrgott, sous-préfet, qui, il y a quelques mois à peine, avait accepté la difficile mission de diriger le service du contrôle des évacuations dans le Pas-de-Calais.
Mercredi, vers midi, alors que M. Herrgott sortait porter son courrier dans la localité proche du front où, en dépit des bombardements, il s’était installé, un obus de gros calibre éclatait à quelques mètres de lui et le mutilait affreusement.
Quand on vint pour lui porter secours, on ne put que constater le décès de ce fonctionnaire dévoué autant que courageux.
J’ai connu M. Paul Herrgott dans l’Est et ai toujours eu plaisir à constater la parfaite loyauté de celui qui, n’ignorant rien du danger qu’il courait, devait être tué hier à son poste d’honneur.
Ancien avocat près la cour d’appel de Nancy, M. Paul Herrgott entra, il y a vingt ans environ, dans l’administration et sut y donner la mesure de son talent. Après avoir occupé divers postes en Meurthe-et-Moselle, il fut, à la veille de la guerre, nommé à Sedan.
Appartenant à une famille des pays envahis, M. Paul Herrgott était tout désigné pour participer à l’œuvre de reconstitution du Pas-de-Calais, si fâcheusement interrompue par les derniers événements.
Inlassable, toujours sur la brèche, ce grand taciturne était un beau caractère de Lorrain profondément patriote et il me souvient que, tout récemment encore, un de ses chefs – qui s’y connaît en courage ̶ me disait quelle admiration lui causait la belle conduite de son collaborateur.
Jeudi, à l’annonce de la mort de M. Paul Herrgott, qu’il apprit à Béthune, M. Robert Leullier, préfet du Pas-de-Calais, partit saluer sur place la dépouille de cette victime du devoir.
Les obsèques du défunt seront célébrées aujourd’hui à 10 heures à Hesdin.
La mort tragique de M. Paul Herrgott frappe l’administration préfectorale du Pas-de-Calais en la personne d’un de ses meilleurs fonctionnaires et notre esprit d’équité nous oblige, en rendant hommage à celui qui n’est plus, à faire l’éloge de ceux qui restent sur la brèche, notamment de notre préfet, continuellement dans les localités menacées, et de M. Bonnefoy-Sibour, sous-préfet de cet arrondissement si éprouvé à l’heure actuelle et qui ce matin encore disait : "Je ne partirai que contraint et forcé de mon poste."
Nous ne voulons rien connaître des opinions de tous ceux qui, à un titre quelconque, donnent le plus bel exemple du courage civique, mais, une fois de plus, en saluant bien bas la dépouille de M. Paul Herrgott, victime du devoir, nous demandons au Gouvernement de ne pas oublier qu’il est des hommes, fonctionnaires ou élus, prêtres ou laïcs qui, volontairement, exposent leur vie pour remplir toutes les obligations de leur charge et que ceux-là peuvent prétendre à la reconnaissance du pays.
Nos maires du front ou de l’arrière, galvanisés par l’exemple, témoignent du plus bel esprit de sacrifice ; comme les fonctionnaires dont nous parlons, ils ne réclament rien, mais il appartient à la presse de plaider leur cause à laquelle l’opinion publique sans réserve a déjà souscrit.
Pour M. Paul Herrgott, nous espérons qu’un ruban rouge bien mérité sera accroché au drap mortuaire, ruban qui prouvera quel prix le Gouvernement attache à l’héroïsme de ses représentants.
Le "Télégramme" au nom de ses lecteurs présente à la famille du défunt l’expression de ses plus sincères condoléances.
[signé:] E. E.