Jusqu’en 1917, le musée de Calais bénéficie d’une relative quiétude, ce qui lui permet de poursuivre sa politique d’acquisition d’œuvres et de continuer à organiser des expositions temporaires, sous la direction de Georges Hembert, troisième adjoint délégué aux Beaux-arts. Ces manifestations se déroulent au nouveau foyer du théâtre municipal, l’exigüité des salles du musée ne s’y prêtant guère.
L’exposition-vente organisée en janvier 1917, au profit des œuvres de guerre, porte sur les "images de guerre" et est ouverte à "tous les artistes français et alliés, civils ou militaires". On y expose 435 œuvres émanant de 95 peintres et sculpteurs aux profils très divers.
L’État se porte acquéreur d’un certain nombre d’entre elles, dont certaines spécifiquement pour le compte du musée de Calais : c’est le cas de deux dessins aquarellés d’Alexis de Broca, Officier de cavalerie belge et Les Réfugiés de Dunkerque à Calais pendant le bombardement, mais également Un coin de chambrée, dessin aquarellé d’Albert Guilmet et une eau forte d’André Warnod, Les Russes en Champagne.
D’autres œuvres rejoignent les collections du musée : des lithographies de Hansi (Printemps en Alsace) et de Paul Jobert (Officiers anglais), une aquarelle de l’architecte britannique Sir Ernest George, Vue de Calais. Chemin de halage ou La soupe aux tranchées, estampe de Georges Bruyer.
Cette exposition aux couleurs patriotiques s’inscrit dans le cadre d’une riche programmation proposée par le musée de Calais. En effet, peu de temps auparavant, avait eu lieu une manifestation consacrée au dessinateur de presse néerlandais Louis Raemaekers, connu pour ses caricatures germanophobes.
Après le démontage de cette exposition d’images de guerre, la commission de l’école d’art décoratif et industriel de Calais (dont Hembert et Guilmet font tous deux partie) organise une exposition de peinture, sculpture, aquarelles, gravures, décoration et art appliqué aux travaux industriels et d’agrément.
À l’Exposition du Théâtre
Les images de guerre
Parmi les principales notabilités qui assistèrent, lundi, à la cérémonie d’inauguration de l’Exposition d’images de guerre, organisée au foyer du grand Théâtre, on notait la présence de MM. le général Ditte, gouverneur de Calais ; le lieutenant-général Clooten, commandant la base belge ; le colonel Taylor commandant la base britannique ; […]
M. le sous-préfet de Boulogne et M. le colonel Fried, de la commission régulatrice, s’étaient fait excuser en raison des nécessités de leurs occupations.
Sur le perron du théâtre, M. Georges Hembert, adjoint au maire accompagné de MM. le général Ditte et Morieux, présidents d’honneur du comité d’organisation de l’exposition, reçut officiellement M. Armand Dayot, inspecteur général des Beaux-Arts, spécialement délégué par M. le sous-secrétaire d’État aux Beaux-Arts.
La visite de l’exposition eut lieu ensuite. Elle est très intéressante et comprend 435 œuvres, peintures, dessins, aquarelles, eaux-fortes, sculptures, parmi lesquelles il en est beaucoup qui sont vraiment remarquables telles que celles signées Berteaux, de Broca, Hansi, Jobert, Ernest George, Jacquet, Geerling, Joiras, Maroniez, Écart, Bruyère, Paul Morchain, Lessieux, Ferdinand Gille, André Warnod, Eugène Dauphin, Brouet.
Un spécialiste de Lille avait bien voulu se charger de l’installation de ces œuvres et il sut tirer un excellent parti des locaux mis à sa disposition.
Pour cela de grands panneaux tapissés d’étoffes ont été dressés devant les grandes baies éclairant le foyer et, entre chacune d’elles, un "épi" avançant en forme de V a été disposé de manière à augmenter sensiblement la superficie mise à la disposition des exposants.
De même, autour des groupes de colonnes séparant le foyer d’avec le promenoir et le palter [sic] des premières loges on a dressé des panneaux qui prolongent ainsi l’Exposition.
Sur des socles drapés, érigés au milieu du foyer, ont été placées les sculptures. Ces socles sont entourés de massifs de plantes vertes qui contribuent à donner un aspect séduisant au salon.
Au cours de sa visite, M. Armand Dayot acheta quelques œuvres pour le compte de l’État. En voici la nomenclature :
- Paul Morchain, deux aquarelles : "Vers le poste de secours" et "La roulante" ;
- Hansi, "Printemps en Alsace" ;
- Dr Broca, deux dessins aquarellés : "Officier de cavalerie belge" et "Dunkerque, les bombardés" ;
- André Warnod, une eau forte : "Les Russes en Champagne" ;
- Eugène Dauphin, une eau forte : "Raon-l’Étape" [ note 1] ;
- Albert Guilmet, conservateur du Musée de Calais, un dessin aquarellé : "Un coin de cheminée" ;
- Bruyère, une eau forte : "La soupe aux tranchées" ;
- Ferdinand Gille, une eau forte : "L’hôtel de ville de Louvain" ;
- Jobert, une lithographie : "Type d’anglais" ;
- Sir Ernest George, une aquarelle : "Vue de Calais. Chemin de halage" ;
- Geerling, aquarelle : "Soldat belge au nouvel hôtel de ville de Calais" ;
- Brouet, eau forte : "La manille" [ note 2].
En outre, le représentant du sous-secrétaire d’État s’est réservé l’achat d’une peinture de Berteaux : « Abandonnée ».
L’exposition est ouverte au public tous les jours de 10 heures du matin à 4 heures du soir.
Le Télégramme, mercredi 17 janvier 1917. Archives départementales du Pas-de-Calais, PG 9/27.
Notes
[ note 1] Cette œuvre se trouve aujourd'hui au musée des arts décoratifs de Paris.
[ note 2] Remis à Gaston Boutitie, éditeur d’art.