Le beffroi d'Arras, restauration et reconstruction

À partir de 1861, sous la direction de l’architecte Louis Mayeur, le sculpteur ornemaniste Edmond Mathon, travaille pendant dix ans à l’ornementation intérieure et surtout extérieure de l’hôtel de ville. Le placage sur les nouvelles façades d’une foule confuse de colonnes, de figures allégoriques, de statues, de cariatides, d’amours, de chimères, mélangeant les éléments stylistiques grecs, égyptiens, romans, gothiques… suscite de violentes critiques chez les Arrageois. Dans les années 1920, Pierre Paquet, architecte en chef des Monuments historiques, reconstruira les ailes et l’arrière du l’hôtel de ville dans le style néo-Renaissance.

Rares sont ceux qui, en parcourant les places d’Arras perçoivent l’ampleur des destructions de la première guerre mondiale. L’hôtel de ville avec son frontispice gothique, hormis les dates de 1927 et 1931 gravées sur son soubassement, semble authentique. Ce pari de l’illusion est l’un des objectifs majeurs que se sont fixés les rebâtisseurs arrageois des années 20.

La loi de 1919 sur les dommages de guerre impose que les monuments d’art ou d’histoire d’intérêt national soit reconstruits à l’identique. Cette mission est confiée à l’architecte en chef des monuments historiques, Pierre Paquet. Paul Decaux, l’un des principaux maîtres d’œuvre, assure la surveillance journalière du chantier.

La reconstruction d’Arras consacre l’emploi du ciment armé dans les monuments historiques expérimenté depuis le début du siècle comme un moyen de consolidation. L’application la plus audacieuse de ce matériau a été réservée au beffroi et à l’hôtel de ville. 

L’instabilité du sous-sol a conduit le bâtisseur à faire reposer la nouvelle construction sur 78 puits de ciment, de 16 mètres de profondeur en moyenne, dont les têtes sont reliées par d’épaisses poutres. Le mérite technique de cette opération est à mettre à l’actif de l’Arrageois Louis Peulabeuf, entrepreneur et ingénieur. 

Les archives de l’architecte Paul Decaux ont été données aux archives départementales par ses héritiers dans les années 1980. Ce fonds est d’une importance primordiale pour apprécier l’étendue des destructions de la Première Guerre mondiale et l’ampleur des travaux de reconstruction.

Outre de rares dossiers, il est essentiellement constitué de plans et de plaques photographiques. Il est assuré que Paul Decaux, passionné de photographie, est l’auteur d’une grande partie de ces clichés. Il nous laisse une sorte de reportage de la campagne de reconstruction auquel s’ajoute une leçon sur les matériaux et les techniques employés.

Les remplois des éléments sculptés ont été très limités. La substitution de l’ancien matériau a entraîné le renouvellement presque intégral du décor. L’épuration stylistique s’est faite au dépens des ajouts du XIXe siècle. Les sculptures sont l’œuvre de Pierre Seguin. 

Dans la deuxième moitié du XIXe siècle, apparaissent de nouvelles règles d’hygiène et de circulation qui incitent aussi à la mise en valeur des bâtiments publics. C’est ainsi que l’on décide, à Arras, de désenclaver l’hôtel de ville en créant, à l’arrière, la place de la Vacquerie entre 1867 et 1871. C’est également à cette date que Louis Mayeur entreprend la construction de l’aile droite, rue de la Braderie.