Fils du directeur général des forges de Sainte-Claire puis de la société des usines de Villerupt et Sainte-Claire, Louis-Laurent Herrgott (lui-même originaire de Guebwiller), Paul-Marie Herrgott naît à Villerupt le 5 septembre 1860. Il étudie le droit avant d’entrer dans l’administration préfectorale, et obtient successivement, à partir de 1887, trois postes de conseiller de préfecture, puis six comme sous-préfet, entre 1895 (Figeac) et 1913 (Sedan).
Détaché depuis quelques mois à la reconstitution des communes libérées, chargé de l’évacuation des civils du Pas-de-Calais, il est tué par un obus à Beaumetz-les-Loges, le mercredi 10 avril 1918, en accomplissant sa mission.
À la demande du préfet, sa dépouille est ramenée à Hesdin et déposée à la chapelle de l’hôpital Saint-Jean. Ses funérailles ont lieu le samedi 13, en présence du ministre du Blocus et des Régions libérées, Albert Lebrun, son compatriote (comme conseiller général d’Audun-le-Roman, où a vécu Herrgott, et comme président du conseil général de Meurthe-et-Moselle à partir de 1906, alors qu’Herrgott est sous-préfet de Toul).
Le conseil municipal de Beaumetz-les-Loges, le 20 juin 1920, décidera d’ériger un monument en son honneur, "afin de perpétuer sa mémoire parmi la population dont il a soutenu le courage par son exemple et sa foi en la victoire".
Paul Herrgott sera en outre fait chevalier de la Légion d’honneur à titre posthume, par décret du 25 septembre 1920.
M. Paul Herrgott, sous-préfet délégué au contrôle des évacuations du Pas-de-Calais tué par un obus
Nous signalions, il y a quelques jours, la très belle conduite des autorités dans les villes du front de la région du Nord, or, voici que nous apprenons la pénible nouvelle de la mort de M. Paul Herrgott, sous-préfet, qui, il y a quelques mois à peine, avait accepté la difficile mission de diriger le service du contrôle des évacuations dans le Pas-de-Calais.
Mercredi, vers midi, alors que M. Herrgott sortait porter son courrier dans la localité proche du front où, en dépit des bombardements, il s’était installé, un obus de gros calibre éclatait à quelques mètres de lui et le mutilait affreusement.
Quand on vint pour lui porter secours, on ne put que constater le décès de ce fonctionnaire dévoué autant que courageux.
J’ai connu M. Paul Herrgott dans l’Est et ai toujours eu plaisir à constater la parfaite loyauté de celui qui, n’ignorant rien du danger qu’il courait, devait être tué hier à son poste d’honneur.
Ancien avocat près la cour d’appel de Nancy, M. Paul Herrgott entra, il y a vingt ans environ, dans l’administration et sut y donner la mesure de son talent. Après avoir occupé divers postes en Meurthe-et-Moselle, il fut, à la veille de la guerre, nommé à Sedan.
Appartenant à une famille des pays envahis, M. Paul Herrgott était tout désigné pour participer à l’œuvre de reconstitution du Pas-de-Calais, si fâcheusement interrompue par les derniers événements.
Inlassable, toujours sur la brèche, ce grand taciturne était un beau caractère de Lorrain profondément patriote et il me souvient que, tout récemment encore, un de ses chefs – qui s’y connaît en courage ̶ me disait quelle admiration lui causait la belle conduite de son collaborateur.
Jeudi, à l’annonce de la mort de M. Paul Herrgott, qu’il apprit à Béthune, M. Robert Leullier, préfet du Pas-de-Calais, partit saluer sur place la dépouille de cette victime du devoir.
Les obsèques du défunt seront célébrées aujourd’hui à 10 heures à Hesdin.
La mort tragique de M. Paul Herrgott frappe l’administration préfectorale du Pas-de-Calais en la personne d’un de ses meilleurs fonctionnaires et notre esprit d’équité nous oblige, en rendant hommage à celui qui n’est plus, à faire l’éloge de ceux qui restent sur la brèche, notamment de notre préfet, continuellement dans les localités menacées, et de M. Bonnefoy-Sibour, sous-préfet de cet arrondissement si éprouvé à l’heure actuelle et qui ce matin encore disait : "Je ne partirai que contraint et forcé de mon poste."
Nous ne voulons rien connaître des opinions de tous ceux qui, à un titre quelconque, donnent le plus bel exemple du courage civique, mais, une fois de plus, en saluant bien bas la dépouille de M. Paul Herrgott, victime du devoir, nous demandons au Gouvernement de ne pas oublier qu’il est des hommes, fonctionnaires ou élus, prêtres ou laïcs qui, volontairement, exposent leur vie pour remplir toutes les obligations de leur charge et que ceux-là peuvent prétendre à la reconnaissance du pays.
Nos maires du front ou de l’arrière, galvanisés par l’exemple, témoignent du plus bel esprit de sacrifice ; comme les fonctionnaires dont nous parlons, ils ne réclament rien, mais il appartient à la presse de plaider leur cause à laquelle l’opinion publique sans réserve a déjà souscrit.
Pour M. Paul Herrgott, nous espérons qu’un ruban rouge bien mérité sera accroché au drap mortuaire, ruban qui prouvera quel prix le Gouvernement attache à l’héroïsme de ses représentants.
Le "Télégramme" au nom de ses lecteurs présente à la famille du défunt l’expression de ses plus sincères condoléances.
[signé:] E. E.
Le Télégramme, samedi 13 avril 1918. Archives départementales du Pas-de-Calais, PG 9/29.
Obsèques de M. le sous-préfet Herrgott à Hesdin
Samedi matin, ont eu lieu les obsèques de M. Paul Herrgott, sous-préfet de Sedan détaché à Beaumetz-les-Loges pour la reconstitution des villages libérés dans les tragiques circonstances que l’on sait.
Voulant rendre un suprême hommage à ce distingué et dévoué fonctionnaire, héroïquement mort sur la brèche dans l’accomplissement de sa périlleuse mission, qu’il tint à remplir jusqu’à la mort, M. Lebrun, ministre du Blocus et des Pays libérés, avait tenu à assister à la cérémonie funèbre.
Il suivit sous l’empire d’une émotion visible – car il était l’ami personnel du défunt – le cercueil placé sur un corbillard recouvert du drap tricolore habituellement réservé aux militaires.
Assistaient également aux obsèques, M. Robert Leullier, préfet du Pas-de-Calais ; M. Brebion, conseiller général, maire d’Hesdin ; M. Villey, conseiller de préfecture ; M. Adam, sous-préfet de Saint-Pol ; M. Lemoine, sous-préfet de Doullens et une cinquantaine d’officiers de toutes armes appartenant à tous les corps et services de la garnison, le conseil municipal, un certain nombre de notabilités de la ville ; les dames de la Croix-Rouge, les élèves des écoles municipales, les délégations de troupes, etc., etc.
À l’issue de l’office, le corps fut conduit au cimetière et déposé provisoirement dans un caveau en attendant son transfert au pays natal du défunt.
Après une dernière bénédiction, M. Lebrun, ministre, se plaça près du caveau et prononça un remarquable discours que nous regrettons, faute de place, de ne pouvoir reproduire in extenso et dont il nous faut nous contenter de donner le passage suivant :
"Dans une lettre qui me parvenait à la fin de mars et où il me rendait compte des résultats des premiers bombardements, il disait : "En rentrant ce soir de ma tournée dans les communes voisines, je voyais ces récupérés, ces braves paysans que vous connaissez, revenir dans leurs abris avec la musette d’un côté et le masque de l’autre. Je les ai salués bien bas, car ce sont de braves gens."
"Fidèle au devoir jusqu’au bout, il demeura ans ces heures graves au milieu des populations dont il se considérait en quelque sorte comme le gardien et l’ami. Il avait à cœur de les secourir, de les réconforter, de les assister dans les moments pénibles qu’allaient leur imposer les événements de guerre.
"Je reste ici, m’écrivait-il le 4 avril dans des lignes qui sont peut-être les dernières sorties de sa main, je reste ici. C’est le devoir. Et puis, on verra bien."
"Émouvant et dramatique appel à l’avenir !
"Quelques jours après, il tombait blessé à mort dans les conditions que vous savez, et maintenant, il repose à jamais dans les légions de vaillants que la guerre a couchés dans la tombe.
"Notre tristesse est grande. Elle est grande au pays d’Artois qui avait éprouvé au cours des derniers mois ses qualités de bonté et de dévouement et qui l’avait accueilli tout de suite comme un de ses fils adoptifs.
"Cette tristesse sera plus grande encore demain dans les communes qui, de Briey à Longwy, couvrent le plateau lorrain, quand on y apprendra la fin dramatique d’un des bons ouvriers dont on attendait le concours pour le relèvement futur."
Tous ceux qui ont connu le regretté fonctionnaire et ont pu l’apprécier à l’œuvre s’associeront de cœur à cet hommage si éloquemment rendu à sa mémoire.
La France du Nord, lundi 15 avril 1918. Archives départementales du Pas-de-Calais, PG 16/97.