Archives - Pas-de-Calais le Département
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L’église Saint-Vaast de Béthune bombardée

L’archiprêtre miraculeusement rescapé

Carte postale noir et blanc montrant un groupe d'hommes devant les ruines d'une église, représentée intacte dans un médaillon au-dessus.

Béthune avant et après la guerre (before and after the war). L'église (the church). Archives départementales du Pas-de-Calais, 5 Fi 119/45.

Tout au long de la guerre, Béthune, située à proximité du front (entre 8 et 15 km), subit plusieurs séries de bombardements. Depuis septembre 1914, les obus frappent les édifices stratégiques de la ville : mairie, bibliothèque, palais de justice, gendarmerie, écoles, théâtre et jardin public. Le 18 décembre 1917, à quelques jours de Noël, c’est au tour de l’église Saint-Vaast.

Le chanoine Duflot, alors archiprêtre de la ville, est présent dans l’église au moment des faits. Sous les éclats des bombes, il échappe presque miraculeusement à la mort. Dans L’Écho de Saint-Vaast, bulletin paroissial de Béthune, il raconte l’apparition de Sœur Thérèse de l’Enfant-Jésus, lui donnant la force de quitter les ruines – même s’il mentionne tout de même aussi l’intervention de deux soldats britanniques. Rappelons que la ville est alors occupée par les troupes anglaises.

Il ne s’agit pas là du seul miracle attribué à la future sainte, béatifiée en 1923, puis canonisée en 1925 [ note 1]. Thérèse de Lisieux (1873-1897) connaît depuis sa mort une dévotion croissante ; son procès apostolique, débuté en mars 1915, s’achève favorablement le 30 octobre 1917. Si elle n’est pas une "sainte de guerre", en parallèle avec Jeanne d’Arc (qui deviendra patronne secondaire de la France en 1922, tandis que Thérèse le sera en 1944), elle occupe cependant une place essentielle auprès des combattants (comme d’ailleurs des civils) catholiques pendant la Grande Guerre, qu’ils soient français, alliés ou même allemands. Les soldats voient en elle leur "petite sœur", une confidente, une protectrice ou une guérisseuse. Les demandes d'intercession croissent ainsi à partir de la déclaration de la guerre, atteignant leur apogée au printemps 1915 et pendant la bataille de Verdun : publiées ou non par le Carmel de Lisieux (sous le titre de Pluies de roses [ note 2]), 1 324 des lettres reçues touchent directement au conflit.

L’archiprêtre Duflot est finalement emmené à l’hôpital afin de subir une opération. Il semble, décidément, être né sous une bonne étoile : il est épargné par les obus qui frappent l’établissement. Dans l’une de ses lettres rédigées le 1er février 1918 à l’Institut Saint-François-de-Sales à Berck-Plage, il témoigne encore de ses péripéties : Ancien professeur de philosophie et doué d'un tempérament froid, il me semble que je n'ai rien du visionnaire ; je garde donc la conviction profonde d'avoir contemplé de mes yeux les traits de mon aimable Protectrice, au milieu de cette scène de deuil où sa pitié l'attira vers moi. Désormais, la chère petite sainte n'aura pas de plus fidèle apôtre que le pauvre prêtre qui lui doit tant ! .
Le chanoine Duflot décède finalement le 18 septembre 1919, un an après l’Armistice.

Lors du déclenchement de la bataille de la Lys le 9 avril 1918, de nouveaux bombardements atteignent la ville de Béthune : près de 90 % du centre est détruit. Cette fois-ci, l’église Saint-Vaast est entièrement démolie et seul le beffroi du XIVe siècle résiste. La reconstruction de l’église va être confiée à un architecte bien connu dans la région, Louis-Marie Cordonnier, à l’origine entre autres de la basilique et tour lanterne de Notre-Dame-de-Lorette, des grands bureaux de la compagnie des mines de Lens (aujourd’hui faculté Jean Perrin), mais aussi de la basilique Sainte-Thérèse de Lisieux. Les travaux se déroulent de 1924 à 1927 dans un style néo-gothique avec des influences byzantines et art déco.

Aujourd’hui, l’église Saint-Vaast comporte en son sein plusieurs mémoriaux, témoins du conflit, hommages aux soldats britanniques comme aux civils tués, sans oublier la chapelle des Charitables qui se sont chargés de l’inhumation des défunts pendant la guerre.

Béthune. – La catastrophe du 18 décembre 1917 

L’Écho de Saint-Vaast, bulletin paroissial de Béthune, que les circonstances empêchent actuellement de paraître, devait publier en janvier le récit suivant qu’on veut bien nous communiquer :

"Cette fois, le crime est consommé. Depuis quand et combien souvent la barbarie boche avait-elle essayé de l’accomplir ? Qui le dira ? Enfin elle a réussi.

Le 18 décembre 1917, aux dernières lueurs du crépuscule, tout un chapelet de bombes ̶  certains indices permettent de dire trois bombes  ̶  s’égrenait sur la sacristie et sur l’église Saint-Vaast. C’était l’heure du salut. M. l’Archiprêtre venait de quitter la sacristie et s’engageait dans l’étroit couloir qui mène au chœur. Au même moment, une explosion formidable retentit ; la sacristie s’écroule ; les vitraux de l’église volent en éclats ; la superstructure du grand autel s’écrase sur les degrés, projetant au loin la statue du Sacré-Cœur qui dominait l’autel. La nef latérale de gauche s’ouvre en une large baie au-dessus de Notre-Dame du Rosaire ; des éclats de bombe tombent de-ci delà, sans toutefois blesser personne. Mais à la sacristie il y a des victimes. L’organiste et le chantre qui étaient allés chercher le mot d’ordre pour l’office du soir, et la messe attardée est tuée net.

Dans l’étroit couloir, M. l’Archiprêtre, surpris par l’explosion, a dû s’arrêter et se courber sous une avalanche de pierres et de débris de tout genre, tandis que la mitraille met en pièces ses vêtements. Assourdi et défaillant un instant, il se ranime et se relève sous la poussée d’un violent courant d’air. On le voit sortir de sa prison ; sa tête est couverte de poussière, ses cheveux collés dans le sang, son étole teinte de sang ; il laisse derrière lui une traînée de sang découlant d’une large et profonde blessure qui lui a déchiré la jambe droite. Deux Anglais s’empressent de lui faire escorte et, soutenu par eux, il regagne son presbytère. Après un pansement sommaire il est transporté à l’hôpital, opéré aussitôt : il est sauvé."

Où la petite sœur Thérèse de l’Enfant Jésus intervient avec le Sacré-Cœur :

Au récit qui précède, M. l’Archiprêtre nous permet d’ajouter des détails connus de lui seul, et qu’il rapporte en ces termes :

"Le 18 décembre 1917 aura été, dans ma vie, un jour mémorable. Le matin, célébrant la messe au grand autel, je fus soudain saisi, au moment de l’Offertoire, d’une inexprimable angoisse. Dans ma détresse, je tournai les yeux vers le Sacré-Cœur et lui adressai intérieurement cette question : "Qu’est-ce donc à dire, mon Dieu ?" Aussitôt j’entendis en moi-même cette réponse : "Sois sans crainte, je te sauverai". La messe se poursuivit et s’acheva dans le calme instantanément retrouvé.

Le soir du même jour, vers quatre heures et demie, en adoration devant le Saint-Sacrement, je fus repris de la même angoisse que j’avais éprouvée le matin. Inquiet, je scrutais avec tremblement les profondeurs secrètes de ma conscience. N’aurais-je pas blessé le Cœur du divin Maître de quelque manière ? N’aurais-je pas manqué de confiance envers lui, en songeant à préserver des risques d’un bombardement les ornements précieux et les vases sacrés ? C’est ainsi torturé que j’allai à la sacristie me revêtir du surplis et de l’étole pour la bénédiction du Saint-Sacrement.

Au premier coup de cinq heures, j’en sortis et m’engageai dans le couloir qui mène au chœur. A peine y avais-je fait deux pas qu’une explosion formidable retentit. Je fus arrêté net et je dus perdre connaissance un instant. Quand je revins à moi, j’étais comme ployé sous une avalanche de pierres. Un fort courant d’air me ranima tout à fait ; je relevai la tête, et, regardant du côté de l’église, j’aperçus venant à moi et comme enveloppée d’une nuée lumineuse, la petite sœur Thérèse de l’Enfant Jésus. Son scapulaire flottait au gré du vent ; la colonne d’air paraissait la porter. Arrivée en face de moi, la petite Sœur s’arrête, me regarde avec une douce compassion et sur ses lèvres je lis  ̶  car je n’entendais plus, l’explosion m’avait assourdi  ̶  je lis ce seul mot : Partez. La vision disparaît laissant après elle un sillon lumineux. J’obéis. Une force surhumaine semble m’animer ; je franchis les obstacles placés sur mon passage. Deux Anglais viennent me faire escorte, ils me soutiennent ; mais c’est d’un pas ferme encore que je regagne mon presbytère. Vous savez le reste : je n’ajoute plus qu’un détail. Après l’opération qui me coûta beaucoup de sang (j’étais admirablement soigné à l’hôpital, et je comptais bien y demeurer jusqu’à ma guérison) les Boches m’obligèrent à quitter cet asile. Le 22 décembre, raid d’avion. Une bombe non loin de ma chambre de blessé. Le lendemain vers l’heure habituelle des incursions aériennes, deux infirmiers me transportèrent à la cave, par précaution. A peine m’y trouvais-je depuis quelques minutes, qu’une bombe tombait non loin du lit que j’avais quitté, le criblait de projectiles tandis que la fenêtre située en face, violemment arrachée de la muraille, prenait brutalement ma place laissée vacante. J’étais sauvé une deuxième fois. Peut-on me défendre de penser que le Sacré-Cœur de Jésus, a tenu, cette fois encore, la promesse une fois faite : "Je te sauverai", et que la petite Sœur ne fut pas étrangère à ce nouveau salut ?".

La semaine religieuse, 50/12, 21 mars 1918. Article retranscrit dans Mémoires de guerre du Pas-de-Calais, XXe siècle. Comité d'Histoire du Haut-Pays, tome XII, 2000, pp. 21-23. Archives départementales du Pas-de-Calais, PC 1424/12.

Notes

[ note 1] Sébastien Vogt, La dévotion des combattants à la "petite sœur" Thérèse de Lisieux pendant la Première Guerre mondiale, mémoire de master, Université de Strasbourg, 2012 : http://www.archives-carmel-lisieux.fr/carmel/images/tous_les_pdf/Vogt_MEMOIRE_sur_courrier_1914-18.pdf.

[ note 2] Pluies de roses, t. V. Conversions, guérisons, interventions de sr Thérèse de l’Enfant-Jésus pendant la Guerre, Bayeux, 1920.