Reclinghem, route de Dohem, Mille ans d'histoire d'une occupation agricole
Des fouilles archéologiques ont été réalisées sur 6800 m² au lieu-dit "Le Village" à Reclinghem, avant un projet de lotissement. Elles ont révélé une occupation humaine presque continue du Moyen Âge à l'époque contemporaine.
Crédits : CD62 /DirCom /DA.
Un premier village médiéval lié à une motte castrale
La première véritable occupation du site remonte aux 10ième-11ième siècles, au début du Moyen Âge. Un réseau de fossés délimite des parcelles dans lesquelles ont été construits plusieurs grands bâtiments en bois, probablement des maisons-étables, ainsi que des greniers et fosses dépotoirs. Cet ensemble constitue sans doute un premier village, peut-être lié à l'établissement d'une motte castrale à proximité.
Remaniements de l'espace aux 11ième-13ième siècles
Entre la seconde moitié du 11e siècle et le 13e siècle, l'organisation de l'espace est totalement modifiée. Les bâtiments sont remplacés par de nouveaux réseaux de fossés formant des enclos. L'un d'eux semble avoir servi à stocker une meule de foin. L'habitat se déplace probablement vers l'est, en direction du cœur actuel du village.
Un colombier et une ferme à partir du 14ième siècle
Après une phase d'abandon, le site est réoccupé un peu plus au sud à partir du 14ième siècle. Deux bâtiments successifs, interprétés comme des colombiers, sont construits. Des fondations découvertes à proximité pourraient appartenir à la ferme qui les exploitait.
Une ferme typique du Nord aux époques moderne et contemporaine
À partir de l'époque moderne, une ferme s'installe à l'extrémité sud de la zone fouillée. Quatre bâtiments d'habitation et agricoles s'organisent autour d'une cour, selon un plan caractéristique des fermes du Nord de la France. Mentionnée sur le cadastre de 1830, elle subit de nombreuses transformations jusqu'à la démolition récente d'une grande partie des bâtiments. Un chemin, aujourd'hui disparu, la longeait à l'ouest.
Le passage de soldats anglais pendant la Première Guerre mondiale
Des fosses dépotoirs alignées le long de l'ancien chemin ont livré des objets témoignant du passage de soldats anglais à Reclinghem durant la Première Guerre mondiale. Le village constituait sans doute une halte sur la route entre les ports de la Manche et le front de l'Artois.
Fouille de Reclinghem en 2020
Galerie photos
Vue aérienne de la fouille sur le site de Reclinghem.
Les archéologues fouillent des trous de poteaux, vestiges de support des anciens bâtiments.
Vue aérienne des vestiges des trous de poteaux. La disposition des poteaux suggère la présence de deux bâtiments en bois et torchis datant du 10ième siècle. Le premier bâtiment est une habitation familiale possédant un porche. Il est composé de 8 poteaux supportant le toit et 4 poteaux supportant le porche de l’entrée. Le second bâtiment est un grenier surélevé par 4 poteaux pour protéger son contenu des rongeurs.
Les vestiges des fondations en solin de rognons de silex de deux bâtiments en pans de bois et torchis ont été au mis au jour par les archéologues. Les spécificités techniques de ce type de fondation permettent des constructions en pans de bois allant jusqu’à 2 étages et de limiter les effets de l’humidité du sol sur la construction. L’élévation des murs en pans de bois présente l’avantage de construire des murs avec des petites poutres en bois.
L’épaisseur (0,80 m) et la longueur (5 m de côté) des fondations suggèrent que ce bâtiment pouvait atteindre 2 étages et il devait se distinguer par sa taille dans cet environnement rural. Sa fonction est encore à déterminer dans l’état des connaissances actuelles. Néanmoins, les archéologues orientent leurs hypothèses vers un grenier ou une habitation. Ils n’excluent pas l’éventualité d’un pigeonnier.
Le plus modeste des deux bâtiments (3,5 m de côté) avait une fondation en rognons de silex plus fine (0,30 m). Par conséquence, la structure se limite à un rez-de-chaussée et elle ne peut pas soutenir un étage. Les angles du bâtiment sont marqués par une disposition particulièrement dense du solin de rognons de silex par rapport à l’épaisseur des murs. Elles soutiennent les poteaux corniers.
Sur le cadastre napoléonien de 1830, les bâtiments d’un corps de ferme et un chemin sont situés dans l’emprise de la fouille de 2020 (en rouge).
Vue aérienne des vestiges des trois bâtiments du corps de ferme de l’époque moderne représenté sur le plan cadastral napoléonien de 1830. Les vestiges des maçonneries suggèrent la distribution des différents espaces à l’intérieur des bâtiments. La technique du solin de rognons de silex est également utilisée comme pour les bâtiments de la fin du Moyen Âge.
Vue en coupe des vestiges du chemin représenté sur le plan cadastral napoléonien de 1830.
Vestiges de munitions, de boites de conserves et de bouteilles en verre datant de la Première Guerre mondiale. Ces vestiges ont été retrouvés entre le chemin et le corps de ferme disparu. Lors d’une étape entre la côte d’Opale et le front de l’Artois, les soldats britanniques ont enterré leurs déchets avant de repartir.
Une occupation dense du 10e au 21e siècle à Reclinghem
Cette fouille apporte un nouvel éclairage sur l'histoire du village de Reclinghem, mentionné dans les textes dès 828. Elle atteste l'existence d'une communauté paysanne dès le haut Moyen Âge, probablement sous le contrôle d'un pouvoir seigneurial. Son évolution reflète les mutations de l'habitat rural et des pratiques agricoles au fil des siècles. Ces découvertes contribuent ainsi à la connaissance des campagnes du nord de la France au Moyen Âge et à l'époque moderne.