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Naissance du peintre berckois Francis Tattegrain

Maître du naturalisme, Francis Tattegrain est reconnu en son temps, au point qu'il est l'un des peintres les plus prisés de la Troisième République. Les marines issues de ses longues promenades le long de la Côte d'Opale lui valent reconnaissance et louanges de ses pairs.

Premiers contacts avec l'art

Photographie noir et blanc montrant un homme tourné de trois-quart, portant une barbe et des lunettes.

Francis Tattegrain, portrait de Pierre Petit, s.d.

Issu d’une ancienne famille de Péronne et d’une longue lignée de magistrats, Francis Tattegrain naît à Péronne le 11 octobre 1852 de Thérèse Marie Voillemier et de Charles-Louis Tattegrain, président du Tribunal d'Amiens.

C’est en 1865 que Francis Tattegrain découvre la ville de Berck, ville où son père fait construire un chalet au 28 de la rue de l'Entonnoir et qui deviendra son lieu de villégiature. Durant l'hiver, Francis Tattegrain réside à Senlis dans la maison de son grand-père maternel, le docteur Jean-Baptiste Voillemier, proche parent du sculpteur Edmé Bouchardon.

C’est une rencontre avec le peintre et graveur Ludovic-Napoléon Lepic qui travaillait sur la plage de Berck en 1876 qui le décidera à se vouer complètement à la peinture.

Brillante carrière artistique

Pour obtenir l’accord paternel afin de s’adonner entièrement à la peinture, le jeune Francis Tattegrain va s’engager à entamer des études de droit et obtenir brillamment son doctorat.

Encouragé par son frère Georges, sculpteur, et le comte Lepic, il va poursuivre sa formation artistique à Paris en même temps que son doctorat de droit. Il entre à l'Académie Julian en 1877 où il suit l'enseignement de Jules Lefebvre et de Gustave Boulanger.

Peinture montrant des pêcheurs sur la plage, devant une coque de navires renversée.

Chasseurs sur la plage, Francis Tattegrain.

En 1879, deux de ses toiles sont admises au Salon des artistes français, salon où il sera dès lors présent sans interruption jusqu'en 1914. Nommé chevalier de la Légion d'honneur en 1889, Francis Tattegrain se voit attribuer pour son œuvre Saint Quentin pris d'assaut la médaille d'honneur au Salon de 1899.

Durant près de vingt ans, il va bénéficier de nombreuses commandes publiques et sera l’un des peintres les plus honorés de la Troisième République. Son talent lui vaudra de nombreuses commandes comme L'Entrée de Louis XI à Paris pour l'Hôtel de ville de Paris en 1892.

Des marines exceptionnelles

Portrait d'un homme barbu portant des lunettes, en-dessous duquel on lit "Not' Maître Mariani, vot vin, il est grameuint coualnt, ben goûtant, ben plaisant, et bouffrement ravogitant. Si qui en avoit eine fontaine cheuy nous, pour sûr, not' village il augmentroit vîte ! Francis Tattegrain, picard de Picardie".

Portrait en buste du peintre Francis Tattegrain sur un document publicitaire des vins Mariani. Archives départementales du Pas-de-Calais, 4 Fi 3448.

Francis Tattegrain sera surtout un maître du naturalisme dans le domaine marin : ses dessins réalistes et sa peinture franche vont souligner les drames d’ordinaire mis en scène dans de grandes compositions.

Le talent dont il fait preuve dans le traitement des sujets dramatiques ne fera pas oublier la profusion des sujets traitant de la vie quotidienne des pêcheurs de Berck. La baie d'Authie sera son territoire de prédilection, endroit où il bâtira sur 100 hectares de dunes un atelier lui permettant d’exécuter de grands formats en éclairage naturel. Tattegrain travaillera sur tout le littoral de la côte d'Opale, d’Audresselles à Wissant où il retrouvera fréquemment ses amis les peintres Demont-Breton.

Son tableau Sauveteurs d'épaves, daté de 1912 et représentant un couple de pilleurs au lieu-dit le Cran aux œufs près d'Audresselle, a longtemps décoré la salle des ventes de la ville de Boulogne-sur-Mer.

Francis Tattegrain meurt à Arras le 1er janvier 1915 comme en témoigneront les mémoires du général Edmond Just Victor Boichut : la palette à la main, l’illustre peintre Francis Tattegrain mourait à 63 ans, au champ d’honneur, alors qu’il reconstituait, sous les obus, l’esquisse du beffroi d’Arras .

Les Belles Lettres et les Beaux-Arts

À Berck

Monseigneur l’Évêque a saisi avec bonheur l’occasion de cette visite, pour aller offrir ses hommages de condoléances à la famille du célèbre peintre berckois, Tattegrain, dont la mort récente a été causée par une maladie contractée, dans les mines d’Arras, en peignant les esquisses destinées à une œuvre, émouvante entre toutes : l’incendie de l’Hôtel de Ville.

Sa grandeur, accompagnée de Madame et Mademoiselle Tattegrain, pénétra avec émotion dans l’atelier du peintre, d’où celui-ci aimait à observer la tempête pour ses inimitables marines.

De tous côtés, des souvenirs archéologiques, des esquisses, ̶ parmi lesquelles celles de Senlis bombardé, ̶ et les travaux préparatoires de deux tableaux d’histoire : le "Gui d’Étaples" (à Boulogne) et les "Bouches inutiles", attirent l’attention.

Mais surtout, sur un grand chevalet, voici l’esquisse fidèle de l’hôtel de ville d’Arras en flammes : des tonalités chaudes dans le ciel embrasé, la silhouette du beffroi encore lèche de toutes parts. Quelle horrible réalité aurait fixée, pour la postérité, cette toile, si elle avait été achevée !

Dans son ardeur au travail, Tattegrain a été mortellement atteint ; et, peu après, dans l’incendie du Palais Saint-Vaast, a disparu son beau portrait, qu’il avait, en souvenir de son admission offert à l’Académie d’Arras.

Au moins, à Berck, son labeur reste-t-il glorieusement représenté qui pourrait, entre son atelier, oublier les portraits réalistes de vieillards, à l’ "Asile maritime", près desquels sa famille a fait déposer une belle marine, pour la prochaine loterie de charité.

 Il nous plaît de rappeler ces souvenirs, au jour où la foule qui a visité le dôme de Notre-Dame a pu contempler l’œuvre du même artiste : "L’arrivée de la Vierge" au rivage de Boulogne. Tattegrain fut ravi d’apprendre qu’un généreux donateur l’offrait au sanctuaire : il y vint, pur approuver l’emplacement choisi, pour vernir le tableau, et il se plut à y voir comme un perpétuel Memento de son affection pour tout ce qui rappelle le pays boulonnais.

L.R.

La Croix du Pas-de-Calais, mardi 26 octobre 1915. Archives départementales du Pas-de-Calais, PE 135/17.