Tous nos concitoyens, sans compter les autres spectateurs, ayant pu contempler à loisir aussi bien que nous, soit aux différentes places de l’enceinte clôturée, soit de l’extérieur et de tous les points de Saint-Omer, sans bourse délier, les impressionnants exercices d’aviation qui se sont déroulés ces deux jours-ci dans notre ciel, nous ne nous étendrons pas outre mesure sur la description de ces merveilleuses évolutions.
Elles sont encore trop "dans l’œil" de nos lecteurs pour qu’il soit besoin d’en parler longuement.
Nous n’avons qu’un regret c’est que, comme public payant et par conséquent comme recettes pour les organisateurs qui n’avaient rien négligé pour assurer le succès dont les efforts auraient mérité d’être mieux récompensés, les fêtes de dimanche et lundi n’ont pas aussi complètement répondu à leurs espérances qu’ils l’auraient désiré. Cela tient à plusieurs causes qu’il est facile d’élucider.
Et d’abord malgré toutes les cordes, clôtures et toiles du monde, il est impossible de dérober un spectacle d’aviation qui se passe surtout en l’air, à la vue d’un certain public bien décidé à ne pas payer, ne fut-ce que quelques sous, et ne comprenant pas qu’avec cette parcimonie égoïste, on finira par rendre tout meeting d’aviation impossible.
Bast ! se dit Populo, qu’est-ce qu’ils voient plus que moi les payants ? le départ et l’atterrissage ? la belle affaire ! le principal c’est de voir les aviateurs se grouiller en l’air, aller, venir, tourner dans tous les sens et faire ce fameux saut périlleux le "cumulet" quoi ! à des centaines de mètres de hauteur. Eh bien tout ça, je l’ai pour rien !
Eh bien ! vous avez tort, Populo, car au lieu de tenir ce raisonnement trop pratique, vous devriez contribuer avec votre modeste quote-part aux frais de telles fêtes instructives autant qu’intéressantes et ces frais, les organisateurs ne les ont pas pour rien.
D’autre part le "pont" du 14 juillet et les nombreux trains de plaisir avaient permis à beaucoup d’Audomarois d’aller soit à Paris, soit à la mer, soit en Angleterre excursionner pendant quelques jours et oublier le labeur quotidien ; enfin les ducasses des environs et jusqu’à l’orage qui éclata dimanche à deux heures de l’après-midi, furent encore autant de raisons qui contribuèrent à éloigner les uns de Saint Omer et à retenir les autres chez eux.
Enfin les aviateurs eux-mêmes ont été contrariés dans leurs projets et n’ont rempli qu’une partie du programme.
Le lundi matin, Montmain avait effectué un très beau vol sur la ville puis était allé se poser au plateau des Bruyères mais, à partir de ce moment son moteur se montra récalcitrant. Il en fut de même de celui de Peeters qui, ayant été changé récemment n’était pas approprié, paraît-il, comme force, au reste de l’appareil avec lequel il ne put jamais s’accorder.
C’est ce défaut d’accord qui amena les déceptions du public mais il y eut de belles et larges compensations grâce à l’énergie et au courage de l’aviateur Simon à qui nous devons tous les vols magnifiques et savants qui furent exécutés avec la plus grande maestria on ne peut dire "sous" mais au-dessus de nos yeux émerveillés.
Ne pouvant entrer, nous l’avons dit, dans le détail et décrire ce que tout le monde a vu, nous signalerons seulement un fait curieux et amusant. Le dernier vol si réussi de Simon comprenant plusieurs virages étonnants et une série de boucles émouvantes, fut très bien aperçu des typographes du Mémorial à qui il semblait que l’aimable aviateur eût voulu donner un aperçu de son savoir faire et de sa virtuosité en venant évoluer à un moment donné juste au dessus du vitrage de notre atelier.
Et de l’avoir vu si bien sans se déranger de leur travail, cela fit dire à l’un de nos "prisonniers" : À la bonne ! ça nous redonne du courage à l’ouvrage
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À nos compliments bien sincères au généreux et infatigable Simon à qui chacun faisait fête et qui reçut les vives félicitations des autorités et de personnages compétents en aviation, ne terminons pas sans joindre une mention pour la Musique communale et pour la musique du 8e de ligne qui prêtèrent respectivement aux réunions de dimanche et de lundi un concours aussi dévoué qu’apprécié, trompant par de jolis airs bien interprétés, la longueur interminable des "entr’actes".