Archives - Pas-de-Calais le Département
Les informations contenues dans cette page ne sont valables avec certitude que jusqu'à cette date et heure.

L’effort des femmes françaises par Mme Harlor

Photographie noir et blanc montrant un groupe de femmes chargeant un brancard dans une ambulance.

Ambulance automobile du groupe des F.A.N.Y. transportant des blessés belges. Photographie retouchée. Archives départementales du Pas-de-Calais, 43 Fi 504.

En mars 1918, les membres du comité de la Société de géographie se réunissent dans la grande salle d’études du collège Mariette, sous la présidence de M. Barlet, principal et vice-président. À cette occasion, la société a souhaité mettre à l’honneur le temps d’une journée les femmes. Le programme alterne les prestations musicales et les lectures consacrées aux grandes figures littéraires et historiques féminines.

Pour marquer cette soirée, la Société a fait appel à l’une des proues du féminisme en France, Jeanne Fernande Perrot dite Thilda Harlor (1871-1970). Journaliste, femme de lettres, critique d’art et militante féministe, celle que l’on surnomme également "Mme Harlor" fait ses débuts à Paris au journal La Fronde (premier dans le monde à être entièrement conçu et dirigé par des femmes) aux côtés d’une autre journaliste féministe Marguerite Durand (1864-1936). Thilda Harlor occupera ensuite jusqu’en 1945 le poste de directrice de la bibliothèque Marguerite Durand, dédiée à l'histoire du féminisme, à la littérature et à la création féminine. Cette bibliothèque, fondée en 1932 a vocation à recevoir la donation faite par Marguerite Durand, de son vivant, de sa bibliothèque à la ville de Paris.

Mme Harlor participe outre à diverses publications, dans Le Journal des Femmes, La Revue Socialiste, etc. On retrouve ses préfaces dans le catalogue de l'exposition Girieux, Launay, Picasso et Pichot du 15 novembre au 15 décembre 1902 à la Galerie tenue par Berthe Weill. Ses ouvrages sont signés Th. Harlor, ses articles Harlor. Elle publie aussi des romans et des biographies.

Face à un auditoire comblée, Mme Halor rappelle le courage de la femme française, soulignant depuis les débuts du conflit son engagement pour la patrie : elle évoque le rôle de la paysanne, celui de la femme urbaine à l’usine et investie dans les nouveaux métiers du milieu tertiaire, sans oublier l’engagement des femmes infirmières au chevet des blessés.

Son intervention s’achève sur une question : pourquoi pas ne pas imaginer que ces femmes, qui participent déjà "à la grande vie nationale" soient un jour l’égale de l’homme dans tous les domaines, y compris politiques ?

Rappelons tout de même qu’aucune des revendications formulées en France par les féministes ne seront réalisées au lendemain de la guerre : ni droit de vote, ni amélioration du statut civil de la femme mariée. Pourtant, en 1919, la Chambre des députés vote des droits politiques pour les femmes mais le Sénat s’y oppose.

Société de géographie : l’effort des femmes françaises, par Mme Harlor

Malgré la température printanière et un soleil radieux la foule des habitués des conférences de la Société de Géographie avait envahi la grande salle d’études du Collège Mariette.
La musique du détachement de Boulogne, sous la baguette experte de M. Carpentier, exécute avec brio les hymnes français et anglais et les morceaux annoncés au programme.

Trois élèves du Collège Mariette, MM. Croisilles, Sergeant et de Prémare viennent tour à tour déclamer avec beaucoup de sang-froid et de naturel deux morceaux de vraie littérature de M. Guyau, la femme et la mère, et un extrait de Michelet sur Jeanne d’Arc qui montre bien que dans tous les partis, la pucelle de Domrémy est vénérée comme elle le mérite.
Puis ce fut le tour de deux tout jeunes élèves de Mariette, MM. Balout et Gillant qui vinrent réciter avec beaucoup d’aplomb, deux fraîches poésies, les Enfants et les Mères, de Jouy et le Rouet de la Grand’Mère, de Tournier.
Ces cinq jeunes élèves excellents interprètes, furent très applaudis.

M. Barlet, principal du Collège et président de la Société de Géographie, prend alors la parole et lit à son auditoire une dissertation très approfondie sur ce qu’il appelle les Impondérables, qu’il nous est impossible d’énumérer ici et qui jouèrent un rôle considérable dans cette guerre.
M. le Principal après avoir recueilli les applaudissements des auditeurs, présente la conférencière de cette soirée lyrique et littéraire, Mme Harlor. Écrivain de marque, Mme Harlor qui est secrétaire de l’Association Droit et Liberté, collabore à de nombreux journaux de la capitale. Aucune question concernant particulièrement la femme, ne lui est étrangère.

Mme Harlor prenant la parole, après quelques mois aimables à l’adresse de M. Barlet de ses élèves et de son fidèle auditoire, entre dans le vif de son sujet et parle de la femme française. Sans doute, à l’étranger et surtout en Bochie, on a une certaine propension à considérer la femme française comme une évaporée, qui n’a pas de fond, qui n’aime que le plaisir et la littérature légère. Évidemment la femme française n’est pas hypocrite. Elle est belle, elle est gaie, elle est intelligente, elle est patriote. Et c’est ce qui fait mourir de dépit les femmes d’Outre-Rhin. Oui, la femme française est patriote ! Et Mme Harlor le prouve par de nombreux exemples. Elle salue l’inlassable dévouement des dames de la Croix-Rouge française. Les travaux des champs, des usines même sont en partie exécutés par de faibles femmes. Tous les corps de métier ont tenté les femmes qui sont devenues boulangères, cordonnières, charpentières, couvreuses même, que sais-je encore ?... Nous avons les femmes avocates, ingénieurs, administrateurs de grandes sociétés agricole ou industrielles, sans parler de nos admirables institutrices.
Et dans toutes leurs entreprises, les femmes obtiennent un succès incontestable.
Et les œuvres d’assistance, de bienfaisance nées de la guerre sont toutes l’œuvre du cœur et de l’esprit des femmes.

Et alors est-il admissible s’écrie Mme Harlor, que les femmes soient frappées d’ostracisme, quand il s’agit de les faire participer à la grande vie nationale.
En termes énergiques, la conférencière, réclame en faveur de la femme, les droits qui la feront l’égale de l’homme dans tous les domaines, mêmes politiques.

Mme Harlor termine sa conférence, souvent interrompue par les applaudissements, par un éloquent appel au patriotisme de ses auditeurs qu’elle met en garde contre les menées du défaitisme, qui est le complice de notre ennemi. (Longs applaudissements).

Après cette intéressante causerie, la projection de films cinématographiques ayant trait à la guerre, intéressa vivement les spectateurs.

Le Télégramme, mercredi 20 mars 1918. Archives départementales du Pas-de-Calais, PG 9/29.