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Le prince héritier de Serbie à Boulogne

Photographie noir et blanc montrant un groupe d'hommes en tenue militaire.

Le prince héritier de Serbie accompagné de Monsieur Poincaré et du général Joffre, visite le camp retranché de Verdun. Le Télégramme, 8 avril 1916. Archives départementales du Pas-de-Calais, PG 9/25.

La Première Guerre mondiale a conduit les relations franco-serbes vers une alliance militaire forte et résolue mais aussi vers un rapprochement stratégique durable. Le 22 mars 1916, à Paris, l’accueil fervent réservé au prince serbe Alexandre et à son entourage peut être considéré par certains comme une action de communication de propagande.

En réalité, le prince-régent Alexandre est très populaire en France, surtout après avoir soutenu les "poilus d’Orient" lors de l’expédition de Salonique. De plus, la retraite difficile de l’armée serbe en décembre 1915 a ému toute la France et a accru son capital de sympathie envers cette nation.

Pourtant, cette belle entente a bien failli être rompue fin 1915. Après l’invasion du pays débutée en octobre 1915, le gouvernement serbe est contraint de prendre la route de l’exil. Le premier ministre Nikola Pašić subit alors des pressions pour conclure une paix séparée avec l’Autriche-Hongrie.

Inquiets de perdre un allié qui affaiblirait leurs positions en Europe centrale, la France, le Royaume-Uni et la Russie poussent le gouvernement serbe à signer un accord d’alliance le 27 décembre 1915. En échange d’une redéfinition de ses frontières en cas de victoire, Nikola Pašić s’engage à ne pas traiter avec l’Autriche-Hongrie. De fait, après l’armistice de 1918 sera créé le royaume des Serbes, Croates et Slovènes, rebaptisé en 1929 royaume de Yougoslavie.

Le prince héritier de Serbie à Boulogne

Son Altesse royale le prince héritier de Serbie est arrivé hier à Boulogne à 2 heures et demi retour d’Angleterre.

Un train spécial l’attendait à la gare maritime.

Le Prince ayant manifesté le désir de visiter le "Sussex", les représentants de la Compagnie du Nord qui avaient organisé sous la direction de Monsieur Frot, inspecteur principal, le train spécial, ont fait avancer celui-ci très lentement, jusqu’à la hauteur de l’endroit où on a échoué le bateau torpillé le "Sussex".

Le train a stoppé. M. Frot, inspecteur principal, s’adressant au colonel d’état-major serbe, qui accompagnait le prince Alexandre, lui a demandé si Son Altesse voulait recevoir à son passage, l’hommage d’un comité qui voulait lui présenter en son nom et au nom des marins et soldats résidant à Boulogne, une adresse de sympathie et d’admiration ainsi que quelques fleurs.

Le prince Alexandre ayant accepté avec la meilleure bonne grâce, M. Martine, président du foyer du soldat et du marin, 33 rue Cazin, s’est avancé entouré des dames du comité et a adressé à Son Altesse, le petit discours suivant

Monseigneur,

Je suis chargé par le modeste comité du foyer du marin et du soldat installé ici, à Boulogne-sur-Mer, qui a appris fortuitement votre passage dans le port de Boulogne, de venir vous présenter ses plus profonds hommages et, en même temps, vous prier de vouloir bien accepter les modestes fleurs que voici.

Nous vous les offrons d’abord, à Vous, tout spécialement, Monseigneur, qui personnifiait la vaillance et le courage. Nous les offrons également à votre pays que pas un Français ne considère aujourd’hui comme une nouvelle patrie.

Le prince Alexandre, très touché de cette improvisation, a répondu au délégué du comité dans ces termes :

Monsieur,

Je suis excessivement flatté de la pensée qu’a eue le comité du marin et du soldat de Boulogne, en m’adressant ces fleurs.

Je ne les accepte pas sans une vive émotion, et sans une grande satisfaction, car je sais que si elles me viennent des marins et des soldats français, elles me sont adressées par des membres d’une armée remplie de vaillance et de courage.

La réponse du prince Alexandre est saluée d’applaudissements et la foule assemblée crie : "Vive la Serbie" pendant que Son Altesse qui est remontée dans son compartiment salue de la main le public qui l’acclame.

Le Télégramme, samedi 8 avril 1916. Archives départementales du Pas-de-Calais, PG 9/25.