Archives - Pas-de-Calais le Département
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Fermeture du centre Georges-Besnier jusqu'à nouvel ordre

En raison d’une panne du chauffage du Centre Georges-Besnier, sa salle de lecture (Arras) ferme jusqu’à nouvel ordre. Pour toute recherche administrative urgente sur les fonds conservés sur le site concerné (archives contemporaines), nous vous invitons à nous contacter pour une communication par correspondance ou, en cas de nécessité pratique, pour organiser une session de consultation en salle de lecture du Centre Mahaut-d’Artois des documents nécessaires à votre recherche.

Nous vous prions de nous excuser pour la gêne occasionnée et vous remercions par avance de votre compréhension.

Le Noël des réfugiés

Le 27 novembre 1916, les sous-préfets d’arrondissement reçoivent des instructions du préfet du Pas-de-Calais pour l’organisation d’un "Noël des enfants réfugiés". D’autres collectivités, ailleurs, prennent le même genre d’initiatives, à l’image de la Dordogne qui organise un Noël en faveur des enfants belges. La même année, Claude Debussy écrit et compose le Noël des enfants qui n’ont plus de maison.

En plein cœur du terrible hiver 1916-1917, alors que les conditions de vie ne cessent de se détériorer et que flotte encore l’odeur de poudre et de sang des derniers grands assauts de l’automne, les fêtes de la Nativité sont l’occasion d’une parenthèse salvatrice pour les civils au moral fortement éprouvé.

Les archives départementales conservent un dossier relatif à l’organisation de cet événement dans le Pas-de-Calais, sous la cote 11 R 2155. Celui-ci comprend les directives et la correspondance du préfet, ainsi que les rapports des maires et des sous-préfets des arrondissements de Béthune, Saint-Pol-sur-Ternoise, Saint-Omer, Montreuil et Boulogne-sur-Mer. Plus ou moins détaillés selon leurs auteurs, ils nous donnent d’intéressantes indications sur le nombre de réfugiés secourus, le montant des subventions allouées ou encore des dons collectés.

À MM. Les sous-préfets,

Il m’est apparu qu’à l’occasion de la Noël, des distributions de vêtements pouvaient avoir lieu dans les centres les plus importants de réfugiés en faveur des enfants évacués.

Je vous prie, en conséquence, d’examiner si des distributions de cette nature comportant exclusivement la remise de vêtements ou sous-vêtements indispensables peuvent être organisées dans quelques localités de votre arrondissement.

Vous voudrez bien m’indiquer les sommes qui vous sont nécessaires à cet effet en évaluant vos besoins dans une limite raisonnable. Les sommes demandées seront mentionnées en regard des localités.

Je me propose d’assister à plusieurs distributions et j’espère que, de votre côté, il vous sera possible de réconforter par votre présence nos malheureux compatriotes évacués.

Concurremment avec les comités de réfugiés, vous pouvez, s’il y a lieu et après entente avec les maires, faire appel au concours de dames qui se sont distinguées par leur générosité ou par leur dévouement aux œuvres de guerre.

J’ajoute que si quelques friandises ou fruits (oranges) étaient distribués, la dépense qui en résulterait ne pourrait en aucun cas être prélevée sur les fonds que je mettrais à votre disposition. Elle devrait parvenir de dons ou de collectes et mention de cette origine serait faite succinctement dans les comptes-rendus communiqués à la presse et que j’aurais intérêt à posséder dès que vous les aurez centralisés en ce qui concerne votre arrondissement.

Note de Léon Briens adressés aux sous-préfets d’arrondissement du Pas-de-Calais, 24 novembre 1916. Archives départementales du Pas-de-Calais, 11 R 2155.

Pour compléter les crédits départementaux, beaucoup de municipalités s’appuient sur des réseaux de bienfaisance déjà bien implantés localement. Grâce à l’accord de l’inspecteur d’académie, les enseignants mobilisent des équipes d’écoliers pour quêter. Les industriels (compagnies des mines, filatures, etc.) sont sollicités, de même que les commerçants. Certains civils plus fortunés effectuent spontanément des dons. Enfin, les comités de réfugiés et les dames de bienfaisance apportent expérience et soutien logistique à l’opération.

L’argent récolté est réparti en plusieurs foyers, servant à financer l’achat de friandises le plus souvent, mais aussi de cadeaux. Dans certains cas, il est aussi directement redistribué aux familles nécessiteuses

Cette initiative est l’occasion d’une petite fête, au cours de laquelle se rassemblent élus, notables et population civile. Certaines communes accueillant des cantonnements britanniques voient ces derniers apporter leur concours à l’œuvre de bienfaisance. À Sailly-sur-la-Lys, le New Zealand Field Ambulance Orchestra, sous la direction du lieutenant Kenny, donne ainsi un concert en présence du  général commandant la division.

La France du Nord nous décrit "la réunion de famille" organisée au Kursaal de Boulogne-sur-Mer, siège temporaire de la préfecture. 

Le Noël des réfugiés

La réunion de famille organisée pour les réfugiés à l’occasion des fêtes de Noël a eu lieu dimanche matin au Kursaal prêté gracieusement par M. Coucheman, directeur.

Mille réfugiés environ étaient présents à cette fête de solidarité à laquelle assistaient Mmes Briens, Certeux, Coppin, Péron ; Mlles Briens, Aubrun, Voisin, Gerbore ; M. le gouverneur de Boulogne, MM. Haffreingue, adjoint au maire, Coppin, conseiller municipal, Gerbore, vice-président du conseil de préfecture, Desfontaine, président du tribunal, Bordenave, receveur des finances etc. etc.

La Musique militaire a exécuté à la perfection les hymnes des Alliés, l’ouverture de "Si j’étais Roi" et "Frisson d’Avril" de son chef M. Carpentier, puis nous avons entendu des amateurs dévoués de grand talent […].

M. Matthys, poète belge, réfugié, a déclamé aux applaudissements de tous les réfugiés "Un lambeau de Patrie" du grand Verhaeren.

Le concert s’est terminé sur l’apothéose des Alliés, mise en scène par M. et Mme Goudal avec le concours des jeunes filles de l’Amicale Eurvin qui prêtait une fois de plus son concours à une œuvre de bienfaisance.

Au début de la cérémonie, M. Certeux, Sous-Préfet, a excusé M. le Préfet du Pas-de-Calais, retenu au dernier moment à la Chambre, et a lu en son nom le beau discours suivant qu’il se proposait de prononcer.

Discours de M. le Préfet

"Qui n’a pas assisté à l’exode lamentable des populations fuyant devant l’envahisseur, qui n’a pas vu ces longues théories de malheureux poussant devant eux ou traînant péniblement ce qu’ils avaient pu sauver du désastre, qui n’a pas vu l’impressionnant spectacle des vieillards, femmes et enfants cheminant sur les routes encombrées, ne s’arrêtant que pour tromper leur faim, égarer leur angoisse en essayant de dormir dans les fossés, au pied des haies et des meules dans les champs voisins et pauvres loques humaines plus pitoyables que la veille reprenant le lendemain leur long défilé de misères, ne peut se rendre compte des cruelles épreuves de nos pauvres réfugiés.

Et les uns sont partis vers des régions lointaines de France où ils ne sont arrivés qu’au prix de souffrances nouvelles, après des voyages sans fin ou des traversées pénibles sur des navires rapidement affrétés et que souvent guettaient au passage des pirates allemands ; d’autres ont pu éviter l’exil en demeurant dans la zone des Armées où l’existence difficile qu’ils étaient menacés d’y vivre était compensée par l’espoir d’un retour plus prochain à la maison familiale quittée en hâte.

Deux années ont passé depuis lors. Ceux-là sont restés, loin du ciel gris d’Artois, que n’a pu leur faire oublier l’éclatant soleil qui dore là-bas les pampres verts et les garrigues sauvages, ceux-ci ont continué d’attendre plus près que sonne l’heure de la rentrée au logis… peut-être dévasté.

Certains ont eu la chance de trouver des toits accueillants où l’on s’est ingénié à atténuer la rigueur de leur infortune, c’est votre cas à vous qu’une bonne étoile  ̶  la seule peut-être qui brillât encore en votre ciel  ̶  a conduit ici dans une grande et belle ville, hospitalière entre toutes, tandis que d’autres ont dû hélas ! vivre comme des "indésirables" à côté de gens qui n’ont jamais pu s’élever au niveau de leur patriotique sacrifice…

Mais qu’importe son degré, votre détresse mérite d’éveiller toutes les sympathies et c’est pour vous marquer la nôtre que vous nous voyez tous aujourd’hui près de vous. Autorités civiles et militaires qui savent l’étendue de vos douleurs amicales et dames charitables venues vous apporter une part de leur cœur…

C’est pour cela qu’à la veille de cette journée de Noël, évocatrice traditionnelle de rêves de bonheur, idéalisée par les plus merveilleuses légendes de cette journée qui jadis vit luire au fond d’un berceau le signe de rédemption d’un peuple opprimé, nous avons voulu venir chanter avec vous un hymne d’espoir en des lendemains prochains de délivrance.

C'est pour cela que M. le Sous-Préfet de Boulogne a apporté le meilleur de lui-même à l’organisation de cette fête avec le concours aussi empressé que généreux d’artistes qu’il n’a pas fallu solliciter deux fois et que je me fais un devoir de remercier cordialement d’avoir, comme toujours, mis leur talent au service d’une bonne œuvre.

C’est pour vous réconforter que nous sommes venus vous prouver que vous n’êtes point seuls, que nous sommes accourus vous dire qu’un jour viendra où vous descendrez de votre calvaire et que vous connaîtrez à nouveau les douceurs de la famille reconstituée, du foyer restauré".

La France du Nord, mardi-mercredi 26-27 décembre 1916. Archives départementales du Pas-de-Calais, PG 16/95.            

Tous les rapports des maires et des sous-préfets sont unanimes : l’organisation de l’évènement est une réussite à tout point de vue. Une grande chaîne de solidarité s’est organisée, grâce notamment à la présence et au soutien de tous les acteurs sollicités, comme le rapporte le sous-préfet de Béthune, Adrien Bonnefoy-Sibour.

Le sous-préfet de l’arrondissement de Béthune à Monsieur le préfet du Pas-de-Calais,

Comme suite à mes précédentes communications, j’ai l’honneur de vous confirmer que les distributions de vêtements et sous-vêtements aux enfants réfugiés nécessiteux ont donné lieu dans mon arrondissement, partout où elles avaient été organisées, à des manifestations de solidarité morale et matérielle particulièrement émouvantes. J’ai trouvé auprès des municipalités, des comités, des habitants des communes, des industries locales et même de certains états-majors britanniques, qui, spontanément s’étaient joints à nous, un concours extrêmement dévoué et intelligent.

Les distributions ont été très judicieusement faites, la satisfaction des intéressés est extrême. Tout démontre en un mot que nulle initiative ne pouvait être plus heureuse ni mieux accueillie […].

Lettre du sous-préfet Adrien Bonnefoy-Sibour au préfet Léon Briens, 12 janvier 1917. Archives départementales du Pas-de-Calais, 11 R 2155.