Fermeture du centre Georges-Besnier jusqu'à nouvel ordre
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Le phalanstère de Neuville-sous-Montreuil
Une résidence d’artistes à la Belle Époque
Au début du XXe siècle, la chartreuse de Neuville-sous-Montreuil est le théâtre d’une curieuse expérience : la création d’un phalanstère où cohabitent ouvriers et artistes, invités dans l’ancienne abbaye le temps d’un été. Une vie culturelle intense s’y crée, comme en témoignent les archives de cette association conservées sous les cotes 1 J 544-546.
Qu’est ce qu’un phalanstère ?
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Neuville-sous-Montreuil. - Panorama de la Chartreuse. Archives départementales du Pas-de-Calais, 5 Fi 610/4.
Neuville-sous-Montreuil. - Panorama de la Chartreuse. Archives départementales du Pas-de-Calais, 5 Fi 610/4.
Le terme de phalanstère désigne un groupe de personnes vivant en communauté et ayant des activités et un but communs, mais aussi le lieu de vie de ce groupe. En France, le phalanstère le plus connu est sans doute le familistère de Guise conçu par l’industriel Godin.
En réalité, peu de phalanstères ont réussi à se maintenir dans le temps. L’expérimentation mise en place à Neuville-sous-Montreuil dure cinq ans, de 1908 à 1912. Pour comprendre les tenants et les aboutissants de l’entreprise, petit retour en arrière…
La chartreuse de Neuville-sous-Montreuil : du lieu de culte au lieu de culture
Fondée en 1324 par le comte Robert de Boulogne pour l’ordre des Chartreux, l’abbaye subit – comme beaucoup d’autres lieux de culte – les affres de la Révolution.
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Programme de la soirée littéraire et théâtrale du 23 août 1908 à la Clairière de Neuville-sous-Montreuil. Archives départementales du Pas-de-Calais, 1 J 546.
Programme de la soirée littéraire et théâtrale du 23 août 1908 à la Clairière de Neuville-sous-Montreuil. Archives départementales du Pas-de-Calais, 1 J 546.
Reconstruite en 1872 par l’architecte Clovis Normand, elle est abandonnée par les moines en 1901 et mise sous séquestre.
Victor Morel, député du Pas-de-Calais de 1903 à 1927, l’acquiert pour le compte de la société de l’hôpital cantonal de Campagne-lès-Hesdin. Son idée initiale est de transformer les lieux en un sanatorium pour tuberculeux. Soutenu par Clemenceau, il organise une loterie en 1907 pour le financer. Devant les maigres bénéfices de l’opération, il repense son projet et imagine une sorte de villégiature d’été pour les ouvriers et les employés de la région située au nord de Paris.
Son ami Jules Rais propose alors d’accueillir des colonies d’artistes, d’artisans, d’œuvres
au milieu de la colonie des ouvriers et en harmonie avec elle
. Le projet est accueilli chaleureusement (le concept de phalanstère est très en vogue à l’époque) et c’est ainsi que se crée le comité de la Clairière, pour en prendre la tête. Le nom n’a pas été choisi au hasard : c’est un hommage à la pièce éponyme de Lucien Descaves et Maurice Donnay écrite en 1900.
Le comité se réunit pour la première fois le 9 avril 1908, sous la présidence de Jules Renard. Son secrétaire général est Jules Rais et le président d’honneur Anatole France.
Des locaux accueillant du beau monde
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Archives départementales du Pas-de-Calais, 1 J 546.
Archives départementales du Pas-de-Calais, 1 J 546.
Quelques travaux d’aménagement plus tard, l’établissement ouvre ses portes la deuxième quinzaine de juillet 1908. Les cellules des pères deviennent des chambres pour célibataires et pour familles. Des pavillons séparés (23 au total) se transforment même en de véritables maisonnées, composées de plusieurs pièces et d’un petit jardin. L’inventaire détaillé des meubles se trouve dans le rapport d’activité de 1908 (sous la cote 1 J 544).
Afin d’attirer les artistes à la Clairière, une campagne de propagande est entreprise au printemps 1908. Des courriers sont adressés à la Société des gens de lettres, à l’Association des artistes dramatiques, à l’école Boulle, etc. Des articles parus dans la presse nationale (Le Figaro, La Lanterne…) font connaître le projet au grand public.
L’appel est entendu puisque 42 intellectuels se rendent à Neuville-sous-Montreuil cette année-là (accompagnés de leur famille) :
13 hommes et femmes de lettres,
16 peintres,
9 professeurs,
4 artistes dramatiques.
Un été au programme bien chargé
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Programme d'une soirée musicale à la chartreuse de Neuville-sous-Montreuil. Archives départementales du Pas-de-Calais, 1 J 546.
Programme d'une soirée musicale à la chartreuse de Neuville-sous-Montreuil. Archives départementales du Pas-de-Calais, 1 J 546.
Si les colonies d’ouvriers et d’artistes ne se mêlent guère durant la journée, le rapprochement espéré a lieu le soir, lors de réunions à thèmes : conférences, concerts, représentations de théâtre, récitations poétiques, etc.
Le rapport d’activités de 1908 fait état de la diversité de ces manifestations :
12 août : récitation de poèmes de Corbière, Mallarmé, Leconte de Lisle ;
15 août : représentation théâtrale à Buire-le-Sec avec la troupe d’amateurs de la Clairière et interprétation de quelques scènes de La Clairière de Descaves et Donnay ;
20 août : conférence "À propos de l’art contemporain" ;
21 août : concert spirituel à la grande chapelle : cantiques de Beethoven, Béatitudes de César Franck, mais aussi œuvres de Bach, Haendel et Wagner ;
23 août : soirée invitant les habitants de Neuville-sous-Montreuil, ponctuée de morceaux de musique, chants, récitation et de deux pièces de théâtre en un acte (Les coteaux du Médoc de Tristan Bernard et La paix chez soi de Courteline).
25 août : conférence "L’homme préhistorique et son art" ;
26 août : conférence de Jules Rais "Ce que nous sommes venus faire ici", suivie d’un débat ;
30 août : fête de bienfaisance à la demande de la Ligue républicaine, tombola au profit des pauvres.
En parallèle de ces soirées, des expositions sont montées grâce aux envois de toiles des peintres membres du comité. Une bibliothèque est constituée (sur la base de dons) et on organise aussi des excursions dans la région (Boulogne, Wimereux, Le Portel, Valloires, Berck, etc.).
Et après ?
À l’heure des comptes, le bilan est plus que positif et le comité décide de renouveler l’expérience l’année suivante. De juin à septembre 1909, 200 personnes résident à la Clairière. Mais la mixité se perd, puisque la colonie se compose essentiellement d’artisans et de petits employés envoyés par l’université populaire ou recommandés par leurs députés. On recense tout de même une vingtaine d’intellectuels.
Fort de son expérience antérieure, le comité crée des commissions spéciales de bénévoles en charge des différentes animations et développe tout particulièrement les activités réservées aux enfants.
La chartreuse de Neuville-sous-Montreuilferme les portes du phalanstère en 1912, mais perdure dans l’activité hospitalière jusqu’en 1998. Aujourd’hui, sous l’égide d’une fondation et sur la base d’un partenariat public, privé et associatif, elle est un Centre culturel de rencontre et accueille toujours des résidences d’artistes, clin d’œil au vieux rêve d’antan.
Règlement général
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Règlement général de l'oeuvre "la Clairière" de Nauville-sous-Montreuil. Archives départementales du Pas-de-Calais, 1 J 544.
Règlement général de l'oeuvre "la Clairière" de Nauville-sous-Montreuil. Archives départementales du Pas-de-Calais, 1 J 544.
L’Association de l’hôpital cantonal de Campagne-lès-Hesdin, fondée par le docteur Victor Morel, député du Pas-de-Calais, a entrepris, grâce aux encouragements de M. Clémenceau, Président du Conseil des ministres, de consacrer l’ancienne Chartreuse de Neuville à des œuvres d’utilité sociale. Située à 500 mètres du village de Neuville (1 000 habitants), à 1 500 mètres de Montreuil-sur-Mer et à 15 kilomètres environ du bord de mer, cette Chartreuse est composée de 23 pavillons, d’un grand nombre de chambres séparées et d’une série de locaux d’un usage commun : cuisines, réfectoires, salles de lectures, de musique, d’exposition, etc. Les bâtiments sont entourés de jardins, de vergers et d’un bois.
D’accord avec le comité parisien de "La Clairière", comité de patronage, l’Association de l’hôpital cantonal de Campagne-lès-Hesdin a décidé d’affecter la Chartreuse de Neuville, dont elle est propriétaire, notamment à des villégiatures d’enfants (colonies de vacances scolaires), et à des villégiatures d’ouvriers, de professeurs, d’artisans, d’artistes, d’employés, d’écrivains, etc., que leur situation de fortune mettait dans l’indisponibilité de chercher à la campagne le repos matériel et moral nécessaires. C’est à dessein que le comité s’efforce de provoquer, grâce, d’une part, à l’indépendance absolue de chacun de ses hôtes, et, d’autre part, au voisinage et aux distractions intellectuelles collectives, un rapprochement utile entre des personnes que leurs occupations différentes séparent en temps ordinaire, au détriment même de leurs travaux et de leur développement.
Conditions d’admission
L’œuvre de la Chartreuse de Neuville concède gratuitement les locaux dont elle dispose. Pour être admis à y séjourner, tout candidat doit être présenté soit par le président de l’association (société, syndicat, etc.) dont il fait partie, soit par le directeur de l’établissement où il est employé, où il étudie, professe, etc., soit par une des autorités de sa circonscription.
L’admission est prononcée par le conseil d’administration ou par le comité de patronage qui statuent sans avoir à motiver leur décision.
L’admission se fait, en principe, pour une durée de quinze jours ; cette durée est d’un mois pour les personnes qui continuent leur travail à la Chartreuse. Des prolongations peuvent être accordées par le comité dans des cas exceptionnels.
Les personnes admises devront, deux jours avant leur arrivée, en prévenir le directeur de l’établissement. Si, au bout d’un délai de cinq jours après la date qui leur aura été fixée, elles ne se sont pas rendues à la Chartreuse, et à défaut d’excuse valable l’administration se verra en droit de disposer des locaux qui leur étaient réservés.
Une lettre d’admission doit être présentée, à l’arrivée, au directeur de l’établissement.
NB : Prière d’adresser toutes les demandes au vice-président délégué, 28, rue de la Tour à Paris (XVIe).
Voyage
La Compagnie des chemins de fer du Nord accorde gracieusement des billets individuels à demi tarif de Paris à Montreuil, aller et retour, à tous les bénéficiaires de l’œuvre de Neuville ; ils doivent en faire la demande au vice-président délégué qui leur fait parvenir.
Logement
Les familles sont, autant que possible, logées dans les pavillons contenant au rez-de-chaussée deux pièces dont une cuisine ; au premier étage deux chambres et un cabinet de toilette ; un grenier et un petit jardin.
L’ameublement se compose strictement de lits avec leur literie, de commodes, de tables, de chaises, de toilettes, d’une cuisinière, d’un buffet de cuisine garni de vaisselle et d’ustensiles indispensables pour le ménage.
Les célibataires, les ménages auxquels un pavillon ne peut être accordé, ou qui ne préparent pas eux-mêmes leurs repas, sont logés dans des chambres meublées.
L’administration ne fournit aucune sorte de linge ni de couvertures de lit.
La jouissance des logements est entièrement gratuite.
Repas
L’administration ne se charge en aucune façon de la nourriture des bénéficiaires. Ceux-ci trouvent facilement des vivres soit à la ferme attenante à la Chartreuse, soit dans le village de Neuville, soit à Montreuil-sur-Mer. Ils peuvent aussi se grouper pour organiser des cuisines coopératives.
Pendant la saison d’été (juillet, août, septembre), un restaurant est installé dans l’établissement même. Il est entièrement indépendant de l’œuvre de la Chartreuse, mais soumis toutefois au contrôle du conseil d’administration. Ce restaurant prend des pensionnaires à raison de 2 francs par jour (2 repas).
Assistance médicale
Les bénéficiaires ont droit aux soins médicaux gratuits. M. le docteur Hallette, de Montreuil-sur-Mer, veut bien assurer gracieusement ce service. Les médicaments sont à la charge des intéressés au tarif de l’assistance médicale.
Les personnes atteintes de maladies contagieuses ne sont pas admises dans l’établissement.
Discipline
La discipline est réduite à son minimum : l’œuvre compte sur l’esprit d’ordre et de camaraderie de ses bénéficiaires. C’est dans un intérêt commun qu’ils doivent entretenir la propreté de leur logement, de la partie attenante du couloir et du cloître, et remettre, à leur départ, les locaux dont ils disposaient, dans l’état où ils leur ont été accordés. À défaut de se soumettre à cette règle, ils seront tenus de payer les frais de nettoyage et de réparation des dégâts occasionnés par eux.
L’entrée et la sortie de l’établissement sont libres.
Les hôtes ont la jouissance du bois, du verger, de la cour d’honneur, de la bibliothèque, etc., à condition de ne pas y commettre de dégradations. Ils sont invités à assister à toutes les conférences, réunions, fêtes, etc., organisés par leurs camarades, à moins qu’elles ne soient données au bénéfice exclusif d’une œuvre de bienfaisance.
Archives départementales du Pas-de-Calais, 1 J 544/01.