Jules Joëts fêté au banquet de la Société des artistes français
Notre illustre concitoyen Jules Joëts aura connu toutes les joies et tous les triomphes, cette semaine : ce ne sont pour lui que réceptions, ovations et banquets. Dimanche c’était avec de fidèles amis, mardi c’était à l’Élysée, mercredi c’était au Palais d’Orsay, où cela fut-il hier ? où cela sera-t-il demain ?
Cesse de banqueter
ou je cesse d’écrire !
Il n’y a qu’une chose à plaindre dans tout cela : c’est son estomac !
Nous félicitons cordialement une fois de plus notre cher et grand artiste pour une si belle série de fêtes et de succès qui le mettent de jour en jour plus en lumière et dont l’éclat rejaillit sur Saint-Omer, ce dont les Audomarois, nous le savons, se rendent très bien compte, ils le prouveront certainement d’ici peu en acclamant à leur tour Jules Joëts quand il reviendra chargé de lauriers, d’honneur… et d’argent dans sa ville natale qui saura alors lui témoigner, nous n’en doutons pas, sa reconnaissance et sa fierté et rendre hommage à son travail consciencieux, à son talent hors ligne reconnu par ses pairs et par ses aînés et à son mérite si brillamment récompensé par leurs suffrages.
La Société des artistes français a donné au Palais d’Orsay, sous la présidence de M. Augagneur, ministre de l’Instruction publique et des beaux-arts, le banquet qu’elle organise chaque année à l’issue du Salon.
Le président de la République était présent. À la table d’honneur avaient également pris place, aux côtés de M. Augagneur, et de M. Antonin Mercié, membre de l’Institut, président de la société, MM. Dalimier, sous-secrétaire d’État aux beaux-arts ; Georges Leygues, Léon Bérard, Maurice Faure, anciens ministres ; Bonnat, Nénot, Laloux, Pascal, Marqueste, Coutant, Flameng, de l’Institut ; les membres du jury et deux artistes peintres seulement : M. Jules Joëts, médaille d’or et Prix national du Salon et M. Maxence, médaille d’honneur. […]
Au moment où le champagne pétille dans les coupes, M. Antonin Mercié a remercié le président de la République et les personnalités présentes. M. Deville a pris la parole, au nom de la Ville de Paris, exposant la façon dont elle fait ses achats. M. Augagneur dans son discours a insisté sur le rôle de l’État en matière d’art, « rôle éminemment protecteur », « la direction du mouvement artistique devant être entièrement laissée aux compétences et aux sommités qui sont notre gloire nationale. Le ministre a ensuite reconnu l’absolue nécessité des Salons annuels, seul moyen qu’ont les jeunes peintres de se produire, et a promis de faire tous ses efforts pour que cette louable tradition soit maintenue.
Nous pouvons ajouter d’après le témoignage d’un de nos confrères, critique d’art parisien qui interviewa quelques-uns des invités à leur sortie du Palais d’Orsay qu’on a fait à Jules Joëts, au cours de ce banquet, un succès inouï.
M. Augagneur, ministre de l’Instruction publique, s’adressant à M. Poincaré, président de la République et à ses voisins de table MM. Bonnat et Mercié leur dit : Messieurs, je suis profondément heureux ainsi que mes collègues du Conseil supérieur des beaux-arts d’avoir décerné le Prix du Salon de cette année à M. Joëts. Son tableau est une œuvre remarquable, très belle, forte, puissante… Voilà une œuvre sentie, émue, voilà une œuvre d’artiste, pleine de vérité et de sincérité
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On devine les ovations enthousiastes et prolongées qui furent faîtes au peintre audomarois après ces paroles prononcées à très haute voix et distinctement entendues de tous les invités de marque qui assistaient à ce banquet. Il a fallu que Jules Joëts, faisant violence à sa modestie, se levât et saluât comme l’auteur acclamé d’une pièce à succès et encore la comparaison est-elle inexacte car la pièce passe et le tableau reste.
Quand on fut passé dans le salon contigu à la grande salle à manger pour prendre le café debout, autour des buffets bien garnis de tout ce qu’il faut pour fumer et déguster les liqueurs les plus fines et les plus variées, M. Augagneur vint encore féliciter Joëts, puis, en sa présence, M. Bérard, sous-secrétaire d’État aux beaux-arts est venu serrer les mains de son interlocuteur en lui disant : Monsieur le ministre, je suis heureux de voir que vous êtes en communion d’idées avec moi en félicitant ce garçon là. C’est très bien. Bravo Joëts !
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Bravo Joëts ! voilà deux mots que notre concitoyen a déjà entendu et lu bien souvent depuis quelques semaines et cependant les bouffées de l’orgueil ne l’ont point grisé, nous nous plaisons à le constater.
Terminons par une indiscrétion, pendant que nous y sommes : hier matin M. Couyba, ministre du Travail, qui avait déjà témoigné à Jules Joëts le désir de faire sa connaissance, l’a fait appeler au ministère expressément pour le féliciter et l’a reçu, en artiste qu’il est lui-même, c’est-à-dire de la façon la plus charmante et qui sera sans doute ensuite très profitable à notre peintre audomarois.
Saint-Omer doit savoir ce qu’il lui reste à faire à présent : c’est d’ouvrir tout grands ses bras pour y accueillir son célèbre enfant à cœur ouvert ! – C. CL.