Pour supporter l’enfer du front ou tromper l’ennui, les soldats utilisent la musique comme un exutoire. Très vite, le divertissement des troupes fait l’objet d’une attention particulière de la part de l’administration militaire et des œuvres de bienfaisance.
L’organisation de ces distractions musicales comprend la fabrication par les soldats d’instruments de fortune, à partir des matériaux trouvés sur le terrain, et la mise en place de campagnes de dons ou d’échanges de matériel musical au front, comme les partitions et instruments sollicités par le Touring-Club dans l’article qui suit.
Pour distraire les troupes et les blessés, des concerts et des spectacles sont en outre régulièrement programmés dans les zones de cantonnement mais aussi à l'arrière, avec des programmes mélangeant œuvres du grand répertoire arrangées pour les orchestres militaires et musiques de divertissement.
Quelques artistes célèbres viennent divertir les soldats à l’arrière des lignes dans des théâtres de fortune, certains se produisant parfois même au péril de leur vie.
On dit que la musique adoucit les mœurs…et les douleurs… Toujours est-il que durant cette terrible guerre, elle va permettre aux soldats d’oublier l’horreur des tranchées et la violence des combats l’espace de quelques notes.
Des Musiques pour nos soldats
De tous les points du front nos soldats demandent des instruments de musique. Ils en ont besoin, surtout aux cantonnements de repos. La musique leur apportera une saine distraction, un grand réconfort moral, de l’ardeur et des forces pour des attaques nouvelles.
Avec l’assentiment et les encouragements du haut commandement, il s’agit, d’une part, de fournir aux corps de réserve et aux régiments de nouvelle formation 355 fanfares, et d’autre part, aux détachements isolés, des violons, flûtes, mandolines, guitares, même des accordéons et des partitions.
Le Touring-Club de France qui a créé l’ "Œuvre du Soldat au Front" ; l’œuvre "Pour le Front", que dirige la comtesse Joachim Murat ; la Ligue française, que président M. Ernest Lavisse et le général Pau ; la Ligue des patriotes, que préside M. Maurice Barrès, se sont mis d’accord pour demander à tous les Français de répondre à l’appel de nos soldats par leur souscription ou par l’envoi d’instruments de musique. Il faut que chacun participe à cette œuvre de réconfort de nos hardis bataillons.
À la demande du Syndicat de la presse parisienne, le Touring-Club de France et l’œuvre "Pour le Front" ont bien voulu centraliser les souscriptions, acheter, expédier, recevoir et répartir les instruments. Nous recommandons cette œuvre intéressante à nos lecteurs et transmettons soit au Touring-Club de France, 65, avenue de la Grande Armée, soit à l’œuvre "Pour le Front", 41, rue Saint-Dominique, les souscriptions qu’ils voudront bien nous envoyer.
Voulant coopérer à cette œuvre, nous avons fait parvenir, avec l’assentiment des auteurs, au Touring-Club, 100 exemplaires du chant patriotique qui obtient en ce moment un vif succès "La France en Marche" (50 petit format et 50 grand format avec accompagnement).
La France du Nord, 31 août 1915. Archives départementales du Pas-de-Calais, PG 16/92.
Maurice Maréchal et son "poilu"
Maurice Maréchal, premier prix du Conservatoire de Paris en 1911, est mobilisé au début de la Grande Guerre.
En juin 1915, alors que son régiment se trouve à Ourton (dans le Pas-de-Calais), ses compagnons Neyen et Picque, menuisiers, lui fabriquent un violoncelle à partir de planches de caisse de munitions et de morceaux de porte. Seuls le chevalet et le sillet sont envoyés au front par la mère de l’artiste.
Surnommé "Le poilu", ce violoncelle est le témoin précieux de la production d’instruments de musique par les soldats mobilisés pendant la Grande Guerre.
L’instrument suit le 274e RI tout au long des combats dans un fourgon de ravitaillement, au-dessus des boîtes de conserve ou "déguisé en quartier de bœuf dans un sac à viande" comme l’écrira le général Mangin.
Sa notoriété et la curiosité qu’attise la forme de son violoncelle lui valent de jouer avec son ami André Caplet devant quelques généraux et maréchaux : Foch, Mangin, Gouraud, Joffre et Pétain ont apposé leurs signatures sur la table de cet instrument de fortune.
Dans les années qui suivront la fin de la guerre, Maurice Maréchal poursuivra une carrière de concertiste international et enseignera ensuite au conservatoire de Paris entre 1942 et 1963.