L’historiographie de la Grande Guerre omet souvent d’évoquer l’engagement des troupes portugaises sur le sol français. Débarqué en France en tant qu’allié historique du Royaume-Uni et arrivé dans le Pas-de-Calais le 5 février 1917, le corps expéditionnaire portugais s’est pourtant illustré dans la bataille de la Lys au printemps 1918 et a renforcé les rangs britanniques lors des assauts suivants.
L’alliance portugo-britannique et l’entrée en guerre du Portugal
Lors de l’entrée en guerre des pays européens, la jeune république portugaise - proclamée le 5 octobre 1910 - conserve un statut neutre.
Néanmoins, un traité d’alliance passé en 1912 avec le Royaume-Uni la pousse à soutenir ce dernier en hommes comme en matériel. Officieusement, elle cherche surtout à surtout protéger ses colonies africaines, l’Angola et le Mozambique, fragilisées par un accord germano-britannique daté de 1898 et reconduit en 1912 et 1913.
Au début, le Royaume-Uni se montre peu intéressé par l’envoi de troupes qu’il juge inaptes et inexpérimentées, et préfère s’appuyer sur une aide exclusivement matérielle.
Mais face à l’accumulation de problèmes logistiques, il demande à son allié, en décembre 1915, de réquisitionner soixante-dix navires allemands qui mouillent dans ses ports. Le Portugal s’exécute le 24 février 1916. En retour, l’Allemagne lui déclare la guerre le 9 mars.
L’arrivée du corps expéditionnaire portugais dans le Pas-de-Calais
Dans ses conditions, un corps expéditionnaire portugais (CEP) est créé en janvier 1917, placé sous le commandement du général Tamagnini.
Le 1er février 1917, il débarque à Brest. Acheminé par train, il arrive quatre jours plus tard à Aire-sur-la-Lys où est fixé temporairement le GQG.
Les troupes continuent d’affluer au compte-goutte jusqu’en novembre 1917. À cette date, le CEP est constitué de 56 500 hommes répartis en deux divisions, elles-mêmes rattachées au 11ième corps de la 1re armée britannique du général Horne.
À leur arrivée, il faut former ces hommes qui ignorent tout des dernières avancées techniques et tactiques. Sous l’égide des alliés britanniques, les Portugais apprennent à construire et à tenir des tranchées, à reconnaître et à se servir des armes modernes ou encore à concevoir de nouvelles tactiques militaires propres à la guerre de position.
Des camps d’entraînement thématiques se multiplient dans la zone arrière du Pas-de-Calais. À titre d’exemple, nous pouvons citer ceux situés :
- à Audincthun : camp d’exercices pour sapeurs ;
- à Camiers : camp consacré au maniement de mitrailleuses lourdes ;
- à Clarques : camp dédié à l’utilisation de mortier ;
- au château d’Hardelot : stages de pratique quotidienne de la guerre ;
- à Mametz : camp pour la défense et l’attaque de gaz ;
- à Marthes (hameau de Mametz) : camp central d’entraînement qui voit passer 630 officiers, 968 sergents et 26 750 hommes ;
- à Saint-Pol-sur-Ternoise : camp consacré au maniement de baïonnettes.
Le GQG, d’abord installé à Aire-sur-la-Lys, est transféré au château de La Morande à Roquetoire, puis en juillet 1917 à Saint-Venant, au plus proche de la ligne de front.
Quelques mois plus tard, le corps expéditionnaire portugais subit l'épreuve du feu au cours d'une bataille particulièrement traumatique pour ses recrues : la bataille de la Lys, en avril 1918, au cours de laquelle le CEP perd près de 7 000 hommes et autant de prisonniers. Au lendemain de cet échec, les survivants se replient sur Ambleteuse.