La sélection présentée porte à la fois sur des photographies réalisées par les sections photographiques des armées française et britannique, mais aussi sur des clichés privés. Elle s’appuie en outre, pour partie, sur des collections particulières, remises pour conservation en original ou sous forme de reproduction numérique aux archives départementales du Pas-de-Calais.
Section Photographique de l'Armée (SPA)
Pour pouvoir répondre à la propagande allemande, sur la demande du ministère des Affaires étrangères, mais aussi pour recueillir à titre de documents historiques toutes les vues du terrain, des ouvrages, de la vie quotidienne des troupes
, la section photographique de l’armée (SPA) est créée le 9 mai 1915, par une note du général Joffre.
Elle s’appuie pendant quelques mois sur des maisons privées, par l’intermédiaire de la Chambre syndicale de la photographie, mais aussi sur l’équipe de photographes de prendre des clichés des monuments historiques classés endommagés, au ministère de l’Instruction publique et des Beaux-Arts.
Elle dépend elle-même des deux ministères : le personnel est purement militaire, avec le ministère de la Guerre comme donneur d’ordres ; le sous-secrétariat des Beaux-Arts assure la gestion administrative et financière, et fournit les locaux (direction des Monuments historiques, rue de Valois). Fusionnée avec la section cinématographique de l’armée le 6 février 1917 (section photographique et cinématographique de l’armée, SPCA), elle devient Service photographique et cinématographique de la Guerre (SPCG) du 19 août 1918 à sa suppression par décision ministérielle du 10 septembre 1919.
Le fonds est alors rattaché au ministère de l’Instruction publique et des Beaux-Arts, au sein d’un service photographique et cinématographique des Beaux-Arts ; mais le 31 décembre 1921, ce dernier est lui-même réorganisé en une société anonyme des archives photographiques d’art et d’histoire, placée sous le patronage de l’Instruction publique.
Les photographes recrutés doivent être des militaires du service auxiliaire. Au nombre de cinq à la création de la section, ils sont 27 en 1917, pour un total de 90 noms d’opérateurs recensés. Ils sont envoyés en mission sur décision spécifique du ministère de la Guerre, qui assure leur déplacement dans la zone des armées.
La présente sélection comprend des clichés réalisés par :
- Marcel Lorée (1888-19..?), caporal, en poste de juin 1917 au 20 mars 1919 (auteur de la série Lo), qui intervient en 1918 à Nœux-les-Mines (janvier), Saint-Pol-sur-Ternoise (mars) et Béthune (juillet) ;
- Emmanuel-Louis Mas (1891-après 1956), à la SPA du 22 novembre 1915 au 14 juillet 1919 (série S), auteur d’un reportage sur le cantonnement de spahis tunisiens de Wavrans-sur-Ternoise (février 1916) et devenu après-guerre employé de laboratoire, puis opérateur au service photographique des Beaux-Arts, chargé de reproduire le patrimoine immobilier et mobilier ;
- Albert Moreau (1891-19..?) : membre de l’équipe des photographes couvrant depuis 1914 les dommages de guerre pour le sous-secrétariat des Beaux-Arts, il est caporal, "reporter photographe" à la SPA (série M) du 26 juillet 1915 au 14 juillet 1919 ; il est venu à Calais pour la visite du président du Conseil Aristide Briand le 25 juin 1916 ;
- Paul Queste (1877-19..?) : lui aussi opérateur photographe au ministère de l'Instruction publique et des Beaux-Arts, affecté à la section photographique de l'armée (série B) du 1er juillet 1915 au 15 janvier 1919. Caporal décoré d’une citation à l’ordre du régiment par le général de la 6e armée en juillet 1917 pour s’être porté au secours de soldats ensevelis sous les obus en août 1916, il dirige, avec le titre de moniteur, la formation à la photographie donnée à l’École des opérateurs de prises de vue, créée au sein de la SPCA le 10 juillet 1918. Il est l’auteur des photographies prises à Arras (non datée) et Warlencourt (septembre 1917).
Service Photographique de l'Armée belge (SPAB)
Fondé par une circulaire du 5 novembre 1915, le SPAB (service photographique de l’armée belge) se voit adjoindre dès l’année suivante un second service, le SPAB 2, créé à Paris afin de collecter des clichés, de les documenter et de les exploiter. En 1917, s’y ajoute un service d’information permanent, tandis que les deux services photographiques existants sont intégrés au service cinématographique de l’armée belge.
Le Bureau de Propagande britannique
Pour répondre aux mêmes objectifs qu’en France ou en Allemagne, contrôler la production photographique tout en rassemblant une documentation destinée à la propagande aussi bien qu’à l’histoire, l’armée britannique s’est, dans un premier temps, contentée d’accréditer quelques photographes proposés par les agences de presse ou de faire appel à la section photographique des Royal Engineers.
En mars 1916, elle décide toutefois de nommer un photographe de guerre officiel, militaire (au grade de lieutenant) chargé de parcourir la zone de front. Le premier d’entre eux est Ernest Brooks, rattaché avant-guerre au quotidien The Daily Mirror et qui a couvert la bataille de Gallipoli. On lui adjoint John Warwick Brooke dès le début de la bataille de la Somme ; au total, près de douze photographes officiels vont être missionnés pour illustrer le conflit.
Le Canada en avril 1916, l’Australie en novembre, suivent cet exemple pour leurs propres troupes. Le bureau de propagande exige une grande diversité des sujets photographiés, activités de loisirs,visites de hauts dignitaires, troupes fraternisant avec les civils à l’arrière ou encore préparation au combat.
Les photomontages ou une mise en scène détournée sont a priori interdites, afin de ne pas saper la crédibilité ; toutefois, les images "orchestrées" restent difficiles à éviter, étant donné les difficultés techniques de la prise de vue sur les champs de bataille. L’exposition comprend ainsi des clichés de :
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Ernest Brooks (1878-après 1936) : ancien photographe officiel de la famille royale, publié dans le Daily Mirror ou le Manchester Guardian, il est chargé d’accompagner la force expéditionnaire britannique à Gallipoli, puis devient le premier photographe de guerre officiel du War Office en mars 1916. Adepte des silhouettes dramatiques, il a réalisé près de 10 % des clichés officiels britanniques de la Grande Guerre, avec près de 4400 images saisies entre 1915 et 1918. Redevenu photographe de la Cour de 1919 à 1925, il continue le photojournalisme jusqu’en 1936.
- Armando Consolé : a servi brièvement en tant que photographe sur le front occidental en 1918, jusqu’à ce qu’il soit amputé d’une jambe à la suite de l’explosion d’un obus.
- David McLellan : rattaché au Daily Mirror, il est nommé photographe de guerre pour le bureau de la propagande dès décembre 1917.
- Thomas Keith Aitken (1879-19..?) : photographe dans un journal de Glasgow, il est lui aussi affecté comme photographe officiel de l’armée au bureau de la propagande en décembre 1917.
Les photographes amateurs
Combattants ou civils, les photographes amateurs bénéficient de la diffusion d’appareils de plus en plus petits et maniables. Ils dépeignent une autre vision de la guerre, celle de la vie quotidienne, de la camaraderie, voire même de la mort.
- Émile Bernard (1891-1971) : lieutenant au 208e régiment d’infanterie, il est blessé dès le 30 août 1914. Il enchaîne de 1915 à 1918 cinq camps d’internement d’officiers, dispersés dans toute l’Allemagne, dont il garde le souvenir par la photographie.
- Émile Camys (1862-1934) : compositeur installé à Calais en 1895, il est chef d’orchestre au Casino, chef de la musique municipale et directeur de l’école de musique. Orateur brillant, il donne de nombreuses conférences illustrées, sur son art tout d’abord, puis sur des thèmes patriotiques dès le début de la guerre. Il poursuit cette activité après l’armistice et y ajoute l’animation ou la création d’oeuvres d’entraide.