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Vers la solidarité industrielle

Le Télégramme, jeudi 27 décembre 1917

En présence des difficultés complexes et multiples qui ont été suscitées par le fait de la guerre et de ses complications sans cesse renouvelées et aggravées, les dirigeants de l’industrie calaisienne se sont vus contraints d’adopter des mesures nouvelles et de rechercher les remèdes propres à conjurer les périls et à solutionner les problèmes.

C’est ainsi que nous avons vu se produire maintes initiatives et se développer des efforts dont la simultanéité et la cohésion pourront, seules, produire les résultats souhaités.

Il y a quelque temps s’est constituée à Paris une société qui a pris notamment pour objectif d’assurer aux fabricants calaisiens, petits ou grands, des facilités nouvelles pour la vente de leurs produits. Elle se charge non seulement d’offrir les articles fabriqués aux acheteurs, en fixant des prix de vente suffisamment rémunérateurs pour permettre à chacun d’y trouver son compte, empêcher l’avilissement des prix résultant de la nécessité pour un fabricant dans la gêne de réaliser coûte que coûte la valeur de ses marchandises en magasins, mais elle se charge également de la mise en lieu sûr des stocks fabriqués pour les écouler méthodiquement au mieux des intérêts de chacun.

Certes voilà une solution élégante du problème qu’a souvent envisagée la fabrique pour arriver à se soustraire aux exigences de certains intermédiaires recrutés parmi les intrigants du cosmopolisme boche dont Calais, avant la guerre, se trouvait littéralement infesté, vivant aux crochets de nos industriels, accaparant le plus clair de leurs bénéfices, et se faisant peu à peu les maîtres du marché en contraignant les fabricants à passer par leurs exigences et sous leurs fourches caudines.

Il est bien entendu qu’après la guerre les maisons boches ne renaîtront pas et ne pourront plus recommencer à tyranniser nos industriels en leur imposant leurs méthodes de vente.

Ce sera un énorme bénéfice retiré d’un très grand mal.

Premier point qui semble dès maintenant acquis et résultant des gigantesques perturbations apportées dans l’industrie par la convulsion qui secoue le vieux monde.

Un autre bénéfice non moins à dédaigner, qui semble devoir en sortir également, réside dans le sentiment unanime éprouvé par les fabricants de la nécessité de se solidariser.

Cette solidarité s’était à vrai dire établie déjà partiellement dans notre monde industriel quand s’était constituée d’abord la chambre syndicale des fabricants de tulles et dentelles, la plus ancienne en date, puis à l’occasion d’un conflit économique quand se fonda l’association générale des fabricants de dentelles, créée pour un but plus limité, en vue de la défense d’intérêts d’ordre particulier.

Aujourd’hui les fabricants se groupent plus étroitement encore pour faire face à d’autres dangers.

Nous les avons vus tenir des assemblées où furent discutées les questions concernant le fonctionnement des grandes usines, le paiement régulier des droits de location d’emplacement, de force motrice, d’éclairage, les heures de travail, etc.

C’est ainsi que, fans les usines collectives, la journée de travail prend fin désormais à 5 heures, d’où il résulte du fait de l’arrêt de la force motrice une économie très appréciable du combustible, et en même temps une sécurité plus grande résultant de l’extinction des lumières dans les ateliers et la possibilité pour le personnel d’être rentré chez lui à l’heure où l’on peut s’attendre, en raison de la brièveté du jour, aux alertes de bombardement qui autrefois trouvaient ouvriers et ouvrières en pleine rue.

Ces mesures sont excellentes. Elles incitent en même temps les ouvriers à faire donner à leurs métiers le maximum de rendement puisqu’ils savent qu’ils ne peuvent plus laisser perdre le moindre temps pendant lequel la machine fournit la force motrice, pour parfaire leur semaine.

De leur côté les syndicats et groupements corporatifs ouvriers s’assemblent et recherchent les méthodes les plus avantageuses et les plus rationnelles pour aider la fabrique à se tirer d’affaire tout en permettant à chacun, employeur et salarié, d’y trouver son compte. Nous avons vu aussi comment la fabrique étudie la meilleure combinaison pour constituer, par ses propres moyens, un fonds d’assurance contre les risques de destruction par bombardement. Cet effort est digne d’être suivi et encouragé. Nous l’avons vu dans de précédentes études de la question.

Pharos

Le Télégramme, jeudi 27 décembre 1917. Archives départementales du Pas-de-Calais, PG 9/28.

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