Dans cette vidéo, qui nous a été transmise par le cabinet généalogique Kerlévéo, Maître Ryssen, ancien notaire d'Ardres évoque les inventions de son prédécesseur, le notaire Constantin Senlecq, dont il conserve les archives.
Introduction
Maître Ryssen : Vous êtes arrivés tout à l’heure, vous avez vu un panneau "Ardres". Arrivés au feu, dans la première rue que vous voyez se trouve une plaque "boulevard Constantin Senlecq". Vous avez tourné et vous êtes arrivés ici sur la place, la petite place à 50 mètres d’ici, vous avez vu une maison avec un escalier, une maison du début du XIXe [siècle], avec une plaque : ici a vécu et est mort Constantin Senlecq, père de la télévision
.
Qui est Constantin Senlecq ? C’est mon prédécesseur. J’étais notaire, ici, lui était notaire dans cette maison dont je viens de vous parler. Constantin Senlecq est né à Fauquembergues en 1842, son père était distillateur de genièvre. Il a fait ses études de droit à Saint-Omer et pendant qu’il faisait ses études à Saint-Omer, il a eu la chance de rencontrer un officier, un colonel qui mangeait dans le même restaurant que lui. Et ce colonel était passionné de galvanoplastie. Il lui a transmis le virus. Et la première invention de monsieur Senlecq, je pense que c’est sa première invention, c’est d’avoir trouvé un vernis que l’on passait sur des végétaux et qui conservait ces végétaux et c’est ce qu’on appelle la galvanoplastie ; c'est-à-dire qu’on met ça dans un bain de cuivre et vous voyez par exemple ici, ce sont des feuilles de lierre avec une patte d’oiseau qu’il avait posé et qu’il a gardé, ce vernis a permis de fixer le cuivre sur les feuilles. Je pense que c’est sa première réalisation.
Le télétroscope
Il s’installe notaire ici à Arles en 1873 et il semblerait, d’après ce qu’on m’a dit et d’après ce qu’il disait aussi, qu’il est intéressé dans une succession en Angleterre et pour se perfectionner en anglais, il s’est abonné à la Scientific american, un journal scientifique américain. C’est dans ce journal qu’il découvre en 1876 que Graham Bell a inventé le téléphone. Alors, il s’est dit Mais ce n’est pas possible, si l’on a pu transmettre le son, pourquoi ne pourrait-on pas transmettre l’image ?
Donc en 1877 lui vient cette idée d’utiliser les particularités du sélénium, il invente ce qu’il a appelé le télestrocope et il dit je ne sache pas que personne n’ait songé avant moi à la construction d’un appareil destiné à transmettre les vibrations de la lumière en 1877 et je crois être fondé à revendiquer la priorité scientifique de cette découverte
. Il a imaginé cela en 1877. Il l'a écrit et l’a transmis à l’académie des sciences en 1879 et son invention (on peut employer le mot quand même) a été transmise à toute la presse scientifique. Poussé par ses enfants, il a fini par déposer un brevet et c’est daté du 22 mai 1907.
L’hélicoptère
Il ne s’est pas arrêté là, il s’intéressait non seulement à la télévision mais aussi à tout. C’était un esprit on peut dire touche-à-tout, [il s’intéressait à] tout ce qui passait dans le monde à ce moment-là. Il a proposé un système de navigation aérienne. Le ballon existait déjà mais il a été précurseur, encore une fois, en inventant ce que j’appellerais l’hélicoptère, et ce n’est pas de moi, d’autres personnes l’ont cité ainsi. Le ballon a un plomb, en-dessous se trouve une hélice ascensionnelle et sur le côté une hélice directionnelle. Les hélicoptères d’aujourd’hui ont ces deux hélices, une qui élève et une qui dirige. Nous sommes alors en 1886.
La "cloche"
Il vivait avec son temps, il se tenait informé et c’est vrai qu’une de ses autres inventions, qui est tout à fait remarquable, montre son intérêt pour des situations délicates. Au large de Calais en mai 1910, un sous-marin a été accroché par un navire de surface et a coulé au fond de la mer avec ce qui est devenu le cercueil des marins. Alors monsieur Senlecq, ému par cette situation, a imaginé le système qu’aujourd’hui on appelle la cloche pour redescendre et chercher les marins. Il écrivait ceci Appareil de sauvetage proposé à Monsieur le ministre de la Marine par Constantin Senlecq à Arles. Le terrible accident survenu au submersible Pluviôse m’a suggéré l’idée d’appareils destiné à sauver les vies de l’équipage en détresse. J’ai l’honneur de soumettre à Monsieur le ministre de le marine les deux systèmes que j’ai imaginé, heureux si je puis être utile à mon pays.
L’or et l’argent dans la circulation monétaire
Les bureaux de notaire sont souvent encombrés de dossiers, un peu partout. Il y a des notaires très vertueux qui réussissent à avoir un bureau tout à fait dégagé (je n’étais pas de ceux-là), mais toujours est-il que monsieur Senlecq, lui, n’avait pas, son bureau tout à fait dégagé d’autant qu’il y avait, paraît-il, sur son bureau beaucoup d’autres choses que des dossiers de clients, des calculs, des dossiers de recherches, etc. Donc à un moment le notariat ne l’intéressait plus, il faut dire qu’il passait tellement de temps ailleurs qu’on peut comprendre que le notariat ait fini par l’abandonner. Il est devenu conseiller en gestion de patrimoine. C’est l’occasion de dire que les notaires d’aujourd’hui sont conseillers en gestion de patrimoine, on a créé notre structure qui s’appelle […] en gestion de patrimoine. C’était un notaire qui n’était pas en avance puisqu’à l’époque les banquiers ne faisaient pas du tout le même métier qu’aujourd’hui. Il s’intéresse donc tout particulièrement à la finance et il va plus loin. Il écrit un livre "L’or et l’argent dans la circulation monétaire. Le monométallisme or, cause prépondérante de la ruine agricole et industrielle, par Constantin Senlecq, 1895".
Conclusion
En 1966, lorsque la maison de la radio a été inaugurée et qu’on a mis l’ensemble des personnes qui avaient contribué à la réalisation de la télévision, on voit monsieur Senlecq qui est, je l’ai vu moi-même, la deuxième personne citée après un prêtre dont je ne me souviens plus très bien le nom. Donc on peut dire qu’aujourd’hui il est incontestable que monsieur Senlecq soit reconnu comme étant l’un de ceux qui a pensé et réalisé la possibilité de transmettre l’image. Mais malheureusement, lorsque la télévision s’est réalisée, il était encore vivant puisqu’il il est décédé en 1934, mais il était aveugle. Si bien que devenu aveugle, est-ce-que ce sont toutes ses recherches, toutes ses inventions en quelque sorte qui ont fatigué ses yeux ? Toujours est-il qu’il est devenu aveugle et n’a pas pu voir la télévision. C’est malheureux. Un notaire, non seulement est celui qui met la paix dans les familles, qui transmet le patrimoine, etc. Mais monsieur Senlecq a transmis autre chose que le patrimoine puisqu’il a transmis l’image.
Remerciements à Francis Ryssen, président de l’Association Nationale des Notaires retraités, ancien membre du bureau du Conseil Supérieur du Notariat.
Réalisation Nep TV
Production Cabinet généalogique Kerlévéo
mars 2009
Autres parutions disponibles :
- Eugène Lebigre (1807-1887) "Notaire et bibliophile à Lille"
- François Havet "Un notaire dans la Résistance"
- Maître Bernard Lenouvel "La passion d’un Notaire"