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Inauguration du poteau des fusillés de la citadelle d’Arras et du mausolée des martyrs d'Oignies

Dessin d'une arche commémorative. "Ville d'Oignies. Comité d'Érection du Monument aux Fusillés. Vue en perspective d'un avant-projet".

R. Blondel, Ville d’Oignies. Comité d’érection du monument aux fusillés. Vue en perspective d’un avant-projet, 17 janvier 1946. Archives départementales du Pas-de-Calais, 1 W 9490.

Les guerres du XXe siècle n’ont pas épargné le département du Pas-de-Calais : les sites de Notre-Dame de Lorette, du Mémorial canadien de Vimy ou du Mur des Fusillés d’Arras en gardent le souvenir.

La Seconde Guerre mondiale y a été singulièrement meurtrière, que ce soit chez les militaires ou parmi les civils : en témoignent, entre bien d’autres, les massacres commis à Oignies lors de l’invasion, le 28 mai 1940 : entrés dans la ville après plusieurs jours de combats, grâce à la défense héroïque d’une unité britannique, du 106e régiment d’infanterie coloniale et du 11e régiment de zouaves, les Allemands tuent quatre-vingt civils réfugiés dans les caves.

Exécutions au pied de la citadelle d'Arras

Après l’armistice du 22 juin 1940, naît un noyau de résistance qui s’amplifie au fil du temps. Une véritable "guerre de l’ombre" se déploie pendant plus de quatre ans et coûte la vie à des centaines de patriotes. Entre le 21 août 1941 et le 21 juillet 1944, 218 personnes sont ainsi fusillées au pied de la citadelle d’Arras : quatre en 1941, quatre-vingt-treize en 1942, quarante-trois en 1943 et soixante-dix-huit en 1944.

Les résistants tombés sous les balles allemandes sont âgés de seize ans, pour le plus jeune (Julien Delval, aide mineur de Carvin), à soixante-neuf ans pour le vétéran (Henri Queval, directeur d’usine à Calais). Parmi les corps retrouvés dans divers charniers à la fin de la guerre, on a relevé 7 enseignants, 16 fonctionnaires, 10 cheminots, 10 commerçants, 11 cultivateurs, 33 ouvriers, 130 mineurs et un prêtre, appartenant à neuf nationalités différentes (189 Français, 5 Belges, 2 Portugais, 1 Italien, 15 Polonais, 1 Tchèque, 3 Soviétiques, 1 Hongrois et 1 Yougoslave).

Visite du président Vincent Auriol

Photographie en noir et blanc d'une foule assemblée devant le poteau des fusillés fleuri pour l'occasion.

Arras le 19 septembre 1949. Fossés de la citadelle. Inauguration du monument élevé à la mémoire des 214 Résistants fusillés par les Allemands de 1942 à 1944, J. Souillard éditeur, 1949. Archives départementales du Pas-de-Calais, 39 Fi 62.

Les 12 et 13 juillet 1947, accompagné de plusieurs membres du gouvernement Ramadier (dont François Mitterrand, ministre des anciens combattants et des victimes de la guerre), le président de la République Vincent Auriol parcourt le Pas-de-Calais et le Nord : après avoir traversé les quartiers encore sinistrés des grandes villes, il fête le 12 la renaissance économique de la côte (reconstruction de la flottille de pêche, de la gare maritime de Boulogne-sur-Mer et d’une cale de radoub à Calais). Son séjour veut aussi être un hommage aux morts du récent conflit : le 13 à 15 heures 30, est ainsi inauguré le mausolée aux victimes civiles d’Oignies, première cité martyre de la campagne de France . Cette cérémonie est précédée le matin, dans les fossés de la citadelle d’Arras, de la pose d’un poteau, réplique de celui auquel ont été attachés les résistants condamnés.

Le 31 mai précédent, Guy Mollet, député-maire du chef-lieu du département, a fait adopter un projet de mémorial aux patriotes fusillés et a lancé la souscription nécessaire à sa construction. La présence de Vincent Auriol permet de recréer le climat de la Résistance , un climat d’idéal désintéressé, d’unanimité démocratique fraternelle qui a été celui de la lutte contre l’oppresseur et qui se montre de plus en plus nécessaire pour la reconstruction de notre patrie dévastée  (lettre au préfet du 5 juin 1947).

Extrait du discours prononcé par Guy Mollet devant Vincent Auriol lors de l’inauguration :

 Monsieur le Président de la République,

C’est comme président du comité d’érection de ce mémorial qu’il m’est donné de vous accueillir ici, et je sais être l’interprète de tous les membres de ce comité, du comité départemental de Libération et de tous les résistants de notre région en vous disant simplement combien nous avons été sensibles à votre acceptation d’honorer de votre présence l’inauguration de ce mémorial.

[…] Nous voulions que leur souvenir se perpétuât sans toutefois que soit changé le cadre sur lequel leur regard se posa pour la dernière fois. Nous voulions que ceux qui, après nous, feront ce pèlerinage, retrouvent au cœur l’angoisse qui nous étreint chaque fois que nous descendons seuls le raidillon qui nous amène ici. Il faut que nos enfants et les enfants de nos enfants viennent y puiser l’horreur de la barbarie et du fascisme, mais il faut surtout que ceux qui ont aimé nos martyrs retrouvent ici les lieux que nous avons connus lorsque dès les premières heures de la Libération nous sommes venus identifier les corps de ceux que nous chérissions. C’est pourquoi nous avons souhaité et obtenu le classement de ce fossé ; c’est pourquoi nous avons décidé le maintien de l’ensemble dans l’état même où il se trouvait et où il se trouve encore : c’est pourquoi enfin le seul monument prévu sera ce poteau, réplique aussi exacte que possible de celui auxquels ils furent attachés.

[…] Je voudrais ne rien dire qui puisse réveiller cruellement la douleur des membres de leurs familles et pourtant ce serait manquer à l’hommage que nous leur devons que de ne pas rappeler qu’ils sont 217 qui descendirent ici un matin jusqu’ici pour ne plus remonter ; 217 qui, souvent après des mois de tortures physiques et morales, s’écroulèrent sous la rafle meurtrière, avec aux lèvres une dernière chanson, un dernier défi, un dernier cri d’espoir et parfois aussi le nom d’un être cher.

[…] Et par leur suprême sacrifice, ils nous ont donné une leçon que nous n’avons pas le droit d’oublier sans trahir leur mémoire. C’est cette leçon que vous allez tirer pour nous, Monsieur le Président. Nul mieux que vous ne pouvait le faire puisque vous fûtes parmi les tout premiers de leurs compagnons, et puisque vous êtes aujourd’hui le représentant de cette Quatrième République qui tend à créer enfin le régime de liberté pour lequel ils sont morts.

Inauguration du monument

Le monument achevé est inauguré le 19 septembre 1949 : 218 plaques portant chacune le nom d’un résistant "mort pour la France" sont fixées au Mur des Fusillés (la 218e a été installée le 8 mai 2005). À l’entrée, une plaque rappelle en trois langues (française, anglaise et allemande) :

In Memoriam. 218 patriotes de toutes origines ont été fusillés de 1941 à 1944 dans les fossés de la citadelle d’Arras. Vous qui venez en ces lieux, gardez en vos mémoires le souvenir de leur martyre.

Ces résistants sont mis à l’honneur lors d’une commémoration qui a lieu tous les ans depuis la fin de la guerre. Dans ce lieu où ils ont été massacrés, il est fait lecture dans un silence émouvant et solennel des noms et prénoms des 218 résistants en présence des porte-drapeaux des associations patriotiques, des familles et amis, et de personnalités de la région qui participent à ce devoir de mémoire et rendent hommage à ces héros.

Voir aussi, pour plus d’informations (dont les listes des victimes)