Émilienne Moreau-Évrard est née le 4 juin 1898 à Wingles. Sa famille s’installe en juin 1914 à Loos-en-Gohelle où son père, ancien mineur, a pris la gérance d’une épicerie-mercerie-bonneterie. Elle a 16 ans lorsqu’il meurt en 1914, victime des privations.
La ville est alors occupée par les troupes allemandes. Son frère meurt au combat un peu plus tard. En février 1915, les autorités allemandes ordonnent à Émilienne, qui avant la guerre voulait devenir institutrice, d’ouvrir une école improvisée dans une cave pour faire la classe aux enfants de Loos. Mais traumatisée par la mort de ses proches et souhaitant venger leur mémoire, l'engagement de la jeune fille va outrepasser ces simples fonctions d'institutrice...
"L'héroïne de Loos"
Le 25 septembre 1915, les troupes britanniques, les Highlanders écossais du 9th Black Watch, préparent une attaque. Émilienne, qui a repéré les casemates des occupants, va à leur rencontre, les prévient d’un piège tendu par les Allemands et leur donne des informations sur les positions ennemies.
L’offensive est lancée. La maison des Moreau est transformée en poste médical. Durant vingt-quatre heures, Émilienne seconde un médecin écossais, aide à transporter les blessés et donne les premiers soins. Elle participe également aux combats, abattant quatre soldats ennemis. Finalement, la ville est reprise aux Allemands. Émilienne Moreau devient, à 17 ans, "l'héroïne de Loos" et est citée à l'ordre de l'armée par le général Foch.
Cet exploit, très rare à l’époque, est très mal perçu par les Allemands qui ne tolèrent pas que des civils puissent se battre contre des soldats. La convention de La Haye de 1907 interdisait d’ailleurs aux civils de prendre les armes.
Émilienne sera tout de même décorée de la croix de guerre (non pas pour avoir tué des ennemis, mais pour avoir protégé des soldats) sur la place d’armes de Versailles le 27 novembre 1915. Sa tête est mise à prix par les Allemands qui menacent de fusiller tout civil pris les armes à la main si la cérémonie se tient aux Invalides.
Elle est reçue par Raymond Poincaré à l’Élysée et par le roi George V à Londres. Elle reçoit la Military Medal, la Royal Red Cross, ainsi que l’ordre de Saint John of Jerusalem, décoration qui n’est attribuée à une femme que de manière très exceptionnelle.
Contactée par le journal Le Petit Parisien, elle s’installe à Versailles et commence la rédaction de son histoire. Les Mémoires d’Émilienne Moreau, l’héroïne de Loos paraîtront de décembre 1915 à janvier 1916. On utilise alors son image à des fins patriotiques. Des photos d’elle sont même distribuées aux soldats sur le front.
De son côté, Émilienne passe son brevet supérieur et devient institutrice. Elle termine la guerre comme enseignante dans une école parisienne. De retour dans le Pas-de-Calais après l’armistice, elle devient une militante socialiste et épouse en 1932 Juste Évrard, responsable fédéral du Pas-de-Calais. Ensemble, ils auront deux enfants. Plus tard, elle devient elle-même secrétaire de la commission féminine socialiste.
Résistante durant la Seconde Guerre Mondiale
En 1940, le Pas-de-Calais est à nouveau occupé. Bien que mise en résidence surveillée par les Allemands, Émilienne entre en résistance aux côtés de son mari. Elle rejoint les réseaux Brutus et Libération Nord avant de gagner la région lyonnaise où Juste Évrard, arrêté puis libéré en 1942, s’est réfugié.
Entrée en clandestinité, elle utilise plusieurs pseudonymes : Jeanne Poirier ou Émilienne la Blonde. Traquée par les Allemands, elle échappe plusieurs fois à l'arrestation et parvient à rejoindre Londres en 1944.
De retour en France, elle est une des six femmes à être faites compagnon de la Libération par le général de Gaulle. Par la suite, elle est élevée à la dignité d’officier de la Légion d’honneur et décorée de la croix de guerre 1939-1945 ainsi que de la croix du combattant volontaire de la Résistance. La paix revenue, elle continue à militer et devient membre du comité directeur du parti socialiste de 1945 à 1963. Elle meurt le 5 janvier 1971 à Lens.