La profonde mutilation infligée aux cités meurtries et l’obligation de reconstruire, a posteriori, des pans entiers de villes fait prendre conscience de la nécessité d’instituer une réglementation claire et cohérente de l’aménagement urbain.
Déjà en 1915, l’architecte Lucien Bechmann souligne l’importance des précautions à prendre en vue du respect absolu des styles régionaux, dont la diversité apporte un si grand charme à nos villes françaises
. Mais la reconstruction ne peut également négliger les préceptes modernes de confort, d’hygiène et de rationalité de ce début de siècle.
En vue de réfléchir à ces problématiques, l’Association générale des hygiénistes et techniciens municipaux (AGHTM) crée l’exposition de la Cité reconstituée qui se tient du 23 mai au 15 août 1916 à la salle du Jeu de Paume et sur la terrasse des Tuileries à Paris.
Cette manifestation pose les fondements de l’urbanisme à venir ; c’est à cette occasion par exemple que sont imaginées pour la première fois les cités-jardins. Ponctuée de journées d’études et de conférences, elle propose également une vaste exposition de plans d’urbanisme d’avant-guerre où spécificité régionale s’intègre à logique utilitariste.
C’est lors de cette exposition que la société anonyme d’Hardelot, fondée par John Whitley en 1905, se fait particulièrement remarquer. On s’extasie volontiers devant les villas d’inspiration anglaise et hollandaise de l’architecte Louis-Marie Cordonnier et on admire la pertinence de l’aménagement de la station balnéaire.
La Cité reconstituée, organe de presse de la manifestation, publie dans ses colonnes du 23 juillet 1916 un article intitulé "Histoire d’une plage modèle. Hardelot-Plage, près Boulogne-sur-Mer (Pas-de-Calais)". L’article décompose l’analyse de l’urbanisme à travers plusieurs thèmes : hygiène, agrément, communications, services généraux, etc. Il conclue sur les raisons de cet engouement général :
La constitution d’Hardelot-Plage offre ceci d’intéressant, parce que très rare, sinon unique, que le pays était auparavant désert, le sol absolument neuf, que rien n’avait encore été entamé, que rien n’était compromis, que les créateurs avaient donc, question financière mise à part, carte blanche pour satisfaire aux exigences, aujourd’hui très complexes et très révolutionnaires pour ainsi dire, de la « Cité moderne » et que l’Œuvre était entreprise au moment où ces règles sont théoriquement connues et admises, et leur efficacité prouvée.
C’est à les satisfaire que la société d’Hardelot-Plage a voué ses efforts.
La Cité reconstituée : journal hebdomadaire, 23 juillet 1916, pp. 4-5.
Étant une station balnéaire, les plans d’Hardelot ne peuvent cependant pas être présentés au concours des villages organisé lors de l’exposition.
Concours de plans d’aménagement de villages
Le comité du groupe 1 de l’exposition de la Cité reconstituée ouvre, sous les auspices du ministère de l’Instruction publique et des Beaux-Arts, du ministère de l’Agriculture, du ministère de l’Intérieur et du ministère du Travail, un concours de plans d’aménagement de villages, concours ayant surtout pour but l’expression d’idées pratiques à tous les points de vue concernant l’aménagement et l’amélioration des agglomérations rurales, en prenant pour bases des données géographiques et des conditions régionales, locales et économiques réelles.
Seront admis à prendre part au concours :
- tous projets d’ensemble concernant une agglomération rurale du territoire français ou belge ;
- tous projets dressés suivant les conditions ci-après désignées, sur les types de villages proposés et choisis dans les régions dévastées par la guerre.
La Cité reconstituée : journal hebdomadaire, 2 juillet 1916, p. 6.
Le concours propose de travailler sur trois villages dévastés : Vailly dans l’Aisne, Templeuve dans le Nord et Sommedieue dans les Hauts de Meuse.
Le comité reçoit les dossiers de vingt-six concurrents. Les premiers prix sont décernés aux architectes Maurice Fournier et Fernand Harnelet. À côté de ce podium, la société d’Hardelot reçoit un prix hors-concours pour son projet atypique.
Hardelot-Plage. Distinction
L’exposition de la Cité reconstruite installée à la terrasse des Tuileries vient de fermer ses portes. Il s’agissait, on le sait, de grouper les résultats des études faites en vue de la reconstruction des cités, des villages et des habitations détruits. Un concours avait été ouvert pour la reconstruction d’agglomérations rurales démolies ou supposées telles.
Les types de Vailly (Aisne), Sommodieue (Meuse), Templeuve (Nord) avaient été pris comme base d’études.
Le jury vient de prendre ses décisions et a cru devoir rendre à Hardelot-Plage, dont les plans étaient exposés, un témoignage particulièrement éclatant.
Regrettant de ne pas trouver dans cette agglomération un village rural dans le sens absolu de ceux dont il avait à récompenser les plans ; mais, au contraire, un lieu de villégiature et de plaisance, non atteint par des faits de guerre, il a tenu cependant à lui donner une récompense de choix, absolument hors de prix et l’a mis hors-concours avec ses plus vives félicitations pour la parfaite harmonie de son plan, l’heureuse disposition de son organisation, l’étude parfaite et presque unique de toutes les conditions d’hygiène, tant au point de vue des eaux potables que des eaux résiduaires et de leur évacuation, et l’aménagement judicieux des parcs de sport et d’agrément qui en font une station balnéaire absolument unique en son genre.
Cette distinction qui récompense la société d’Hardelot des efforts qu’elle a, sans compter depuis dix ans, accomplis sur le pittoresque domaine d’Hardelot, sera bien favorablement accueillie de tous ceux qui connaissent cette place incomparable.
La France du Nord, vendredi 25 août 1916. Archives départementales du Pas-de-Calais, PG 16/95.