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Décès du compositeur arrageois Alexandre Georges

Le nom d’Alexandre Georges ne vous est peut-être pas familier ; ce compositeur fertile et éclectique était pourtant connu dans le Tout-Paris de la fin du XIXe siècle.

Un enfant très doué

Portrait noir et blanc d'une homme de trois-quart, portant une barbe et regardant vers le ciel.

Portrait d'Alexandre Georges, Paris, 1900. Archives départementales du Pas-de-Calais, 44 J 19.

Alexandre-Joseph-Nicolas Georges naît à Arras le 25 février 1850, fils d’Alexandre-Joseph Georges et de Silvine-Joseph Savary. Il n’est encore qu’un bambin, lorsque ses parents déménagent à Saint-Pol-sur-Ternoise où il passe toute son enfance.

Son père est relieur, mais aussi chantre laïc à la paroisse ; très tôt, il initie ses enfants à la musique et le jeune Alexandre ne tarde pas à montrer des dispositions remarquables pour cet art.

Il est alors repéré et pris en main par Mathilde Cressent, fille d’un magistrat saint-polois et musicienne émérite. Cette dernière poursuit son éducation musicale et le forme à la pratique de l’orgue. Ses progrès ne tardent pas à éblouir tout son entourage : à huit ans, il accompagne déjà des messes en musique.

Études parisiennes

Ses études classiques terminées, il est envoyé à 13 ans à l’école Niedermeyer, conservatoire de musique religieuse à Paris. Élève de Gustave Lefèvre, camarade de Saint-Saëns et de Fauré, il s’épanouit auprès de ces brillants musiciens et travaille sans relâche pour tenter de les égaler.

En 1870, il sort de l’école couvert de lauriers, puisqu’il reçoit des mains de la comtesse de Paris :

  • le premier prix d’harmonie pratique,
  • le prix unique d’accompagnement,
  • le prix de fugue,
  • le premier prix de plain-chant,
  • le prix unique d’improvisation,
  • le premier prix de composition,
  • le diplôme d’État de maître de chapelle,
  • le diplôme d’État d’organiste.

Il rentre à Saint-Pol chez ses parents, mais quelques mois plus tard, la déclaration de guerre sonne la fin des jours heureux.

Souvenirs de campagnes

Photographie noir et blanc montrant un homme jouant sur un grand orgue d'église.

Alexandre Georges jouant sur le grand orgue de Saint-Vincent-de-Paul, Paris. Archives départementales du Pas-de-Calais, 44 Fi 19.

En toute hâte, on appelle sous les armes la classe de 1870 dont il fait partie. En septembre, il est reconnu bon pour le service après avoir été tiré au sort.

Incorporé dans le 3e régiment du génie à Arras, il fait toute la campagne du Nord sous les ordres du général Faidherbe et prend part, entre autres, aux batailles de Pont-Noyelles, Pont-Querrieu, Bapaume et Saint-Quentin, où sa bravoure lui vaut une citation et des galons de caporal.

Il recueille de cette sanglante campagne de nombreuses impressions qu’il exprimera plus tard dans ses Chants de guerre ainsi que dans d’autres compositions patriotiques et martiales.

Une fois la guerre terminée, il se remet à son art et s’installe définitivement à Paris.

Organiste, professeur et compositeur

Successivement maître de chapelle à Saint-Jean, à Saint-François, puis à Sainte-Clotilde, où il se lie ami avec César Franck en 1877, il est enfin désigné pour tenir le grand orgue de Saint-Vincent-de-Paul en 1899. Parallèlement, il devient professeur de piano et de solfège à l’école Niedermeyer.

Ses journées bien remplies ne l’empêchent pas de composer, encore et toujours. Cet inlassable passionné nous laisse une œuvre originale et variée, comportant autant de compositions profanes que de pièces religieuses. On peut citer pêle-mêle :

  • la musique de scène, avec les drames philosophiques de Villiers de L’Isle-Adam (Le Nouveau Monde en 1883 ou Axel en 1894),
  • des opéras-comiques (Le Printemps, 1888),
  • des opéras lyriques (Poèmes d’Amour, en collaboration avec Armand Silvestre, 1892),
  • des drames lyriques (Charlotte Corday, 1901),
  • une trentaine de mélodies, dont quelques-unes avec chœurs (Légende bretonne, 1880 ; Petits poèmes du bord de l’eau, 1911 ; etc.),
  • de la musique religieuse : requiem, cantates, messes et oratoires (Notre-Dame de Lourdes en 1900, oratorio sur des poèmes de l’abbé Ernest Jouin, de même qu’un mystère en seize tableaux, La Passion, 1902 ; Chemin de croix, sur des poèmes d’Armand Silvestre, 1897 ; Requiem de Lorette, etc.).
Couverture colorée d'une partition de musique.

Partition des "Chansons de Mïarka, la Fille de l'Ourse". Poèmes de Jean Richepin, musique d'Alexandre Georges. Enoch et Cie, éditeurs à Paris. Archives départementales du Pas-de-Calais, 44 J 20.

Mais ce sont surtout deux cycles de mélodies qui le font connaître auprès du grand public : Les chansons de Miarka (sur des poèmes de Jean Richepin, 1888) et Les chansons de Leïlah (sur des poèmes d’Émile Mariotte, 1901).

L’hommage de sa terre natale

Après la Première guerre mondiale, sa renommée de compositeur s’essouffle un peu, bien qu’il reste un professeur d’orgue très recherché. Mais l’admiration qu’il suscite dans sa terre natale ne semble pas, quant à elle, faillir.

En effet, bien que l’essentiel de sa carrière se soit déroulé à Paris, Alexandre Georges a toujours gardé avec l’Artois des liens étroits. Membre d’honneur des Rosati du Ternois avant 1909, Rosati d’Artois depuis 1927, il est élu en 1930 membre correspondant de l’Académie d’Arras et fête en cette ville ses 80 ans.

Décédé à Paris le 18 janvier 1938, il est inhumé le 22 au cimetière d’Arras. Paul Feuillette, directeur du comité de rédaction des Cahiers littéraires des Rosati d’Artois, lui rend cet hommage dans le cahier trimestriel de janvier 1938 :

À Alexandre Georges

Vous avez écouté la chanson des rivières,
la voix du vent parmi les arbres et les prés,
et, quand tombait le soir, la muette prière
de la campagne mauve et des couchants dorés.

Vous avez regardé monter du sol antique,
riche de la leçon des siècles révolus,
l’Artois médiéval ardent et magnétique
dont les fils d’à présent ne se souviennent plus.

Puis, ayant accueilli dans votre âme fervente,
comme un incorruptible et merveilleux trésor,
tous les rythmes épars de la vie éclatante
et la sérénité mystique de l’effort ;

Vous en avez, au souffle de votre génie,
fait jaillir, ainsi qu’une gerbe de beauté,
dans un scintillement de claires harmonies
le frisson de la terre et de l’humanité.

Simplement, gravement, à notre âme angoissée
par le poids déprimant de son rêve charnel
vous avez dit que tout : espoir, douleur, pensée
se résorbe dans le mystère universel ;

Que rien n’est vrai que ce qui palpite et qui vibre,
n’est fort que ce qui croit, n’est grand que ce qui veut,
et que nul ici-bas ne peut se sentir libre
tant qu’il n’a pas compris qu’il faut regarder Dieu.

Et puisque tout cela, c’est le divin message
qu’aux siècles à venir portera votre Foi,
permettez-nous ce soir, de glisser en ses pages,
humble signet dont notre cœur vous fait hommage,
Les pétales de sang d’une rose d’Artois.

Paul FEUILLETTE, Cahiers littéraires trimestriels des "Rosati d’Artois", n° 4, janvier 1938, p. 7. Archives départementales du Pas-de-Calais, BHB 1790.

Bibliographie

  • "Le maître Alexandre Georges", Programme des cérémonies du 26 mai 1927 à Lorette, p. 7.Archives départementales du Pas-de-Calais, 42 J 347
  • A. DEMONT, Notes biographiques sur M. Alexandre Georges, Saint-Pol-sur-Ternoise, 1909, 20 p. (extrait de L'Abeille de la Ternoise). Archives départementales du Pas-de-Calais, RODB 336/9
  • P. FEUILLETTE, "Alexandre Georges" dans Artois. Cahiers littéraires trimestriels des "Rosati d’Artois", n° 5, avril 1938, p. 3-5. Archives départementales du Pas-de-Calais, BHB 1790