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Décès de François Calot, le chirurgien orthopédiste qui fit la renommée de Berck-sur-Mer

Un jeune et brillant chirurgien

Jean-François Calot est né le 17 mai 1861 à Arrens (Hautes-Pyrénées), cinquième enfant de cultivateurs assez aisés, Dominique Calot et Jeanne-Marie Merceré. Reçu au baccalauréat en 1880, il monte faire médecine à Paris en 1881 et travaille comme répétiteur à l’école Fénelon pour payer ses études.

Élève brillant de la faculté de médecine, il est prosecteur et étudie l’anatomie et la dissection sous la direction d’un chef des travaux pratiques novateur, Louis-Hubert Farabeuf (1841-1910). Il est reçu 9e sur 52 au concours d’internat en 1887.

Photographie noir et blanc du docteur François Calot assis derrière son bureau.

Le Docteur Calot, carte postale, édition Maison Ch. Bresson « À Jeanne d’Arc », 1904-1914. Archives départementales du Pas-de-Calais, 5 Fi 108/426.

Après quelques années aux hôpitaux Saint-Louis et Bichat, François Calot soutient le 12 décembre 1890 une thèse sur une technique mise en œuvre depuis 1882 seulement, De la cholécystectomie (ablation de la vésicule biliaire).

En novembre, grâce à la recommandation de ses professeurs, Just Lucas-Championnière (1843-1913) et Louis-Félix Terrier (1837-1908), pionniers de antisepsie et de l’asepsie, il a été nommé en tant qu’interne à l’Hôpital maritime de Berck-sur-Mer ; il y assure l’intérim du poste de chirurgien-chef, en raison de la maladie du docteur Henri Cazin (qui décède le 7 mai 1891), et y applique leurs méthodes dans le cadre du traitement chirurgical de la tuberculose ostéo-articulaire.

Il pratique en un an près de 1 500 opérations, mais avec une mortalité peu différente de celle de Cazin. Affirmant dès lors qu’ouvrir les tuberculoses, c’est ouvrir la porte à la mort , il se tourne vers des méthodes de traitement plus conservatrices.

Le 10 novembre 1891, il échoue de peu au concours ouvert pour remplacer Cazin, mais obtient la direction de l’hôpital Nathaniel-de-Rothschild, ainsi que celle du dispensaire Henri-de-Rothschild, inauguré le 6 juin 1892 pour les enfants pauvres de la région.
À l’automne, la laïcisation des hôpitaux de la ville de Paris oblige les religieuses franciscaines de l’Hôpital maritime à quitter l’établissement ; elles créent dès novembre l’hôpital Cazin-Perrochaud pour les enfants malades, d’abord dans une petite maison, puis en aménageant le Grand Hôtel (1893-1894), grâce à l’aide financière de la baronne de Rothschild et avec le soutien du docteur Calot, qui en devient le chirurgien-chef.

Celui qui sait redresser les bossus

Le 18 octobre 1894, il épouse Marie Bacqueville, dont il a quatre filles. Doué d’un talent médiatique certain, il devient célèbre en présentant, le 22 décembre 1896, devant l’Académie de médecine, une communication sur la guérison des bossus ; il y décrit trente-sept réductions de gibbosité pottique par une méthode simple :

endormi au chloroforme, le malade est retourné sur le ventre et, pendant que deux ou quatre aides, suivant l’âge et la taille de l’enfant, exercent à la tête et aux pieds des tractions vigoureuses, l’opérateur pèse de tout son poids et de toute sa vigueur sur la bosse jusqu’à ce que la partie déviée de la colonne vertébrale soit rentrée dans l’alignement. Pour consolider l’intervention, qui dure deux minutes environ, un plâtre permet une immobilisation de dix à douze mois.

De Paris à New York, la presse s’en empare aussitôt et relate ces résultats étonnants en l’espace de quelques semaines : Calot est celui qui sait redresser les bossus . Il est cependant fortement critiqué par la plupart de ses confrères, qui lui reprochent ses tentatives hasardeuses, et abandonne une telle méthode dès l’année suivante, tout en poursuivant un redressement plus progressif, à l’aide de tractions et d’appareils plâtrés pour l’immobilisation.

Pour achever le traitement du mal de Pott, Calot met au point une méthode de ponctions et d’injections régulières, consistant à vider l’abcès tuberculeux au moyen de "l’aspirateur Calot", puis à y injecter de l’huile créosotée iodiformée ou du naphtol camphré glycériné. Il développe de même la méthode d’Edville Gerhardt Abbott (1871-1938), un chirurgien de Portland, basée sur une hyper-correction en flexion de la scoliose, maintenue au moyen d’un corset plâtré, et soutient un traitement purement orthopédique de la luxation congénitale de la hanche.

L'orthopédiste de Berck-sur-Mer

Sa renommée internationale, relayée par les caricaturistes, attire à Berck des patients illustres, comme la reine Nathalie de Serbie (qui se convertit au catholicisme dans la chapelle de l’hôpital Cazin-Perrochaud, en avril 1902) ou la grande duchesse de Russie Hélène, épouse du prince Nicolas de Grèce.

Vue en noir et blanc de la rue de Rotschild à Berck-sur-Mer avec au premier plan la maison du docteur Calot.

Berck-Plage. Habitation du Docteur Calot, rue de Rotschild [vue en enfilade de la rue avec au premier plan la maison du docteur Calot, carte postale, éd. L. Courtoisnon, sans date [date manuscrite au recto : 20 août 1908]. Archives départementales du Pas-de-Calais, 5 Fi 108/261.

Toujours grâce à la baronne de Rothschild, Calot peut faire construire en 1900-1902 un établissement hospitalier de luxe pour les enfants de familles aisées, l’institut orthopédique de Berck, devenu institut Saint-François-de-Sales, dont le plan a été confié à l’architecte Joseph-Charles de Guirard de Montarnal (1867-1947).
Il est l’un des premiers en France à disposer de galeries extérieures pour la cure héliotropique, mais aussi à posséder un appareil de radiographie.
D’une capacité initiale de cent lits, l’hôpital atteint les six cents lits en 1939. Des religieuses assurent la gestion des différents services. C’est là que Calot passe la majeure partie de sa vie professionnelle, tout en dirigeant deux autres centres, ouverts avenue Montaigne à Paris (dans l’hôtel du baron de Dampierre) et à Argelès-Gazost dans ses Pyrénées natales.

Il est l’auteur de nombreux articles et communications sur les scolioses, les pathologies de la hanche et l’orthopédie en général, à destination des sociétés et académies chirurgicales du monde entier, mais aussi pour les généralistes et le grand public ; s’y ajoutent une dizaine d’ouvrages depuis 1895 (Le traitement de la coxalgie), dont Les maladies qu’on soigne à Berck (1900) ou Berck.Ses méthodes de traitement et son climat idéal (1914, 5e édition en 1933) et surtout L’orthopédie indispensable aux praticiens (1909, réédité neuf fois jusqu’en 1926).

De 1906 à 1933, il donne à Berck un cours d’orthopédie d’une semaine, destiné aux médecins et étudiants, qui se déroule au mois d’août de chaque année, à raison de cinq heures quotidiennes de démonstrations cliniques et techniques, et de cinq heures d’exercices pratiques. Il attire une centaine de médecins du monde entier.
François Calot participe en outre aux congrès internationaux de médecine et de chirurgie, tels ceux de Moscou (1897), Madrid (1903) et Lisbonne (1906), et préside le jury de la classe de médecine et de chirurgie à l’exposition internationale de Bruxelles de 1910 : il est fait en conséquence chevalier de la Légion d’honneur le 20 octobre 1911.

Médecin de guerre

Pendant la Grande Guerre, François Calot est désigné comme médecin-chef de trois des hôpitaux militaires de Berck. Devenu un expert en traumatologie, il prône une immobilisation des fractures la plus rapide possible et propose d’exécuter des appareils plâtrés fenêtrés dans les ambulances du front, au lieu des extensions et gouttières métalliques, qui sont source de déplacements lors du transport des blessés vers les hôpitaux de l’arrière ; il défend aussi la théorie qu’il ne faut jamais d’amputation, sauf gangrène déclarée, et promeut l’envoi systématique des soldats atteints de tuberculose osseuse dans les hôpitaux marins.

Il publie ainsi dès 1916 Orthopédie de guerre (et physiothérapie) et est promu officier de la Légion d’honneur par décret du 14 février 1921, pour services rendus aux blessés et malades militaires.

Au décès de son épouse Marie Bacqueville en 1934, Calot vend l’institut Saint-François de Sales à une société anonyme, dite société Calot, mais continue à diriger l’établissement jusqu’à sa retraite définitive, en 1941. Il s’installe définitivement au château de Miramont, acheté dès 1906 à Adast (Hautes-Pyrénées), et y meurt le 1er mars 1944.

Immortalisé entre autres par le peintre Albert Besnard (1849-1934), avec un portrait présenté au salon de 1897, François Calot est toujours présent dans les mémoires grâce à l’établissement qui porte son nom.

Bibliographie

  • P. LOISEL, François Calot : sa vie, son œuvre, thèse de médecine, Lille, 1985 
  • Société française d’histoire de la médecine, "Séance provinciale de Berck-sur-Mer (Institut Calot, 26 juin 2004, Vieil-Hesdin, 27 juin 2004)", Histoire des sciences médicales39, numéro 3, 2005 (articles en ligne) :
    • F. CHARLATÉ, "Berck-sur-Mer, station médicale" (pages 267-276) 
    • P. LOISEL, "François Calot. De la guérison des bossus à la création de l’Institut orthopédique" (pages 277-284) 
    • C. MORIN et J.-C. LÉONARD,"Histoire de la chirurgie orthopédique : la bande des quatre" (pages 285-290) 
    • J. GONZALES, "Le mal de Pott avant les antituberculeux : de Pott à Ménard" (pages 291-302) 
    • A. MOUNIER-KUHN et B. SUTTER, "Le traitement de la tuberculose ostéo-articulaire selon les conceptions du docteur François Calot" (pages 303-314)