Archives - Pas-de-Calais le Département
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Fermeture du centre Georges-Besnier jusqu'à nouvel ordre

En raison d’une panne du chauffage du Centre Georges-Besnier, sa salle de lecture (Arras) ferme jusqu’à nouvel ordre. Pour toute recherche administrative urgente sur les fonds conservés sur le site concerné (archives contemporaines), nous vous invitons à nous contacter pour une communication par correspondance ou, en cas de nécessité pratique, pour organiser une session de consultation en salle de lecture du Centre Mahaut-d’Artois des documents nécessaires à votre recherche.

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Saint-Pol-sur-Ternoise pendant la Grande Guerre

Comme la plupart des communes du Pas-de-Calais, celles du pays du Ternois ont été tragiquement éprouvées par la Première Guerre mondiale. Situé à quelques kilomètres du front ouest, le Ternois n'est pas directement affecté par les combats, mais sert de plaque tournante logistique. Sa situation géographique lui vaut d'être idéalement situé dès que le front se stabilise au cours de l’automne 1914.

Même s'il se trouve dans la zone non occupée, la présence militaire est ininterrompue, française jusqu'en 1916, puis britannique jusqu'en 1920. Bénéficiant d'un éloignement des fronts de l'Artois et de la Somme, le territoire voit passer des centaines de milliers d'hommes, des militaires allant au front ou en revenant, jusqu'aux autorités civiles et militaires. Y sont regroupés des hôpitaux militaires, des camps, des dépôts, des zones d'entraînement, des parcs d'artillerie et d'automobiles, une usine de tanks ; plusieurs communes servent d'aérodromes (Auxi-le-Château, Brias, Boffles, Humières). Les réseaux ferrés et routiers sont très vite saturés, notamment celui de Lille, Lens et Arras, qui est bloqué par l'occupation et les combats. Le lien vers Paris s’effectue ainsi en passant par Saint-Pol-sur-Ternoise, Frévent et Doullens ; Saint-Pol devient ensuite l'un des trois principaux centres ferroviaires, grâce au renforcement par l'armée britannique des infrastructures existantes.

Le 6 octobre 1914, la 10e armée française s'implante en Artois et installe son état-major à Saint-Pol-sur-Ternoise, pour des raisons pratiques de proximité avec le front. Le général Maud'huy occupe son poste jusqu'au 9 avril 1915, puis est remplacé par le général d'Urbal. L'armée française quitte la ville lors de sa relève par les Britanniques sur une zone allant d'Ypres à la Somme, en février et mars 1916. Le 14 mars à 8 heures, d'Urbal passe le commandement au général Allenby, de la 3e armée.

Les Français ont installé dans des bâtiments existants les hôpitaux temporaires et les ambulances : le collège (lycée Châtelet, rue de Béthune), l'hospice (place Lebel), le collège Saint-Louis (rue du pont-Simon) et le magasin aux tabacs (rue Wathieumetz). Par contraste, l'armée britannique met en place un système totalement nouveau, constitué d'éléments préfabriqués et standardisés, tentes et baraquements : le 12 Stationary Hospital est ouvert sur le champ de course au sud de la ville, en haut du quartier de Canteraine, entre le 1er juin 1916 et le 1er juin 1919. Tous ces hôpitaux sont aussi amenés à soigner des civils, notamment les victimes de bombardements.

Le 21 mars 1918, débute l'opération Michael, une incontestable victoire allemande. Les lignes de défense alliées cèdent sur l’ensemble du front et le danger d’une rupture entre les armées française et britannique se précise. À la fin de la journée, les Britanniques ont perdu plus de 28 000 hommes, dont 21 000 prisonniers.

À Saint-Pol-sur-Ternoise, vers quatre ou cinq heures du matin, un obus de 380 lancé par une pièce allemande, mise en batterie à 38 kilomètres de là, éclate sur la route de Ramecourt. Le bombardement entraîne le départ d'un grand nombre d'habitants. La ville est presque désertée. Restent quelques fonctionnaires à la sous-préfecture et à la mairie, les hôpitaux, les employés du chemin de fer, les mineurs, le collège, le clergé et la Mission. Les vieillards de l'hospice sont évacués à Rosemont et à Troisvaux, par les soins des sœurs de Saint-Vincent de Paul. Les orphelines des Franciscaines partent pour Conteville, puis Hardinghem.

À partir du début d'avril, les habitants non évacués passent la nuit dans les caves pour se protéger des bombardements aériens. Des mineurs creusent des galeries dans les propriétés. Près du collège, un ouvrier voit tout à coup le terrain s'ébouler devant lui. Il vient de remettre au jour une longue galerie dont on ne soupçonnait plus l'existence. De nombreuses familles s'y installent en y aménageant des petits compartiments boisés.

Dans la nuit du samedi au dimanche et du dimanche au lundi, on entend, à neuf heures moins le quart, le ronronnement caractéristique des avions allemands, puis une canonnade intense et le bruit de la déflagration produite par la chute des torpilles. La gare est visée : la voie ferrée est intacte, mais la rue du petit Saint-Michel, le haut de la rue d’Arras et le quartier de Wathieumetz ont souffert ; le magasin aux tabacs a été épargné. On déplore quelques victimes. Les batteries de tir contre avions sont en conséquence renforcées. Saint-Pol-sur-Ternoise est préservée par la suite, mais la population garde l'habitude d'aller coucher au village voisin, à la tombée de la nuit, et de rentrer le matin. Plus de 200 bombes et torpilles ont été lancées, faisant au total 21 victimes.

Photographie noir et blanc d'une église devant laquelle se trouve des gravats.

Saint-Pol-sur-Ternoise. Gravats devant l'église et le café du commerce en ruines (1918). Archives départementales du Pas-de-Calais, 8 Fi 1095.

Le 30 mai, le bombardement aérien de Saint-Pol-sur-Ternoise recommence : la gare, la mairie et l'église sont visées, mais ne sont pas touchées ; trois maisons s'effondrent, rue de la Mairie. La maison d'habitation et l’étude Georges Rousselle, l'estaminet Labroy ainsi que la recette des finances y attenant subissent le même sort, rendant l'église paroissiale impropre au culte.

En 1918, 41 personnes ont été tuées par les bombardements, dont une vingtaine de militaires britanniques cantonnés vers Saint-Michel à l'extérieur de la ville, auxquels s'ajoutent quelques blessés et 150 maisons détruites ou fortement endommagées. La commune reçoit la croix de guerre le 10 août 1920.

Une nécropole nationale française est ouverte à Saint-Pol-sur-Ternoise. L'idée de créer une tombe pour un soldat inconnu (symbole du sacrifice des Britanniques morts durant la guerre) a germé dès 1916 et se concrétise en 1920. Les députés et le gouvernement britannique annoncent leur décision de la mettre en œuvre à l'occasion des célébrations de l'armistice du 11 novembre 1920. C'est à Saint-Pol que sont réunis les corps de quatre soldats provenant des secteurs où la British Expedionary Force était engagée : Somme, Aisne, Arras et Ypres. Le brigadier-général Wyatt et le lieutenant-colonel Gell désignent celui qui va devenir the Unknown British Warrior, à minuit, dans la nuit du 7 au 8 novembre. Il est inhumé le 11 novembre dans l'abbaye de Westminster, le même jour que le soldat inconnu français à l'Arc de Triomphe. Afin de perpétuer le souvenir de cette désignation, une stèle a été érigée à Saint-Pol-sur-Ternoise, dans le square Verdun, le 7 novembre 1995.

Saint-Pol

Souvenir de la Grande Guerre

Les trois départements du nord auront dans l’histoire de la Grande Guerre une place en vedette ; les mines de charbon d'une part, la mer de l’autre attiraient les Allemands vers l'ouest et, depuis le mois d'août 1914, ils ont été le théâtre d'événements particulièrement importants.

Parmi eux, le Pas-de-Calais est le seul qui, toujours sur la brèche, a pu conserver ses villes (sauf Bapaume et Lens), à l'abri de l'occupation allemande.

Arras, Béthune ont vu l'ennemi sous leurs murailles, les autres villes, Boulogne, Calais, Saint-Omer ont été plus ou moins meurtries. Montreuil fut particulièrement protégée. Saint-Pol a longtemps échappé à la destruction, mais depuis son offensive du 21 mars, l'ennemi lui a fait payer cher les intérêts de sa tranquillité relative pendant près de quatre années.

Depuis cette époque, c'est par centaines que les obus de 280, les monstrueuses torpilles sont lancés sur Saint-Pol avec, à de certains moments, un véritable acharnement. Le canon y tonne sans discontinuité depuis 4 années et les maisons en tremblent.

Toutes les races y ont défilé : Français, Arabes, Anglais, Australiens, Canadiens, Portugais, Indous, Annamites, Chinois, Américains y ont successivement cantonné.

Aussi des travaux considérables y ont été exécutés et l'on a peine à reconnaître la petite ville tranquille et poétique où la vie était si douce avant la guerre alors que l'on se laissait vivre en admirant le cours tranquille de la petite Ternoise.

Maintenant, ce sont des maisons effondrées, des abris partout. À cause des bombardements nombreux et fréquents, tant par grosse pièce tirant à 38 kilomètres que par avions, c'est la ville des alertes et des maisons sans vitres.

Une visite particulièrement intéressante est celle de vieilles carrières dont le souvenir subsistait, mais dont l'accès était inconnu et qui ont été retrouvées.

On a transformé ces cavernes d'Ali-Baba en un refuge qui peut abriter et bien au-delà toute la population.

L'entrée de cette véritable grande ville troglodyte se trouve dans le faubourg de Béthune et ne permet pas à plus de deux personnes de passer de front.

Là, après avoir descendu une pente douce pendant quelques mètres, on se trouve à 15 mètres sous terre dans la pierre de marne, on n'entend plus les bruits du dehors, pas même le bruit d'explosion des torpilles qui porte l'angoisse dans les cœurs les plus vaillants.

Ce n'est pas un spectacle banal que celui de l'exode des habitants qui vers le soir vont chercher leur refuge. Chaque famille a son coin et il faut voir les femmes et les enfants s’acheminant avec leurs couvertures et leurs chaises vers l'asile où ils peuvent prendre un peu de repos afin de travailler utilement le lendemain, car aux alentours de la ville, malgré les difficultés, la campagne est admirablement cultivée.

Au cours de la guerre, Saint-Pol a reçu la visite de tous les personnages marquants : M. le président Poincaré, M. Clemenceau, le roi d'Angleterre, le prince de Galles, les maréchaux Joffre et French, sir Douglas Haig et tant d'autres y sont venus. La ville a abrité les états-majors de plusieurs armées françaises et anglaises et jamais ses habitants, malgré l'épée de Damoclès suspendue sur leurs têtes, n'ont perdu courage, ils avaient foi dans ce fait que l'invasion de 1870 était venue s’arrêter à leur porte, celle de la Grande Guerre devait y mourir à son tour.

La petite ville a eu autrefois ses comtes qui traitaient presque d'égal à égal avec le roi Louis XI ; elle a perdu ses châteaux-forts dont les ruines dominent encore la ville près du cimetière, malheureusement agrandi où reposent tant de soldats français et anglais dont les tombes sont entretenues avec la plus grande piété. Détruite en 1537 par Charles-Quint, deux maisons seules subsistèrent ; écornées toutes deux par le bombardement du 21 mars, elles sont toujours debout.

S'il est vrai qu'un hôtel moderne va y être construit, les touristes de tous les pays y viendront en grand nombre et pourront du haut du château des comtes de Saint-Pol, après avoir constaté l'ingéniosité et l'énergie de la population en vue de pouvoir quand même se maintenir dans ses foyers, porter leurs vues plus haut et relier dans leur pensée l'histoire d’un passé qui fut grand à l'imagination de l'avenir.

Ils y goûteront en même temps le charme d'un décor naturel dont le calme contraste avec l'activité des mines voisines, que de nombreux bosquets agrémentent et que sillonnent des voies ferrées et [flo]rissante destinée, de magnifiques routes qui viennent se croiser dans la ville et lui ont donné au cours de la guerre une importance de 1er ordre.

Après de si longues et dures épreuves souhaitons à la petite ville une heureuse, laborieuse et flo-[rissante][…]

Le Télégramme, mardi 17 septembre 1918. Archives départementales du Pas-de-Calais, PG 9/30.