Wingles pendant l'occupation : récit de M. le curé
Le régime de la terreur
Les Allemands sont arrivés à Wingles dans la nuit du 9 octobre 1914. Leur premier souci fut d’arrêter et d’emmener tous les hommes, y compris les vieillards de 75 à 80 ans. C’est ainsi que mon père et ses compagnons de captivité furent enlevés de force et conduits sous bonne escorte jusqu’à Douai. Là, après un examen sommaire, on envoya en Allemagne ceux qui pouvaient rendre encore quelque service, les autres furent laissés libres.
Cette première captivité ne dura que six jours. Elle avait pour but d’effrayer les hommes, car ils furent avertis qu’au premier signe de révolte, ils seraient tous fusillés. En réalité, les menottes, l’eau et le pain sec, les longues marches à pied, furent les seules souffrances… C’était déjà beaucoup pour des infirmes et des vieillards…
Le siège des caves
La grande préoccupation des Allemands fut ensuite de vider les caves. L’opération fut faite avec beaucoup de soin et pendant plusieurs jours ce ne furent que libations et orgies. Les soldats roulaient lamentablement dans les maisons, dans les pâtures et sur la voie publique
Les Allemands collectionneurs
Quand ils furent remis de leur ivresse, ces messieurs visitèrent à nouveau les maisons, prenant tout ce qui leur plaisait : services en argent, étain, bibelots, tableaux, antiquités. À ceux qui protestaient, ils offraient de l’argent ou disaient simplement : "Souvenir de guerre". Des caisses entières prirent ainsi la direction de l’Allemagne.
Le culte à Wingles
Le culte n’a jamais cessé d’être célébré. Monsieur l’abbé Avrillon disait la messe à 7 heures pour la population civile. Puis un aumônier, religieux capucin portant la bure, célébrait les offices pour les soldats catholiques. De temps en temps, un pasteur venait de Meurchin donner le prêche à ses correligionnaires. Pendant la messe de l’aumônier catholique, on faisait de la musique, on prêchait, et il n’était pas rare de voir des soldats s’approcher de la Sainte Table. Les cloches de Wingles sonnaient comme autrefois, mais pas seulement pour les offices. Souvent, on leur faisait chanter les victoires – vraies ou fausses – des armées allemandes sur les Russes et les Français.
[texte censuré]
Calme de la population
À part deux ou trois exceptions, la population fut digne et calme. Les femmes lavaient le linge des soldats et leur travail était rétribué ; les enfants allaient à l’école.
Pas d’atrocités à signaler.
Une seule fois, une dame vénérable subit les outrages d’un insolent ; celui-ci eut été… sur le champ sans l’intervention de la malheureuse femme. Un docteur allemand qui logeait au presbytère, visitait les malades – gratuitement – et ne craignait pas de se lever la nuit quand on l’appelait.
Telle fut la vie à Wingles du 9 octobre 1914 au 15 septembre 1915. À cette date, commença le bombardement de la cité. Les obus tombaient jour et nuit. La vie devenait impossible, la population fut évacuée vers M[a]rchiennes et Cambrai le 30 du même mois. L’église, alors, n’avait encore reçu qu’un obus, mais la fosse était détruite, la métallurgie sérieusement endommagée et les maisons particulièrement ruinées par centaines.
L’œuvre de destruction continue et rien sans doute ne restera de ce qui fut hier un centre de travail et d’industrie.