Archives - Pas-de-Calais le Département
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Décès en captivité d'Uriane Sorriaux, député du Pas-de-Calais

Portrait d'Urianne Sorriaux, noir et blanc.

Portrait d'Urianne Sorriaux, extrait du dossier des élections cantonales de 1910. Archives départementales du Pas-de-Calais, M 444.

Né le 12 juillet 1859 à Bouchain (Nord), maire de Courrières en 1912, Uriane Sorriaux est élu député de la 5e circonscription de Béthune le 10 mai 1914. Mineur de l'âge de dix à dix-huit ans (il perd alors son œil gauche dans un accident de travail), puis surveillant et chef de carreau pour la compagnie des mines de Courrières (après un passage à Paris en tant qu'employé), il se consacre à la défense des ouvriers de la mine : congédié par son employeur, il devient en 1896 secrétaire de la coopérative "La Solidarité ouvrière", qu'il a fondée à Courrières, organise, dès 1898, de nombreuses sections syndicales d'ouvriers mineurs, et contribue, le 4 août 1906, à la fondation de la Fédération unitaire de la SFIO du Pas-de-Calais, lors du congrès de Montigny-en-Gohelle.

En 1914, il arrive à Lille par le dernier train en provenance de Paris, dans l'espoir de rejoindre Courrières. En plein bombardement, malade, il atteint Roubaix, mais est contraint d'y rester alité durant un mois. Avec l'aide d'un contrebandier, dans une voiture à chiens et sans le moindre laisser-passer, il regagne finalement Courrières, au grand étonnement de ses concitoyens car, en octobre 1914, le canton de Carvin est déjà totalement envahi par les soldats allemands et privé de toute communication. Il n'a alors de cesse de résister aux exigences de l'envahisseur jusqu'à ce que, sa santé s'altérant, il soit obligé de solliciter son rapatriement en France libre au mois de juin 1917 : il est alors dirigé sur Rebecq, en Belgique. C’est là qu'il est dénoncé pour avoir accueilli un prisonnier anglais.

Rapportée par des rapatriés de Courrières, l'information de son arrestation par les Allemands est relayée par plusieurs journaux locaux, dont le Bulletin des réfugiés du Pas-de-Calais (n°s des 20 et 31 janvier 1918) et L'Artois renaissant ( du 21 février 1918).

L'arrestation du député Sorriaux

Nous avons pu interroger des rapatriés de Courrières qui nous ont, non seulement confirmé l'arrestation du représentant de la circonscription de Carvin, le député Uriane Sorriaux, mais encore dit dans quelles conditions et pour quel motif il le [sic] fut appréhendé.

Un soldat anglais prisonnier, ayant réussi à s'échapper, traversait la Belgique. Arrivé à Rebecq, il s'introduisit chez une réfugiée qui l'accueillit, cela va sans dire. Ne comprenant point le langage du soldat, la dame s'en fut le conduire auprès de M. Sorriaux dont la fille, institutrice, parle couramment l'anglais. Chez le député, l'Anglais fut choyé.

Le lendemain, le soldat disparaissait. Un beau jour, l'autorité allemande apprit – comment et par qui ? – le passage de l'Anglais. Le député Sorriaux se disposait à prendre le train qui devait le ramener en France lorsqu'il fut mis en état d'arrestation, inculpé, nous disent les rapatriés, d'avoir favorisé la désertion de l'Anglais.

Il paraît que la dame chez qui le soldat est descendu est, elle aussi, arrêtée ainsi que d'autres personnes.

Voilà, tels qu'on nous les rapporte les motifs de l'arrestation du député Sorriaux, auquel nous adressons nos sympathies et crions courage.

Bulletin des réfugiés du Pas-de-Calais, jeudi 31 janvier 1918. Archives départementales du Pas-de-Calais, PF 121/2.

Après six mois de cachot préventif à Anvers, épuisé par la maladie et les privations, Uriane Sorriaux est amené devant les juges du conseil de guerre allemand qui le condamnent à un an et sept semaines de bagne, pour avoir secouru et donné une somme de cinquante francs à un prisonnier anglais évadé. Incarcéré en février 1918 dans une prison allemande à Vilvorde en Belgique, Uriane Sorriaux y décède d'une double pneumonie à l'âge de 59 ans, le vendredi 26 juillet 1918 à 18 heures. Ses funérailles sont célébrées le dimanche 28, en présence de sa fille, de plusieurs évacués français, ainsi que de notables et délégués du parti socialiste de la localité.

M. Sorriaux mort en captivité

Encore un représentant de notre Pas-de-Calais qui disparaît, victime de la guerre, comme Raoul Briquet et Albert Tailliandier.

M. Sorriaux était né à Bouchain en 1859. Gérant de coopérative ouvrière, et militant du parti socialiste, il avait été élu, pour la première fois, député aux élections générales de 1914, dans la circonscription de Carvin.

La guerre le trouva à son poste, dans sa circonscription ; il y demeura, encourageant et soutenant ses concitoyens.

Il commit, l'an dernier, le crime de donner asile à un soldat anglais, prisonnier évadé de Belgique ; en janvier, comme il allait prendre le train qui devait le ramener en France, il fut mis en état d'arrestation ; condamné par le Conseil de guerre, il subissait en Belgique sa peine de détention, quand il mourut le mois dernier.

Le Lion d'Arras s'incline avec respect devant la tombe du député Sorriaux, mort pour la France.

Le Lion d'Arras, jeudi 15 août 1918. Archives départementales du Pas-de-Calais, PF 92/2.

Les détails des circonstances de sa mort sont précisées par Isidore Panès, un de ses co-détenus, dont le témoignage est relayé par Le Télégramme l'année suivante.

Un récit de la mort du député Sorriaux

M. Isidore Panès, avocat près la cour d'appel de Bruxelles, qui a été interné par les Allemands à la prison de Vilvorde, donne dans le bulletin officiel du Touring-Club à Bruxelles, les détails suivants sur la mort de M. Sorriaux :

C'était en juillet 1918. Mon voisin de lit, le pauvre M. Sorriaux, député du Pas-de-Calais, âgé de plus de soixante ans, souffrait depuis plusieurs jours, mais ne voulait pas s'exposer aux dangers de la consultation. Un matin cependant à bout de forces, il fut pris d'un évanouissement subit qui nous inquiéta. Nous le forçâmes à se rendre à la consultation, et pour le soutenir durant le trajet et pendant l'attente, deux des nôtres se portèrent sur la liste des malades.

Il partit, fut examiné par le médecin et renvoyé ; il n'était pas assez malade pour être conservé au lazaret. Le pauvre homme de dire au médecin : Il faut donc être mourant pour être bien soigné ici ? Il ne pensait pas hélas ! si bien dire. Il nous revint ; les soldats de garde défendaient de le soutenir. Je le vois encore rentrer en salle tout en titubant de faiblesse, fiévreux et abattu. Quelques jours après, son état s'aggrava. Toutes les nuits, je l'entendais râler à 50 centimètres de moi.

Jugeant son état des plus graves, nous fîmes comprendre au sergent de garde que, dans l'intérêt de… l'honneur allemand, il fallait que M. Sorriaux soit soigné au lazaret. Il nous comprit. M. Sorriaux partit ; deux jours après, nous apprîmes sa mort ! Encore un crime à la charge de la kultur !

Ces détails donnés par M. Panès, ont été confirmés par le lieutenant de gendarmerie Fontaneau et le gendarme Mourey, deux autres compagnons de captivité du député de Carvin, qui habitait Courrières. Ce furent eux-mêmes qui le portèrent abattu par la fièvre, à bout de souffle, au docteur allemand qui refusait de le reconnaître malade.

Le Télégramme, 1919. Archives départementales du Pas-de-Calais, BHD 96/8.

À la Chambre, M. Hubert Rouger, député du Gard, demande, au nom de l'extrême-gauche, que le siège occupé par le député Sorriaux, décédé dans une prison allemande, soit décoré comme celui des députés morts à l'ennemi. Sa dépouille mortelle revient à Courrières en novembre 1919, où la population lui offre des funérailles grandioses.