Dans la nuit du 17 au 18 mars 1917, quatre destroyers allemands voguent en silence vers Calais avec pour objectif le bombardement de la ville et du port. Repérés par une patrouille britannique, ils sont contraints de rebrousser chemin.
La semaine suivante, dans la nuit du 25 au 26 mars, Dunkerque connaît son premier bombardement par mer.
Un mois plus tard, dans la nuit du 20 au 21 avril, Calais est de nouveau prise pour cible. Port stratégique reliant l’Angleterre à la France, la ville est également une base britannique de première importance.
Partant de Zeebrugge, la Ve demi-flottille allemande, composée de deux groupes de trois destroyers, a pour ordre de bombarder simultanément Douvres et Calais vers minuit et demi.
Le premier groupe arrive à Calais à minuit vingt. En quelques minutes les trois destroyers lancent plus de 150 obus sur la ville et le port, éclairé pour faciliter l’accès des navires au chenal. Une vingtaine de rues sont particulièrement touchées et l’on recense d’importantes destructions, tant dans la ville que dans le port.
Douvres s’en sort indemne grâce à un leurre. À quelque distance de la ville, un champ avait été intentionnellement éclairé pour tromper l’ennemi. Et la ruse a parfaitement fonctionné.
À 1 h 50, les deux groupes de destroyers se rejoignent et prennent ensemble la route du retour. Mais deux bâtiments anglais partis de Douvres, le Swift et le Broke, leur barrent le chemin. À l’issue du combat qui s’ensuit, la flotte britannique parvient à prendre le dessus et à mettre en déroute les destroyers qui s’enfuient ou coulent. La presse salue le courage des marins anglais.
Un communiqué allemand du 22 avril préfère, quant à lui, minimiser cette information pour pointer du doigt le manque de défense de la cité française (Calais n’était pas gardé
), ce qui a pour conséquence de déclencher de virulents débats à la Chambre des députés.
Le général Ditte, gouverneur de la ville, déclare aux officiers du front de mer que l’incident doit les pousser à renforcer la surveillance du port.
Le 29 avril, Lucien Lacaze, ministre de la Marine, arrive à Calais. Accueilli par le gouverneur et l’amiral Ronarc’h, commandant supérieur de la Marine dans la zone des armées du Nord (ZAN), il participe à une conférence en vue d’examiner les mesures à prendre en cas de bombardement
et de renforcer la sécurité du port. Dix mois plus tard, la marine allemande tentera néanmoins un nouveau bombardement de Calais par mer.
Calais bombardée par mer : plusieurs maisons atteintes, quelques victimes
Notre correspondant de Calais nous envoie un télégramme annonçant que Calais a été bombardée, cette nuit, par mer.
Le Petit Calaisien publie à ce sujet les renseignements suivants :
Un coup d’apache tout à la boche
Les sauvages de la Kultur vont enregistrer dans leur communiqué une gloire de plus.
Choisissant, comme les apaches, une nuit des plus obscures, ils sont venus – en se gardant bien de rechercher le combat avec les croisières anglaises – se poster devant Calais, et subitement vers minuit et demie, ils ouvrirent le feu de toutes leurs pièces dans la direction de la ville endormie.
10 minutes d’enfer
La canonnade éclata, soudaine, par quelques coups espacés, de signal sans doute, puis précipitée en un roulement ininterrompu.
De loin, on aurait juré d’un combat naval tellement l’acharnement du bombardement était grand.
De combat ? Il n’en était pas question !Les Boches allaient vite, simplement, comme se dépêchent les malfaiteurs, pour perpétrer leur mauvais coup, avant que les navires alliés n’aient eu le temps d’intervenir.
Et de fait au bout de 10 minutes environ tout rentra dans le silence. Les Boches avaient filé.
Mais ils durent être rejoints un peu plus tard, car vers 2 heures ½ on entendit dans le lointain un nouveau roulement de canonnade.
Les effets du tir
N’était la grande lueur qui survole chaque nuit une usine… que les Calaisiens connaissent bien, et qui leur servit très vraisemblablement de repère, il y a gros à parier que les Boches, avec leurs navires comme avec les zeppelins, auraient tiré à côté.
Mais, cette fois, quelques obus atteignirent leur but, frappant plusieurs habitations, et surprenant les habitants en plein sommeil.
Il y eut des maisons démolies, des appartements ravagés, des femmes et des enfants effrayés à en mourir, et malheureusement aussi quelques victimes.Le tir devait être très plongeant car nous avons vu des maisons abritées face à la mer, par une maison plus haute de l’autre côté de la rue et touchées au rez-de-chaussée.
Ici, c’est un obus de gros calibre qui a frappé en plein dans un mur, entraînant la destruction d’une cage d’escalier disparaissant sous un amoncellement de briques.
Là, c’est un rez-de-chaussée traversé de part en part par un obus qui a tout dévasté à l’intérieur, passant au-dessous des habitants couchés au premier étage sans leur faire aucun mal.Malheureusement, il y eut ailleurs quelques victimes !
On nous signale jusqu’ici une dame Quenez, qui fut tuée avec sa fillette – quel beau succès pour des boches ! – puis une dizaine de blessés plus ou moins légèrement.Nous avons compté pour toute la ville cinq ou six maisons touchées.
Et c’est tout, c’est tout pour une canonnade formidable, où les coups se succédaient en un véritable roulement.
Le résultat est mince, mais il est suffisant en signification, pour que nos populations industrielles et commerciales jadis si accueillantes pour les indignes ennemis de la France, leur ferme à jamais les portes de la cité qu’ils ont tenté d’assassiner aujourd’hui.
La France du Nord, dimanche 22 avril 1917. Archives départementales du Pas-de-Calais, PG 16/96.
En tout, sept personnes périssent dans le bombardement qui occasionne également de nombreux blessés.
Symbole de la barbarie allemande, les funérailles des quatre membres de la famille Conan-Deloison sont célébrées devant un certain nombre de personnalités locales le mardi suivant. Dans l’assistance, Le Télégramme du 26 avril 1917 recense la présence de M. Certeux, sous-préfet de Boulogne, de conseillers généraux et municipaux, du commandant de Goy, représentant le gouverneur Ditte, ainsi que de nombreux officiers français, britanniques et belges.
Le bombardement naval de Calais : 7 morts, nombreux blessés
Nous avons signalé qu’au nombre des victimes du bombardement naval subi par Calais au cours de la nuit de vendredi à samedi se trouvait une dame Quenez et sa fille âgée de 16 ans, dont le mari et père est mobilisé, lesquelles furent tuées dans leur lit.
Parmi les autres victimes il convient de citer plusieurs personnes qui ont également succombé à leurs blessures.
C’est le cas d’une famille de quatre personnes dont le père M. Conan-Deloison, un fils de 15 ans, une jeune fille de 20 ans, et un enfant de 2 ans, furent tués sur le coup. Leur maison avait été détruite par un obus qui éclata après avoir déjà traversé une maison voisine sans éclater. La mère grièvement blessée survécut seule à sa famille et fut transportée en voiture automobile à l’Hôpital Saint-Pierre.
On signale également la mort, à cet hôpital de M. Bonard-Boulanger âgé de 66 ans qui avait été grièvement blessé à la tête et à l’épaule par un éclat d’obus.
Au nombre des blessés qui furent également conduits à l’hôpital se trouvent :
- Mme Louise Conan-Deloison, âgée de 51 ans, dont le mari et les enfants ont été tués ainsi que nous l’avons relaté plus haut. Son état était assez satisfaisant samedi soir. La pauvre femme, dont le mari était charpentier, a eu neuf enfants dont 4 étaient encore vivants avant ce nouvel acte de piraterie des Allemands. Aujourd’hui il ne lui reste plus qu’un seul fils qui est au front.
- Mme veuve Élise Fournier, âgée de 80 ans, et sa petite-fille Zélie Houzel, âgée de 20 ans, furent également admises à l’Hôpital.
D’autres personnes ont été plus ou moins grièvement blessées par des chutes de matériaux, des éclats de verre ou même des éclats d’obus.
Pour les victimes du bombardement
L’Administration municipale a décidé de réserver aux malheureuses victimes du bombardement du 21 avril les bénéfices de la représentation de la Tosca qui aura lieu demain mardi à 18 heures au Grand Théâtre.
Nous espérons que la salle sera trop petite pour contenir tous ceux qui tiendront à apporter leur généreuse obole à nos concitoyens sinistrés.
La France du Nord, lundi 23 avril 1917. Archives départementales du Pas-de-Calais, PG 16/96.