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Fermeture du centre Georges-Besnier jusqu'à nouvel ordre

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Nomination de Pierre Parent comme chevalier de la Légion d’honneur

Soldat accroupi dans un abri souterrain.

Soldat à l’écoute dans un abri souterrain : dessin paru dans le n°97 du Lion d’Arras (20 juin 1918). Archives départementales du Pas-de-Calais, 110 J 2, pièce 21.

Le 29 décembre 1917, des ouvriers français et des soldats britanniques sont victimes d’émissions de gaz, répandu par les Allemands au fond des mines de Béthune ; cette "guerre souterraine" intervient alors que le bassin minier n’est plus qu’un champ de ruines et que seul l’ouest, autour de Bruay, n’est pas occupé par l’ennemi.

Deux des acteurs de ce fait d’armes sont mis à l’honneur en mars et avril 1918, deux ingénieurs des mines, au parcours assez similaire. Le premier, Pierre Parent (1883-1964), a fait ses études à l’École polytechnique (promotion 1902), puis à l’École des mines de Paris. Sous-lieutenant de réserve dès le 1er octobre 1904, il est affecté au 15e régiment d’artillerie à partir du 3 février 1912, où il est promu capitaine le 6 octobre. Il est rappelé à l’activité par le décret de mobilisation générale du 1er août 1914, puis est détaché, le 22 août 1915, à la direction du service des mines du département du Pas-de-Calais, et notamment de celles de Bruay. C’est à ce poste qu’il va assurer le sauvetage du 29 décembre 1917. Ses services exceptionnels lui permettent d’être nommé chevalier de la Légion d’honneur, par arrêté du 30 avril 1918. Il sera ultérieurement promu au grade d’officier, par décret du 9 févier 1927.

Le second, Paul Lancrenon (1888-1957), est également polytechnicien (promotion 1906) et diplômé de l’École des mines de Paris. C’est un brillant ingénieur en chef, qui a occupé à ce titre d’importants postes administratifs. Il s’est signalé au cours de la Première Guerre mondiale, par "une conduite valeureuse" qui lui vaut à son tour, le 4 décembre 1920, l’octroi de la croix de chevalier de la Légion d’honneur. Pour avoir notamment été déporté en Allemagne de septembre 1944 à avril 1945, il en est promu officier, le 30 septembre 1953.

L’article du Journal des réfugiés du Nord, plusieurs fois repris (par la Croix du Pas-de-Calais, mais aussi par le Lion d’Arras le 20 juin suivant), rappelle l’ambivalence (rétrospective) de l’aide apportée par les Allemands lors de la catastrophe de Courrières du 10 mars 1906, puisque l’élan de solidarité internationale d’alors est douze ans plus tard jugé comme suspect, à l’aune du conflit en cours et de ses attaques chimiques.

Un épisode de la guerre souterraine dans le Pas-de-Calais

En mars, le ministre de l’Armement citait à l’ordre du corps des mines, MM. Parent et Lancrenon, ingénieurs chargés de l’arrondissement minéralogique d’Arras, avec le motif suivant :

"Se sont particulièrement distingués par le courage et le dévouement dont ils ont fait preuve au cours des opérations entreprises le 29 décembre 1917 et jours suivants pour le sauvetage d’ouvriers des mines de Béthune et de soldats de l’armée anglaise à la suite d’une émission de gaz toxiques faite par l’ennemi dans les travaux souterrains de ces mines."

Que s’est-il donc passé ? Dans le "Journal des réfugiés du Nord", M. Léon Gobert fait ce récit :

Tandis que la canonnade fait rage au dehors, les mineurs besognent utilement au fond.

Parfois ils n’ont plus à leur disposition pour "dévaler" et remonter que les "échelles". Comme au vieux temps. Périlleuse dégringolade, pénible ascension après la journée. Qu’importe ! Ils ont l’agilité des anciens.

Mais on ne travaille pas seulement au fond, parfois on s’y bat dans la nuit à la clarté falote des lampes ; on s’y bat comme dans les boyaux.

On n’a pas hésité à se fusiller dans ces mines d’où l’on proscrivait autrefois toute lumière nue, où l’on ne pouvait fumer, où il était interdit d’emporter même une allumette de la régie.

Vous savez que tous les puits, sièges d’extraction, communiquent souterrainement entre eux. C’était une prescription formelle. Autrefois des mineurs surpris par un accident furent bloqués au fond de tailles inaccessibles et y périrent. On décida que les fosses auraient des sorties multiples pour éviter des accidents.

Les Allemands connaissaient nos mines. La catastrophe de Courrières les aurait au besoin familiarisés avec elles. On sait avec quelle rapidité accoururent chez nous les sauveteurs d’outre-Rhin, les équipes fameuses entraînées aux séjours dans les milieux respirables, pourvues – déjà – de masques perfectionnés contre les gaz. On les accueillit avec reconnaissance et elles rendirent, en effet, des services. Même à ce moment on voulut voir dans ce geste des houillères allemandes plus qu’un témoignage de solidarité professionnelle ; mieux qu’un acte d’humanité : une manière de prélude à cette entente germano-française que d’aucuns souhaitaient.

Nous étions en 1906, au lendemain de l’alerte de Tanger. Nous avions déjà été à deux doigts d’un conflit. L’attention était éveillée sur les visées de l’Allemagne. Qui pourrait affirmer que "les sauveteurs de Courrières" comme on les appelait, n’ont pas contribué à rendormir les méfiances !...

En tout cas, quand les Allemands, en 1914, eurent pris possession de notre bassin houiller du Nord et d’une partie de celui du Pas-de-Calais, tout de suite ils se montrèrent inquiets des facilités que pouvaient nous donner la communication des puits. Ils obstruèrent ceux qui avoisinaient le front.

Pourquoi un beau jour, sans qu’on s’en aperçût, en dégagèrent-ils un ? Mystère ? Voulaient-ils surveiller plus attentivement le fond ? Avaient-ils d’autres projets ? Nul ne sait. Ce qui est certain, c’est que les équipes de mineurs qui, sous le sol occupé par les Boches, allaient entretenir les travaux et veiller au bon état de la mine, entendirent soudain parler au fond d’une galerie. Ils prêtèrent l’oreille. Pas de doute, les Allemands étaient là. Ils étaient descendus à quelques-uns au "panier" puisqu’il n’y avait plus de cages.

Nos ouvriers en remontant prévinrent les autorités : l’état-major fut averti. Des soldats britanniques avec une mitrailleuse descendirent et guidés par les ouvriers se rendirent jusqu’à l’endroit où les paroles avaient été perçues. On vit les Allemands. Peut-être eût-on pu les capturer, mais les soldats allèrent trop vite en besogne. Ils braquèrent leur mitrailleuse et firent feu. Les boches regagnèrent en hâte leur panier et donnèrent le signal de la remonte.

Le coup était raté et les Allemands avaient l’éveil. C’est alors qu’ils empoisonnèrent le fond avec des gaz. Des mineurs, des soldats anglais, comme le constate la citation, furent intoxiqués. Il fallut tenter de les sauver. Opérations longues, délicates et particulièrement dangereuses. Il fallut aussi en hâte prévenir un retour offensif des Allemands, leur barrer le passage, fermer la communication…

N’a-t-elle pas une certaine grandeur tragique cette bataille au fond des sombres galeries ? Cette rencontre des deux adversaires au détour d’une bowette ou d’une taille qu’illumine par instants l’éclair de la mitrailleuse…

Puis c’est l’empoisonnement, le "mauvais air" jeté par les Allemands, la recherche des victimes possibles ; la réédition après onze ans des lugubres excursions de Courrières sous la protection du masque ; enfin le barrage hâtif pour empêcher tout retour de l’ennemi, toute propagation, dans les galeries où l’on travaille, de ses gaz nocifs !

Simple page de l’histoire de la grande guerre ; minuscule épisode dans l’énorme drame. Combien en compte-t-on ainsi qui jamais ne seront connus ? Combien restent encore ignorés que l’on saura plus tard ?.

La Croix du Pas-de-Calais, jeudi 30 mai 1918. Archives départementales du Pas-de-Calais, PE 135/19.