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La "Bague des Tranchées"

Le journal L’Indépendant publie La "Bague des tranchées", une chanson inédite du célèbre chansonnier Théodore Botrel située dans les tranchées de Neuville-Saint-Vaast.

C’est l’occasion pour nous d’évoquer cet artiste, auteur du célèbre succès du début du XXe siècle La Paimpolaise, qui a été appelé par le ministre de la Guerre Alexandre Millerand à rehausser le moral des troupes. Théodore Botrel est ainsi chargé dés le début de la guerre de divertir les soldats du front et de se rendre dans les cantonnements, les casernes, les ambulances et les hôpitaux pour y donner ses poèmes et chansons patriotiques.

À l’écoute de chansons comme Rosalie, surnom donné à la baïonnette, ou de Ma p’tit’ mimi, chacun peut se faire une idée de la rudesse des hommes et de la société en général tout au long du conflit, et on peut estimer aujourd’hui que sa production artistique a réellement valeur de témoignage. Botrel, qui a été aussi éditeur, publie la revue La Bonne Chanson de 1907 à 1925, des recueils comme Les chants du bivouac en 1915, Chansons de route en 1915 et 1916, ou encore Chants de bataille et de victoire en 1919.

Âgé de 46 ans à la déclaration de la guerre, Théodore Botrel n’a été mobilisé qu’en qualité d’artiste aux armées, mais son action et son œuvre lui valent d’être décoré de la croix de guerre et la médaille militaire.

La "Bague des Tranchées"

Chanson inédite

Sur l’Air populaire de la "Chanson de la mariée" :"Enfin ! vous voilà donc, la Belle, mariée"

La « Bague des Tranchées » que tu voulais, Yvonne,
Va prendre le chemin de la lande bretonne
Par les soins des amis
De ton pauvre « promis »…

Comme j’allais quérir la fusée ennemie
Pour y fondre l’anneau de ma petite amie,
Une guêpe de plomb
M’a percé le poumon.

On dit que je m’en vas m’éteindre sans souffrance ;
Et c’est au brancardier de garde à l’Ambulance
Que je dicte en ce jour
Mon testament d’amour ;

Mais pendant qu’il écrit, moi j’ai voulu, ma Chère,
Seul, achever du moins cette bague de guerre
Avec le beau couteau
Dont tu me fis cadeau ;

J’y sculpte, de mes mains fiévreuses et naïves,
Un trèfle à quatre feuill’s en suppliant saint Yves
De bien vouloir bénir
Ce tendre souvenir ;

Qu’il te porte bonheur et ̶ plus tard ̶ ma jolie,
T’obtienne de croiser au Chemin de la Vie
Un deuxième amoureux
Qui t’aime pour nous deux ;

Lui montrant cet anneau, dis-lui, de confiance :
"Celui qui me l’offrit, trépassa pour la France…"
…Et ton futur époux
N’en sera pas jaloux

Ce trèfle à quatre feuill’s que je baise avec fièvre,
C’est du trèfle incarnat, tu vois, puisque ma lèvre
Y laisse, en l’embrassant,
Une tache de sang.

"Va t-en, petit anneau que mon Âme accompagne,
Vers mes seules Amours, ma « Douce » et ma Bretagne,
Porter à toutes deux
Mon baiser des adieux ! »

Théodore BOTREL
Dans les tranchées de Neuville-Saint-Waast.

L’Indépendant du Pas-de-Calais, mercredi 10 novembre 1915. Archives départementales du Pas-de-Calais, PG 229/32.