C’est par le témoignage publié par l'abbé Campagne, curé de Loos-en-Gohelle, durant la Première Guerre mondiale que nous apprenons l’arrivée de la cavalerie allemande dans le village, le 4 octobre 1914.
Après cette invasion, de nombreuses familles ont préféré le chemin de l’exil et Loos s’est peu à peu vidée de ses habitants, pour bientôt se transformer en théâtre de sanglants combats.
Le funeste plan de bataille des Alliés
À la suite de la conférence de Calais du 6 juillet 1915, Français et Britanniques se sont engagés à coordonner désormais leurs actions militaires, en espérant rencontrer le succès.
Joseph Joffre est convaincu qu’un effort sur la région de Lens-Arras serait décisif pour l’issue de la guerre. Lord Horatio Kitchener, secrétaire d’État britannique de la Guerre – le seul homme politique à avoir été persuadé dès l’origine de la longueur du conflit, et qui a en conséquence levé une armée de volontaires et de territoriaux –, ordonne au général John French de se mettre, lui et ses hommes, à disposition du général français.
En août 1915, les plans d’attaque de ce qui deviendra la bataille de Loos sont arrêtés. La situation, dans ce secteur, est stabilisée : les Allemands occupent le centre du village, avec le puits de la fosse 15 comme point stratégique, surnommé "Tower Bridge" pour sa ressemblance, réelle ou supposée, avec le monument londonien ; les Britanniques sont disposés en face, et s’appuient sur le terril de la fosse 5 de Loos.
Les difficultés, elles, sont bien là : au nord, le terrain est plat, ce qui va laisser aux ennemis tout loisir de voir les troupes alliées arriver ; près d’Auchy-les-Mines, la dénivellation est fortifiée par les Allemands ; les tranchées allemandes d’Hulluch sont surélevées ; Loos, enfin, est une cuvette, dont la côte verrouille la sortie. Les Alliés sont conscients que les pertes seront nombreuses et que les premiers à attaquer y laisseront la vie.
Les cornemuses écossaises pour jouer la marche funèbre
Les opérations sur Loos débutent le 20 septembre, les obus font trembler la terre, mais c’est à compter de la nuit du 25 que les combats s’intensifient. Vers 6 h du matin, les gaz de combat sont utilisés pour la première fois par les Britanniques ( après les Allemands le 22 avril, à Ypres) : le chlore ne se diffuse pas comme prévu, notamment à cause du vent et des dénivellations du terrain, et finit par empoisonner les Alliés eux-mêmes.
C’est sous une pluie battante que les combats ont lieu. Le curé de la paroisse de Loos parle de l’enfer ; obus, feux de salve, de mitrailleuses, grenades s’abattent sur le village. Les Écossais attaquent au son de la cornemuse, Scotland the brave est joué pour leur donner du courage. De nombreux bataillons disparaissent en totalité : en raison de la rapidité avec laquelle il a fallu les organiser, certains sont composés exclusivement d’étudiants venus d’universités prestigieuses : l’Écosse ainsi, perd en quelques minutes, ses jeunes hommes les plus prometteurs.
Après avoir soigné les siens, l’armée britannique s’occupe également des soldats allemands blessés, forcée en quelque sorte par ses propres recrues, plusieurs officiers anglo-saxons, fils de juifs allemands naturalisés avant guerre, ayant sollicité l’autorisation d’aider ces cousins-ennemis.
À 8 h du matin, le 25, Loos tombe aux mains des alliés, Anglais et Écossais ; les Allemands se retirent et quittent le centre du village ; c’est l’accalmie, même si des snipers allemands, toujours présents dans les étages des maisons, se battent jusqu’à leur capture. Dans le tableau cauchemardesque de Loos en ruines, Émilienne Moreau, l’héroïne de la ville, descend du toit de l’école communale où elle s’était réfugiée, en dépit du danger, afin de servir à boire aux soldats britanniques.
Les Britanniques, épuisés, en oublient de défendre certains quartiers de Loos, qui sont aussitôt réinvestis par les Allemands. Du 26 au 30 septembre, ceux-ci bombardent sans aucun répit. Le matin du 26, à 9 h et 11 h, débute un nouvel assaut britannique. Les combats sont, de part et d’autre, une véritable boucherie. Le 28, le général French annonce, par télégraphe, à son homologue français que ses réserves sont épuisées. Les échecs des offensives, lancées des deux côtés jusqu’au 30, sonnent la fin de la bataille de Loos ; chacun campera désormais sur ses positions.
Une boucherie qui ne sonne finalement pas le glas du conflit
Le bilan humain est lourd pour tous les belligérants. Les Britanniques font le compte de 15 800 tués ou disparus et de 34 580 blessés ou gazés ; les Allemands, quant à eux, dénombrent 5 000 tués ou disparus et 14 500 blessés ou gazés.
Loos a extrêmement souffert, toutes les maisons sont rasées, l’église n’est plus qu’un tas de briques. 4 % du territoire loosois reste aux mains allemandes : le front stabilisé ne bougera plus avant le 17 août 1917, date à laquelle les Canadiens libèrent Loos, malgré là encore de lourdes pertes.
Cet épisode majeur de la Première Guerre mondiale que constitue la bataille de Loos est aujourd’hui encore omniprésent sur le terrain. Le 14 mars 2014, vingt soldats britanniques, dont les corps avaient été retrouvés à l’emplacement du Bois Rasé, lors des travaux de construction de la prison de Vendin-le-Vieil, ont été inhumés dans le Loos British Cemetery. Ils avaient trouvé la mort les 25 et 26 septembre, 99 ans auparavant.