Véritable outil de propagande, la presse ne cesse de surfaire les succès des troupes alliées.
Sous l’emprise de la censure, elle minimise ses défaites – quand elle n’omet pas de les relater ! – mais n’hésite pas à insister sur les échecs de l’adversaire : tout est bon pour maintenir le moral au front comme à l’arrière.
Le bombardement de Béthune
On sait qu’il y eut lundi une furieuse attaque allemande entre La Bassée et Festubert.
Après avoir concentré des forces très importantes entre La Bassée et Festubert, les Allemands ont tenté de percer notre ligne pour s’emparer de Béthune. L’attaque a commencé à 6 h 30 lundi matin. L’ennemi était soutenu par son artillerie et un train blindé qui avança de façon sensible et put lancer sur Béthune une vingtaine d’obus entre 7 h 30 et 9 h 30 du matin. D’après un prisonnier, cette attaque était préparée depuis déjà plusieurs jours et l’empereur lui-même la surveillait, car, deux jours auparavant, il s’était rendu en personne à La Bassée pour étudier l’emplacement de ses troupes.
Le plan allemand consistait à attirer l’ennemi vers Festubert par une attaque vigoureuse, tandis que deux régiments d’infanterie opéreraient un mouvement tournant par la route de La Bassée à Béthune. Mais ce plan était connu des Alliés, et lorsque les Allemands se lancèrent à l’assaut en masses compactes, ils furent reçus avec vigueur. Pris entre l’artillerie anglaise qui les bombardait de front et l’artillerie française qui les prenait de flanc, les hommes tombèrent en nombre considérable.
Les deux régiments allemands chargés d’opérer un mouvement tournant avancèrent vers Annequin ; on les laissa passer, mais parce qu’ils devaient tomber sous le feu de nos 75. À 500 mètres de distance, ceux-ci crachèrent la mitraille et décimèrent les régiments ennemis. Ceux qui ne purent fuir furent tués ou faits prisonniers. Deux compagnies entières tombèrent entre les mains des Alliés.
Les Allemands tentèrent cinq fois de percer nos lignes : ils allèrent même jusqu’à l’église de Givenchy-lès-La-Bassée, mais cinq fois ils furent repoussés à la baïonnette. Ce fut un véritable carnage. Les plaines de Vermelles, Givenchy, Cuinchy sont recouvertes de cadavres allemands.
Vers 5 heures du soir, les combats étaient terminés, non sans que dans l’après-midi, vers 3 h 30, les Allemands eussent lancé sur Béthune quatre obus de 150. Un important convoi de prisonniers faillit même être atteint par l’un deux. Béthune a éprouvé peu de dégâts du fait de ce bombardement imprévu ; un soldat anglais tué au garage Bonnière, rue du Détour, un autre blessé, quelques maisons endommagées dans le quartier de la rue de Lille, entre autres un estaminet, boulevard Thiers, et la demeure d’un lieutenant colonel du […]e d’infanterie.
La France du Nord, mercredi 3 février 1915. Archives départementales du Pas-de-Calais, PG16/91.