Tragique accident à Saint-Léonard
M. l'abbé Boulinguez, directeur de "La Croix du Pas-de-Calais" écrasé par un tramway
Un terrible accident qui a provoqué en ville, aussitôt connu, la plus vive émotion s’est produit hier soir sur la route de Pont-de-Briques à Boulogne.
Notre confrère M. l’abbé Odilon Boulinguez, directeur de la Croix du Pas-de-Calais et desservant de Saint-Léonard, a été écrasé par un tramway de la Société du Boulonnais, dans les circonstances ci-après.
Le tramway de 5 heures 1-2, complété par une remorque, venait de quitter Pont-de-Briques. Bondés comme toujours à pareille heure le dimanche de promeneurs et de soldats anglais, car et remorque gravissaient lentement la rude montée de Saint-Léonard.
M. Boulinguez qui usait plusieurs fois par jour de ce mode de locomotion, l’attendait au passage pour se rendre à Boulogne.
En retard probablement et craignant de le manquer il sortit précipitamment de chez lui, traversa la route en courant et encore alerte, bien qu’il frisât la soixantaine, il voulut sauter à contre-voie sur le marchepied de la remorque, au milieu de cette dernière.
Malheureusement, l’obscurité était profonde et le terrain, détrempé par la pluie récente, était des plus glissants.
Ébloui sans doute par le phare et les lumières du tramway et glissant sur le macadam humide, l’abbé Boulinguez manqua son coup et, les jambes en avant, fila d’un seul jet sous la remorque lourdement chargée dont les deux roues arrière lui passèrent sur les jambes et le haut du corps. Deux soldats anglais assis au bord de la voiture avaient vainement tenté de retenir le malheureux.
Au cri d’angoisse indicible proféré par l’infortuné prêtre, la clameur des passagers avait aussitôt répondu. La voiture motrice s’était arrêtée net, la remorque s’étant pour ainsi dire calée sur le corps qu’elle venait de broyer et ayant, par suite, déraillé.
Avec des précautions infinies, on releva l’abbé Boulinguez qui ne donnait plus signe de vie. Une voiture d’ambulance anglaise passait à ce moment. On y déposa le blessé qui respirait encore faiblement et qui fut transporté en toute hâte à l’hôpital Saint-Louis à Boulogne.
Quelques minutes après son arrivée dans l’établissement, l’abbé Boulinguez, administré in extremis par M. l’aumônier Caboche, rendait le dernier soupir. M. le docteur Deseille qui était dans le tramway et qui avait suivi ne put que constater le décès.
Il avait été littéralement broyé par la voiture remorque. Les deux jambes avaient été réduites en bouillie à hauteur des mollets. Les bras et la poitrine étaient dans le même état.
La sœur et la nièce de M. Boulinguez qui habitaient avec lui ont été prévenues avec les plus grands ménagements, du malheur imprévu qui les frappe.
Le corps de leur parent leur sera rendu aujourd’hui dès que les formalités nécessaires au transfert auront été remplies.
Depuis de longues années, l’abbé Boulinguez dirigeait non sans quelque talent le journal La Croix. Comme chez tous les hommes à convictions fortes, sa plume était parfois quelque peu acidulée, mais au point de vue professionnel c’était un confrère d’une parfaite correction. Aussi sa mort tragique ne peut-elle manquer d’être ressentie vivement par tous les membres de la Presse locale.
Pour notre part, nous nous faisons un devoir de présenter à ses parentes éplorées l’expression de nos condoléances les plus confraternelles et les plus attristées.