Archives - Pas-de-Calais le Département
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Fermeture du centre Georges-Besnier jusqu'à nouvel ordre

En raison d’une panne du chauffage du Centre Georges-Besnier, sa salle de lecture (Arras) ferme jusqu’à nouvel ordre. Pour toute recherche administrative urgente sur les fonds conservés sur le site concerné (archives contemporaines), nous vous invitons à nous contacter pour une communication par correspondance ou, en cas de nécessité pratique, pour organiser une session de consultation en salle de lecture du Centre Mahaut-d’Artois des documents nécessaires à votre recherche.

Nous vous prions de nous excuser pour la gêne occasionnée et vous remercions par avance de votre compréhension.

Journal d'un médecin-major

Dès 1914, un service sanitaire est mis en place pour évacuer les blessés des champs de bataille et les diriger vers différents hôpitaux militaires selon la gravité de leurs blessures.
Ces hôpitaux d’évacuation sont situés à l’arrière du front. Ils sont bien souvent réquisitionnés par l’armée et occupent des lieux "hétéroclites" tels que des couvents, des établissements scolaires ou des hospices que l’on aménage en salles de soins, en salles d’opérations.
Les médecins militaires sont aidés par des médecins civils ou des comités des sociétés d’assistance regroupées dans la Croix-Rouge, telles que la Société de secours aux blessés militaires et l’Union des femmes de France.

La vie y est difficile car il faut gérer l’arrivée de nombreux blessés, dont certains très grièvement atteints. Il faut pallier le manque de place, de médicaments, de pansements et de nourriture. Le travail est épuisant, en raison des longues heures passées à proximité des bombardements ou sous l’occupation allemande en tant que prisonnier.

Les difficultés auxquelles sont confrontés les blessés et le personnel soignant sont parfois dramatiques, comme en témoigne (au-delà de sa forme, marquée par la propagande) le texte reproduit ci-dessous, publié par La Croix du Pas-de-Calais du jeudi 29 avril 1915. L’auteur de ce texte n’a pas été identifié, mais on sait qu’il s’agit d’un médecin-major de l’armée française, fait prisonnier près de Bapaume, lors de la bataille de Courcelles-le-Comte (octobre 1914).

Journal d’un Médecin-Major, prisonnier en Allemagne

À Bapaume

… Me voilà prisonnier, contrairement à toutes lois humaines, que les Allemands ignorent. Nous avons été pris sur le champ de bataille de Courcelles-le-Comte, près Bapaume, en train de ramasser et de soigner nos blessés. Tu crois peut-être qu’on nous a nourris ? Tu ne les connais pas.
Sans la charité d’une vieille femme, Mme Théry, qui risquait des balles pour ce fait, nous serions morts de faim, nos blessés surtout et nous pendant trois jours et trois nuits.
Parqués à trente dans trois pièces immondes d’une chaumière très pauvre, nous n’avons pas pu nous laver, nous déshabiller encore moins ; quand nous voulions sortir, on nous menaçait de fusillade. Prisonniers, volés, affamés, voilà notre sort pendant trois mortels jours à Béhagnies. Le matin du quatrième jour, après avoir enterré cinq des nôtres, sur le bord du chemin, on vint nous chercher pour nous transporter à Bapaume. On nous contraignit de marcher en rangs entre six hommes baïonnette au canon, à pied bien entendu, et au milieu des quolibets de la soldatesque teutonne, on nous amena à Bapaume dans un collège ecclésiastique transformé par le supérieur en ambulance.

Nous fûmes reçus très cordialement par ce prêtre, qui avait déjà un certain nombre de blessés plus ou moins bien soignés par les Dames vraiment admirables de la Croix Rouge du pays et par un médecin civil de 60 ans. Te dire que ces malheureuses gens de Bapaume ont eu à souffrir de l’occupation prussienne est impossible.
Leurs maisons avaient été soigneusement mises à sac par les différents corps prussiens qui avaient traversé la ville ; quand nous l’avons traversée pour aller au collège Saint-Jean-Baptiste, les devantures des boutiques étaient brisées, des débris de meubles, des bouteilles vides, de la paille, des matelas éventrés traînaient dans les coins ; les visages apeurés de quelques rares habitants paraissaient aux vitres, et la soldatesque teutonne errait au milieu de ces ruines, avantageuse, rigolarde, satisfaite. C’était sinistre !...

Comme je te l’ai dit, le supérieur du collège avait, avec sept ou huit dames charitables et bonnes de la ville, installé une ambulance dans ses bâtiments vides d’élèves. Il avait déjà une quarantaine de blessés français que ces femmes admirables soignaient de leur mieux.
Un jésuite, heureusement, s’était trouvé venir à Bapaume au début de l’occupation et, comme il était interne des hôpitaux de Paris, il leur avait rendu les plus grands services. Nous l’avons toujours avec nous d’ailleurs, ce qui fait qu’avec François Bailly, un médecin de Sens retrouvé sur ce maudit champ de bataille, que je n’avais pas revu depuis le lycée et qui est prisonnier avec moi, et ce docteur Verdun (jésuite), cela porte à quatre l’effectif médical de notre ambulance, qui contient maintenant 280 blessés et qui fonctionne admirablement.
Nous rendons de grands services, car nous avons constitué des salles d’hôpital, une pour chacun de nous, et, du matin au soir, nous soignons, opérons, pansons, en essayant de ne penser à rien ! Notre captivité est bizarre : un jour, nous avons le droit de sortir en ville seuls ; un autre, nous devons avoir avec nous une sentinelle de notre poste, car nous sommes gardés comme à la Santé ! Les Allemands confondent : Santé et service de santé !...

Aujourd’hui, nous ne pouvons plus franchir le poste de l’ambulance, il y a un gouverneur allemand depuis ce matin ; l’heure est allemande (elle est avancée d’une heure) ; nous sommes en terre allemande et sous la terreur allemande.

Quand on nous amena à Bapaume, on nous prit nos voitures d’ambulance, nos chevaux, nos objets de pansement, mais on nous dit que nous étions "libres", "nicht gefangen", "non prisonniers", de nos personnes.
Maintenant, nous sommes prisonniers et nous le sommes si bien que samedi on nous emmena quatre de nos infirmiers dans un hôpital allemand qui en était dépourvu. Et cela, comme toujours, en cinq minutes ; un officier à monocle arriva et dit : je viens chercher quatre infirmiers, j’en ai besoin. Et voilà. Pourquoi se gêner ?
Bien entendu, pas un objet de pansement. Nos admirables femmes s’ingéniaient à trouver des lits, des draps, des médicaments, des compresses, des vivres, car on nous a tout pris, à nous et à tous les gens de Bapaume, mais il faut encore nourrir nos blessés et nous-mêmes.
Sans compter qu’on rafle tous les hommes de 15 à 60 ans pour les emmener en captivité en Allemagne et qu’on a frappé la ville d’une contribution de 15 000 francs.

C’est la sucée, la mise en coupe réglée, méthodique, de toute une partie de la France. Nos vaillantes populations du Nord supportent cela sans trop se plaindre, avec philosophie même. Je ne parle pas de nos blessés, qui presque tous ont quatre ou cinq balles dans le corps et qui ne s’en émeuvent pas plus que de raison.
Seul, le canon qui entoure Bapaume fait rage depuis huit jours, nous distrait un peu. On essaie de mesurer à quelle distance il est, par conséquent où sont nos troupes et quand viendra la délivrance !... La grande peur, c’est pour les valides d’être évacués et emmenés prisonniers en Allemagne ; je te dirai que c’est également la nôtre ; je ne me vois pas passant l’hiver en Allemagne, loin de toi et des enfants : vingt jours que je n’ai plus de nouvelles de vous, et combien de fois passerai-je vingt jours sans en avoir ! Ah ! c’est terrible !...

La Croix du Pas-de-Calais, jeudi 29 avril 1915. Archives départementales du Pas-de-Calais, PE 135/17.