Archives - Pas-de-Calais le Département
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Fête à l’hôpital anglais de Wimereux

Les Britanniques créent, tout au long du conflit, une soixantaine de formations sanitaires dans le Pas-de-Calais. Les Base Hospitals, hôpitaux installés dans les villes côtières comme Étaples, Boulogne-sur-Mer, Calais ou Wimereux, reçoivent les blessés acheminés depuis les champs de bataille des Flandres et de l’Artois. Dès leur arrivée en 1914, les Britanniques qui ont reçu un accueil enthousiaste de la part de la population française, se montrent prévenants avec les habitants et les associent régulièrement à des manifestations festives ou caritatives.

En marge des centres logistiques portuaires, une immense zone composée d’une cinquantaine de centres sanitaires s’organise sur le littoral du Pas-de-Calais (Calais, Wimereux, Boulogne, Camiers, Étaples...). Alors que les blessés sont soignés dans les hôtels, les convalescents prennent du repos sous des tentes.

Les cimetières militaires de Wimereux et de Wimille témoignent de l’existence de ces bases sanitaires situées à l’arrière, à proximité du port de Boulogne-sur-Mer. Tous deux sont très liés puisque lorsque le cimetière de Wimereux n’était plus en capacité d’accueillir les nombreux corps des soldats morts des suites de leurs blessures, un autre cimetière a été ouvert, à Terlinchtun.

Parmi les 2 847 tombes du Commonwealth que compte aujourd’hui le cimetière de Wimereux, on trouve notamment celles de plusieurs infirmières qui rappellent l’important centre hospitalier qu’a été cette station balnéaire pour l’armée impériale britannique au cours de la Grande Guerre. En effet, en 1917, pas moins de dix hôpitaux y ont fonctionné pour accueillir les blessés du front et les soldats malades. Les hommes qui ne se remettent pas de leurs blessures sont inhumés dans le cimetière communal de Wimereux jusqu’en juin 1918, date à partir de laquelle, faute de place, un nouveau cimetière est ouvert à Wimille, le Terlincthun British Cemetery.

Dans le cimetière de Wimereux, près de la Croix du Sacrifice, une tombe se distingue : il s’agit de celle du lieutenant-colonel, et poète, John McCrae. Mobilisé en tant que médecin dans le secteur d’Ypres, il y apporte assistance aux soldats blessés lors de la seconde bataille d’Ypres en avril et mai 1915. Lors des combats, il perd l’un de ses amis proches enterré à la hâte dans un cimetière de fortune. C’est à la vue de ce cimetière qu’il compose son célèbre poème In Flanders Fields. Au lendemain de la guerre, le poème rencontre un vif succès et contribue ainsi à l’adoption du coquelicot, désormais considéré comme la fleur du souvenir dans l’ensemble de l’Empire britannique.

Au champ d'honneur, les coquelicots
Sont parsemés de lot en lot
Auprès des croix; et dans l'espace
Les alouettes devenues lasses
Mêlent leurs chants au sifflement
Des obusiers.

Nous sommes morts,
Nous qui songions la veille encor’
À nos parents, à nos amis,
C'est nous qui reposons ici,
Au champ d'honneur.

À vous jeunes désabusés,
À vous de porter l'oriflamme
Et de garder au fond de l'âme
Le goût de vivre en liberté.
Acceptez le défi, sinon
Les coquelicots se faneront
Au champ d'honneur.

WIMEREUX - Brillante fête à l’hôpital anglais n° 8 – Bel exemple à suivre

Quelle belle cérémonie se déroula samedi dernier, après-midi, tout près de Wimereux, dans un paysage tout illuminé des reflets d’une mer ensoleillée, où la tonicité de l’air et toutes ses effluves généreuses viennent achever rapidement la guérison des blessés de nos braves alliés !

C’est là, en effet, à l’hôpital anglais n° 8, où tentes et baraquements sont alignés au cordeau, où l’art et la science médicales président si admirablement au fonctionnement des divers services, qu’une grande fête en faveur de nos chers blessés et de ceux de nos amis, avait lieu.

L’honorable directeur général du service de santé des forces militaires britanniques du corps expéditionnaire, M. Sawyer, avait convié les autorités militaires françaises, notre service de santé que représentaient MM. les médecins principaux Houillon, nouvellement arrivé à Boulogne, et Tedeschi, sans parler des autres chefs de services de santé de la Place.

L’éclat de cette cérémonie patriotique était rehaussé par l’éclat de la présence et par la présidence de S.A. la princesse Schleswig-Holstein, cousine germaine du roi d’Angleterre, de la comtesse Dudlay, dont le mari fut gouverneur de l’Australie, et fondatrice de l’hôpital australien de Wimereux, puis de Lady Hadfield également fondatrice d’un hôpital américain à Wimereux.

À 2 heures, de grands chars automobiles amenaient les blessés anglais et français, valides et ceux transportables, de tous les hôpitaux de Boulogne, qui furent placés en un vaste cercle autour de la tente quasi-royale, où le thé allait être servi.

À son tour, l’excellente fanfare du 5e territorial prenait place au milieu de ce cercle, et allait nous faire entendre les morceaux les mieux choisis de son répertoire.

Dans ce cadre imposant et majestueux à la fois, l’allégresse ne tardait pas à régner, tous les blessés semblaient humer avec joie les effluves de la mer bleue, caressantes comme un souffle de lèvres amies.

Le gouverneur de Boulogne, M. le colonel Daru, faisait bientôt apparition accompagné d’un officier d’ordonnance et du capitaine Robert qui a déjà acquis de si vives sympathies à Boulogne.

Soudain, l’hymne anglais retentit, saluant l’arrivée de S.A. la princesse de Schleswig-Holstein, escortée d’une nombreuse suite, et à qui M. le gouverneur alla aussitôt présenter ses hommages, puis tous les invités prirent place sous la tente.

La "Marseillaise", brillamment exécutée, soulève l’enthousiasme que l’on devine, puis le programme aussi artistique que merveilleusement exécuté par une pléiade d’artistes de tout premier ordre qui recueillirent des applaudissements aussi mérités que chaleureux. L’audition de la très populaire composition "La France en marche" de M. Waële, paroles de U. F. Vieux, enlevée avec un trio parfait, par la chorale et la fanfare, sous la direction de son distingué chef, M. Martin, recueillit des applaudissements nourris et fort bissés.

Vers 5 heures, cette petite fête prenait fin.

Les blessés, heureux du régal artistique qui venait de leur être offert, les poches bourrées de cigarettes et de friandises destinées à leurs camarades moins ingambes quoique non oubliés par la direction, remontaient dans les superbes voitures qui les avaient amenés et regagnaient leurs hôpitaux respectifs.

Les invités peu à peu s’essaimèrent avec les hautes personnalités civiles et militaires, commentant favorablement la superbe audition à laquelle ils venaient d’assister et M. le gouverneur, accompagné de M. le capitaine Robert et de son officier d’ordonnance, reprit en auto le chemin de Boulogne.

De tels spectacles sont réconfortants pour tous et nous devons remercier les autorités anglaises de nous avoir permis d’en être les heureux témoins.

SPECTATOR

La France du Nord, mardi 24 août 1915. Archives départementales du Pas-de-Calais, PG 16/92.