Archives - Pas-de-Calais le Département
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La question du papier

Carte postale noir et blanc montrant une bâtisse près d'un plan d'eau.

Aubin-Saint-Vaast. La papeterie. Lib. et Imp. Edouard Herbay, Hesdin, s.d. Archives départementales du Pas-de-Calais, 5 Fi 046/02.

Durant la guerre, la presse française vit sous la menace d’un approvisionnement insuffisant en papier et d’un alourdissement excessif de ses coûts de fabrication. La crise du papier apparaît effectivement en 1915. La situation se dégrade en 1916 et début 1917, notamment en raison de l’intensification de la guerre sous-marine et de la restriction des exportations suédoises en pâte à papier, ce qui entraîne une flambée des prix.

Fin 1916, les journaux de Paris s’associent aux titres de province pour former le Groupement des intérêts économiques de la presse française. Mais les avis divergent au sein de l’organisme : quand les grands nationaux souhaitent augmenter les prix, la presse régionale préfère, quant à elle, réduire la pagination. Face à l’absence de décision, l’État intervient en limitant la pagination (arrêtés des 7 février et 30 avril 1917), mais se résout également à fixer l’augmentation des prix par un arrêté du ministre de l’Intérieur du 11 août 1917.

La Première Guerre mondiale entraîne la "fin de l’âge d’or de la presse française" et provoque une hécatombe de titres. Environ 80 quotidiens de province disparaissent, sans compter une foule de périodiques locaux, ce qui offre aux grands régionaux une occasion de se développer.

On comprend dès lors que l’annonce du gouvernement anglais dans ce contexte tendu alarme Charles Guyot, président du groupe des fabricants de papier du Nord de la France.

La question du papier

M. Charles Guyot, président du groupe des fabricants de papier du Nord de la France, vient d’adresser la lettre suivante à M. le Ministre du Commerce, à Paris.

Maresquel, le 1er février 1916.

Au nom des fabricants de papier du Nord de la France, j’ai l’honneur d’appeler votre attention sur le projet du gouvernement anglais, d’interdire l’exportation des vieux papiers, projet dont les journaux anglais annoncent la prochaine adoption.

Les vieux papiers de provenance anglaise ont pris, dans les fabriques de papiers du Nord de la France, une importance considérable, et certains papiers français contiennent dans leur composition, jusqu’à 50 % de vieux papiers anglais.

Après l’interdiction par la Suède de laisser sortir, pour les Alliés, ses pâtes de bois, si l’Angleterre interdit l’exportation de ses vieux papiers, même pour la France, plusieurs fabriques de papiers françaises seront dans l’obligation d’arrêter.

En tous cas, il en résulterait en France, une hausse considérable sur le prix du papier et particulièrement du papier-journal déjà rare et trop cher.

Le papier-journal, qui coûtait avant la guerre environ 30 francs les 100 kilos, se vend aujourd’hui 60 francs et si la menace de l’Angleterre se réalisait, le papier-journal arriverait immédiatement au prix de 80 et de 90 francs.

Ces prix exorbitants ruineraient la presse française et surtout la presse départementale, qui est dans l’impossibilité de vivre avec le papier à de pareils prix.

Considérant les conditions si difficiles dans lesquelles nous travaillons, nous espérons, Monsieur le Ministre, que vous voudrez bien demander à nos amis les Anglais, qui sont comme chez eux dans la région du Nord de la France, de ne pas nous traiter en ennemis et de ne pas nous réduire au chômage.

Ch. Guyot

La Croix du Pas-de-Calais, dimanche 6 février 1916. Archives départementales du Pas-de-Calais, PE 135/18.