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Le président Poincaré en visite à Boulogne-sur-Mer

Dans la nuit du 1er au 2 août, entre 22 h 37 et 23 h 55, ce sont 50 torpilles et 16 bombes, soit 3160 kg d'explosifs selon le rapport officiel de l'État-major, qui s'abattent sur l'ensemble de la ville de Boulogne-sur-Mer causant des dégâts considérables. Nombre de bâtiments sont très sérieusement endommagés.

Photographie noir et blanc. "Bombardement du 1er août 1918. Les ruines de l'Hôtel Dervaux. Pendant plusieurs jours l'incendie continua sous les décombres."

"Après le bombardement du 1er août 1918 Les ruines de l'Hôtel Dervaux". Cliché Monborgne. Extrait de la monographie imprimée d'Albert Chatelle "Boulogne sous les bombardements 1544 - Ier Empire - 1914-1918", 1920. Archives départementales du Pas-de-Calais, BHC 60.

Grand-Rue, Me Plagniez, notaire, fut enseveli sous les décombres de sa maison avant d'être dégagé quelques heures plus tard, seulement blessé, et transporté à l’hôpital Saint-Louis, opération à laquelle assistèrent M. Leuillet, préfet du Pas-de-Calais, M. Buloz, sous-préfet de Boulogne et le général gouverneur qui commençaient leur tournée des lieux bombardés.

Le musée, partiellement détruit par une torpille, voit sa galerie de tableaux complètement anéantie (près de 200 tableaux sont perdus ou gravement endommagés) ; d'importants dégâts concernent également les collections d'oiseaux, d'insectes, de monnaies, d'assignats, de vaisselles, etc. 

L'hôtel Dervaux qui abritait des services de la Base britannique est particulièrement visé. De son bombardement et de l'incendie qui s'ensuivi, une trentaine de soldats y périrent. L'incendie se propagea et ravagea la rue Simoneau, y causant la mort de 9 civils dont 6 enfants.

Quelques jours plus tard, le 7 août, le président de la République Raymond Poincaré se rend dans la ville bombardée. Il visite les quartiers sinistrés, puis se rend au chevet des blessés soignés à l'hôpital Saint-Louis. La France du Nord fait le récit de cette visite dans son numéro du 9 août suivant :

Visite de M. le Président de la République à Boulogne

Hier à 4 h. 1-2, M. Poincaré, président de la République, est venu visiter Boulogne si douloureusement atteinte par la sauvage agression de la nuit du 1er au 2 août.

Dès trois heures de l'après-midi, la nouvelle du passage du Président s'étant répandue en ville, beaucoup de nos concitoyens, profitant du beau soleil, s'étaient convoqués d'eux-mêmes et groupés le long de la Grand'Rue aux points où ils espéraient voir et saluer M. Poincaré. La foule était surtout dense, place Dalton, […] et à l'entrée de la Haute Ville, Porte des Dunes.

Le public très docile était facilement contenu par un service d’ordre dirigé par MM. Sivadon, commissaire spécial, Kind, commissaire central, Bellocq, commissaire de police qui faisaient exécuter la consigne sans rigueur.

Après quelques instants d'attente, on voit le cortège présidentiel qui avait déjà visité Capécure et Henriville où M. Poincaré fut reçu par le général Wilberforce, commandant de la base anglaise, la Mairie, le palais de just. […] du Château faire lentement le trajet.

[Censure]

Sur tout le parcours, M. Poincaré a été respectueusement salué par la foule, visiblement touchée du témoignage de sympathie apporté à la ville […] par le premier magistrat de la République.

M. Poincaré était accompagné de MM. Robert Leullier, préfet du Pas-de-Calais, Buloz, sous-préfet de Boulogne, les généraux Dumas, commandant supérieur du nord, de la Guiche, chef de la mission française auprès des armées britanniques, Falque, gouverneur de Boulogne, du capitaine de Lastour, officier d'ordonnance, et de l'officier d'administration Pierson.

Très simplement, le président en veston et en chapeau de feutre, descend de voiture et s'engage dans la rue […] une des stations de son pieux pèlerinage.

La foule massée sur les trottoirs, juchée sur les décombres, admirable de tenue, salue en silence le président. Et dans son salut il y avait plus que du respect pour la personne de M. Poincaré, il y avait de la gratitude pour son geste fraternel.

Rue […] témoignage touchant de la sympathie des humbles une femme du peuple Madame Lécaille-Maas de la rue du Moulin à Vapeur, offre une gerbe de fleurs au président qui s'entretient amicalement avec les malheureux sinistrés.

Avant de quitter Boulogne pour Calais, notre voisine, également si éprouvée, M. Poincaré se rend à l'hôpital Saint-Louis où il apporte aux blessés le réconfort de sa parole. La visite se termine au Portel.

Le président de la République, avant de quitter la ville, a remis 1.500 francs au Maire qui est chargé de répartir cette somme entre les sinistrés.

La population boulonnaise est profondément reconnaissante à M. le Président de la République d'être venu se rendre compte par lui-même des ruines accumulées et des deuils semés dans notre ville par la barbarie de nos ennemis. Elle est assurée que, grâce à sa haute intervention, Boulogne sera dotée de moyens de défense assez puissants pour la protéger contre de nouvelles attaques aériennes, si elles venaient à se produire.

Nous croyons savoir, qu'au cours de sa visite, M. le Président de la République a vivement félicité M. Robert Leullier, préfet du Pas-de-Calais et M. Buloz, sous-préfet de Boulogne, qui, dans la nuit tragique, ont vaillamment payé de leur personne, en participant à un sauvetage particulièrement émouvant accompli à dix mètres de chez eux.

La population boulonnaise est profondément […] quelle fut la courageuse conduite de M. le préfet du Pas-de-Calais et de M. le sous-préfet de Boulogne dans la terrible nuit du 1er au 2 août, s'associera de tout cœur aux félicitations méritées dont ils ont été l'objet de la part du premier magistrat de la République.

H. FRANCQ

La France du Nord, vendredi 9 août 1918. Archives départementales du Pas-de-Calais, PG 16/97.