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La bataille d'Azincourt

Il y a 600 ans, le 25 octobre 1415, a eu lieu la célèbre bataille d’Azincourt. Cette terrible défaite de la chevalerie française face aux archers anglais, est un des évènements les plus mémorables de la guerre de Cent Ans. Cette bataille fut ainsi relatée par les chroniqueurs Enguerrand de Monstrelet et Jean Le Fevre de Saint-Remy et même célébrée par William Shakespeare dans Henry V.

Les raisons de cette bataille

À l’instar de ses prédécesseurs, Édouard III et Richard II, le roi Henri V d’Angleterre revendique la couronne de France. C’est dans cette optique qu’il débarque en Normandie en août 1415 où il s’empare de la ville de Harfleur, près du Havre, après un mois de siège et au prix de lourdes pertes humaines. Hésitant à marcher sur Paris, il prend finalement route vers le nord pour regagner Calais – alors possession anglaise depuis 1347 – d’où il espère pouvoir rejoindre l’Angleterre.

L’ost du roi de France part à sa poursuite afin de lui bloquer la route et parvient à sa rencontre non loin d’Azincourt, le 24 octobre 1415.

Les erreurs tactiques françaises

Image couleur montrant deux armées s'affrontant dans une plaine.

Bataille d'Azincourt. Illustrierte Geschichte der Kriegszüge im Mittelalter, H. W. Koch.

numérique de son armée, il choisit pour champ de bataille une étroite clairière, d'environ 900 mètres, encadrée par deux bois, entre Azincourt et Tramecour.

Mais l'étroitesse du terrain ne permet pas à la cavalerie française de se déployer et rend toutes manœuvres presque impossibles. Ce qui n’empêche pas la noblesse française, impétueuse mais indisciplinée, de s’entasser dans la petite plaine, où, lourdement armée, elle s’enlise sur un sol détrempé par la pluie battante. Enfoncé dans la boue, les Français sont criblés de flèches par les archers anglais et gallois. De plus, les charges isolées de la chevalerie française se brisent sur la ligne de pieux dressées par les Anglais.

Des conséquences désastreuses

Ce combat se résulte par une véritable hécatombe dans les rangs de la noblesse française. Le nombre de combattants varie beaucoup, selon les ouvrages, mais on s’accorde souvent sur environ 10 000 morts du coté français. Parmi eux se trouvent les deux frères du duc de Bourgogne, le connétable d’Albret, mais aussi Le Gallois de Fougières, considéré comme le premier gendarme mort au combat.

Portrait d'un homme tourné de trois-quart portant une coiffe moyennageuse.

Enguerrand de Monstrelet, portrait, gravure sur cuivre. Archives départementales du Pas-de-Calais, 4 J 474/64.

Cette bataille signe incontestablement la fin de l'ère de la chevalerie, et le début de la prépondérance des armes à distance. Des familles entières de la noblesse française furent décimées et le royaume de France, privé de nombreux cadres administratifs et militaires, s’est trouvé considérablement affaibli, durant de nombreuses années. Fort de ses victoires, Henri V est reconnu comme héritier du royaume de France, par le traité de Troyes ratifié le 21 mai 1420.

Un témoignage sorti des flammes

Les archives départementales du Pas-de-Calais ne possédant plus aucun document relatif à cette bataille, ont tenté de combler ce déficit par l’acquisition de nombreux ouvrages sur le sujet et de quelques revues militaires de l'époque [ note 1].

Pourtant, avant l'incendie du Palais Saint-Vaast des 5 et 6 juillet 1915, les archives devaient certainement être riches de quelques documents se rapportant à la bataille d'Azincourt et à ses conséquences. Toutefois, grâce aux archivistes Alexandre Godin et Jules-Aimé Cottel [ note 2] d'une part et Henri Loriquet [ note 3] d'autre part, toutes les informations n'ont pas été perdues. Ainsi, les informations contenues dans le 33e feuillet d'un registre du XVe siècle [ note 4] détruit en 1915 ont pu renaître de leurs cendres, en rapprochant le début de la retranscription publiée en 1875 et la fin de celle-ci publiée en 1889.

Il s'agit de la retranscription d’un plaidoyer, datant du 2 décembre 1460, relatif à une querelle de succession soulevée au château comtal d’Arras, par-devant Robert de Marquais, lieutenant du gouverneur de la ville, entre Renauld de Longueval et Collart dit Payen :

Sur ce que ledit demandeur, par vertu de certaines lettres du Roy nostre sire, par lui impétrées, avoit fait faire commandement de par icellui seigneur auditM. de Beauffort et Mathelin que ils se désistaissent et départissent, c’est assavoir ledit seigneur de Beauffort de la terre et signourie de Bienviller et ledit Mathelin de la terre et signourie de Fauconviller et des appartenances, et que d'icelles ils laissent, souffreissent et laissassent, chacun en droit soy, ledit demandeur joir et possesser [ note 5], comme de son propre et vray héritaige, et pour y obtenir disoit ledit demandeur que deffuncts M. Jehan, signeur de Longueval, son père, et messire Alain de Longueval, furent frères germains neez et procréez d'un père et d’une mère en léal mariage lequel feu messire Alain de Longueval au jour de son trespas, estoit signeur des terres et signouries de Bienviller et Fauconviller desquelles il est question, et que, en l'an mil CCCC XV, iceulx frères messire Jehan et Alain de Longueval alerèrent à le bataille d’Aisincourt, ou service de feu [de] noble mémore le roy Charles derrain trespassé [ note 6], pour l’expédicion de la chose publicque, à l’encontre des Englois, anchiens ennemis et adversaires de ce royalme ; à laquelle journée ledict feu messire Jehan, signeur de Longueval, avoit esté en la bataille en la compagnie de feu monseigneur le conte de Marle, et ledit messire Alain en l'avangarde, en la compagnie de deffunct monseigneur de Wavrin.

Or estoit-il vray que paravant le jour de la bataille la manière de combatre lesdis Englois avoit esté préveue par pluiseurs signeurs et gens de guerre de ce royalme, come par messire Ghicart d’Offin, le baron d’Ivry et aultrez, qui, par deux fois, avoient esté vers monseigneur le duc de Bourgongne, lors conte de Charollois [ note 7], adfin qu'il lui pleust estre à ladicte journée.

Et, dès lors, estoit ordonné quelz signeurs seroient en l'avangarde, quelz en la bataille et quelz en l'arrièregarde, en quel lieu et comment lesdis Englois devoient estre combatus, et que ainsy que il avoit esté propposé il avoit esté fait. Car, combien que ce fust le plaisir de Dieu que la journée et victore fût pour les ennemis, toutesfois du costé des signeurs de France y avoit eu très bonne ordonnance de avangarde, bataille et arrièregarde ; lequelle avangarde estoit de le trait d’un arcq ou environ devant ladicte bataille, comme ce avoit esté et estoit bien sceu tant par roys d’armes [ note 8], hiraulx et poursuians, comme par aultres qui de ladicte journée scavoient parler.

Disoit oultre ledict demandeur que ladicte avangarde, en laquelle estoit ledict feu messire Alain, avoit esté ruée jus [ note 9] et ceulx qui estoient en icelle, qui depuis n'avoient esté veux vifz par grant intervalle de tampz avant la bataille, et par ainsy n’estoit point à doubter que ledict messire Alain y estoit mort, car depuis il n'avoit esté veu ne sceu mémore de lui, et ledict messire signeur de Longueval avoit esté veu vif par grant intervalle de tampz aprèz ladicte avangarde ruée jus et ceulx qui y estoient mors et descousus [ note 10]...

Ainsi, ces transcriptions à nouveau assemblées, se révèlent être une source vraisemblablement fiable, malgré les 45 ans qui la sépare des événements. Nous pouvons aisément imaginer qu’un tel désastre soit resté vif dans les mémoires des descendants directs des chevaliers morts au combat. Elles peuvent donc se révéler utiles, pour la compréhension de cette invraisemblable défaite.

Notes

[ note 1] Voir les cotes 1 J 1579/1-3, 1 J 2200 et 1 J 2315.

[ note 2] Inventaire-sommaire de la série B, 1875.

[ note 3] Note publiée dans le premier tome du Bulletin de la Commission des monuments historiques, en 1889 (pp. 95-96).

[ note 4] Document, à l’origine, côté B 852.

[ note 5] Jouir et posséder.

[ note 6] Charles dernier trépassé, c’est-à-dire, le roi Charles VI. Son fils Charles VII, régnait encore lors de la rédaction de ce document.

[ note 7] Il s’agit de Philippe le Bon, alors comte de Charolais (titre de l’héritier du duché de Bourgogne).

[ note 8] Les rois d’armes étaient les hérauts qui supervisaient les marches d'armes.

[ note 9] Avait été précipité par terre.

[ note 10] Désordonnés.

Bibliographie

  • CONTAMINE P., Azincourt, Paris, Julliard, 1964. Archives départementales du Pas-de-Calais, BHA 1396 
  • LOISNE A. de, La bataille d'Azincourt d'après le manuscrit inédit du château de Tramecourt, Paris, Imprimerie nationale, 1898. Archives départementales du Pas-de-Calais, BHB 715/6 
  • LORIQUET H., "Note historique recueillie sur la bataille d’Azincourt", Bulletin de la Commission des Monuments historiques du Pas-de-Calaist. I, 1889, p. 95-96 
  • GODIN A., COTTEL J.-A., Inventaire-sommaire de la Série B, 1875